vendredi 11 octobre 2013

Le sang du paysan

Le paysan ressemble au pays. L'homme crotté de boue est endetté jusqu'au cou. Il est ballotté par les vents, baladé par les banques. Le paysan se ronge les sangs, s'ouvre les veines le cas échéant.
La paysannerie a été rayée de la carte de géographie. La paysannerie est sortie du cadre de la sociologie. Les paysans ont été déportés vers la cité.
Il est à terre, l'homme de la terre. L'homme de la terre nourricière se sustente avec un lance-pierres. Ses labours d'automne sont des pages testamentaires. Le paysan des moissons souffre de la déconsidération de la nation.
A regarder ses malheurs, le paysan passe un mauvais quart d'heure. Il fume une dernière cigarette. Il extrait de sa cartouchière le plomb nécessaire. La ronde des saisons est un horizon de pendaison.
Le paysan n'est qu'à moitié citoyen. Michel Serres le disait naguère. Les gens de la cité se sont appropriés la citoyenneté. Le mot suffit, laisse parler son origine. Il discrimine la nature. Le paysan, loin des villes, n'est qu'à demi citoyen. Son étrangeté l'interdit de cité.
Le paysan sait son infériorité de sang. On le lui fait sentir. Les gens des bourgs, les bourgeois, bobos et autres rois, méprisent sa pauvreté, le traitent en demeuré. La paysannerie est une vieillerie, précisément restée à demeure. Les rescapés des bouseux retournent l'épée contre eux. "Se détruire", disent-ils.

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