mercredi 8 mars 2017

Interview écrite

Présentez votre ouvrage, La cicatrice du brave ?
C’est un autoportrait, plusieurs croquis de visage, ratés, peut-être réussis, repris, refaits. C’est un visage qui fuit sa reproduction littéraire, qui va courir les rues à la recherche d’un autre visage. Le livre est composé d’épiphanies, d’illuminations – au sens de Rimbaud -, qui sont autant de tentatives d’y voir clair sur une tête, un visage, une trogne d’homme. Giacometti a vécu cela dans l’exercice de son art. Il a très bien parlé de ces échecs répétés qui sont au cœur de son métier, de sa recherche de la beauté. Je me sens ragaillardi en évoquant sa compagnie.
Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Je ne suis pas facteur. Je ne délivre pas des messages. Je n’écris pas vite. Je tâche d’écrire faste. La beauté de la phrase est le seul enjeu d’envergure de ce raid aventurier qu’on appelle la littérature.
Où puisez-vous votre inspiration ?
Elle vient de la lecture, d’une écoute attentive, d’une fréquentation respectueuse des sonorités des maîtres de la littérature. C’est la langue de ma mère – la langue française – qui me donne cette envie de chair. C’est elle qui me jette dans l’expérience sacramentelle du style. L’écriture sur la page est ma manière d’apprivoiser les paysages et les visages. Je les côtoie comme une joie qui se donne à moi.
Quel est votre personnage préféré ?
Braque disait: “Les preuves fatiguent la vérité”. C’est pour cela que je n’aime pas les histoires. Je n’ai pas d’imagination, mais des impulsions. Simone Weil raillait “l’imagination, combleuse de vide”. Il faut se satisfaire du vide, le regarder dans les yeux. On s’hypnotise du vide. Le vide est un chemin de vie. Et la vie invente davantage que l’imagination n’imagine. Car il s’agit de vérité, d’être vrai. Or il n’y a pas d’autre vérité que celle de l’émotion. Je suis traversé d’émotions éphémères, transpercé de flèches littéraires. Les émotions sont aussi des mensonges, mais des mensonges qui ont le souci de la vérité.
A quels lecteurs s’adresse votre ouvrage ?
Mon petit livre s’adresse aux admirateurs fervents de la langue française, aux intoxiqués de la seule grandeur du style. Il est dédié à tous les inconsolables de la beauté du monde, aux amoureux transis des choses de la géographie, aux amis inconditionnels d’une écriture artisanale taillée dans les couleurs du ciel.
Quels sont vos auteurs/es fétiches ?
J’attribue l’épithète “admirable” à un seul auteur, esthète suprême, rois des rois: Marcel Proust. Je crois que Mauriac parle à son endroit de “prince oriental”. Proust tue le match. Mais j’adore Cruchard, c’est-à-dire Flaubert pour sa nièce Caroline. Je me délecte du Céline de Mort à Crédit, livre grandiose. Je révère la somptueuse prose  d’André Pieyre de Mandiargues. J’aime Jacques Chardonne et Bernard Frank.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
L’ambition première est d’avoir follement envie d’écrire. Il s’agit d’aiguiser cette démangeaison de la passion d’écrire. Il faut  savoir se retenir. N’écrire qu’à bon escient, au bon moment, en guetteur de gibier devant la beauté. Je projette de poursuivre ma série d’autoportraits. Je voudrais réussir un visage avant de mourir, bien que je sache que cette quête est impossible. L’ouvrage que j’ai presque fini s’intitule: “L’amitié de mes genoux”. Le titre est un vers de Saint John Perse.
Un dernier mot pour vos lecteurs ?
Jean Paulhan disait qu’ “Il y a deux sortes de livres: les bons qui ne se vendent pas en général et les autres qui se vengent comme ils peuvent”. J’ajouterai ceci qui tient à ma philosophie. Je sais que la fantaisie de l’écrit se situe hors du cercle de la tricherie.


Paru sur le site de l'éditeur 5 Sens Editions, à l'occasion de la parution de La cicatrice du bravehttp://www.5senseditions.ch/interview-eacutecrite.html
Le livre est mis en vente à l'adresse suivante: https://catalogue.5senseditions.ch/fr/belles-plumes-13/90-la-cicatrice-du-brave.html

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