jeudi 30 mars 2017

Pénélope guette

Pénélope est discrète au point de fuir les témoins, de travailler en cachette, de camoufler un job. Elle exécute une tâche, à gestes comptés, à la manière d’une chanteuse triste qui susurre un texte minimaliste, sans tonalité brusquée, avec un peu d’ennui, sans doute une lassitude. On songe à Françoise Hardy.
Pénélope guette à son corps défendant, expose un masque sévère, une rigueur d’Angleterre.  Elle est figée, presque apeurée, comme un gibier débusqué par des phares de braconniers.
Pénélope est d’une nature taiseuse. Elle tisse, n’en déplaise à la Justice. Elle se conforme en pratique au modèle homérique. Sa tapisserie est une œuvre infinie, le travail de ses nuits, le fruit de patientes décennies.
Le secret est une denrée surannée, d’un usage suspect, à l’heure des vulgaires déballages. Pénélope est cloîtrée dans un for intérieur. « Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému ». La Galloise de l’histoire n’est pas d’humeur gauloise. Elle lit René Char. Il est tard et ses yeux sont rougis.
Les détenteurs de secrets sont des conservateurs. Parce qu’un secret, on le garde. Par définition. Un secret ébruité, c’est comme un vin éventé, c’est une faute, un péché, un manquement au devoir d’assermentée.
Les hommes de loi tourmentent une femme de foi. Les aveux d’interrogatoire sont des crachats extorqués. Allez donc savoir ce qu’elle fait de ses heures, Pénélope, dans son manoir paumé !

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