mardi 8 octobre 2013

Pavillon Proust

J'ai vingt ans. Peut-être moins. Je suis courbé sur mon cahier. Je noircis du papier comme un écolier précis. C'est une posture, devenue nature, dont je ne sais pas me défaire.
Je traîne mes textes et ma jeunesse dans des quartiers sans joie. Un professeur d'anglais lit "Les maîtres", une nouvelle que j'ai écrite dont la vedette est une Aston-Martin.
Hier je farfouillais dans mes livres. Pas moyen de mettre la main sur "L'Idiot de la Famille". Je tombe sur un texte fluet, "Lettre à mon mari mort" de Claire Coleman. Je l'ai acheté, il y a dix ans, les yeux fermés. Je l'ouvre aujourd'hui.
John Coleman-Holmès confie en passant, chuchote en souffrant: "Il y a des années-lumière entre un malade et un bien portant". Cet Américain à peau rose est le premier lecteur de mes petits papiers. Il a connu Maritain, m'envoie Notre-Dame en carte postale, me complimente sans tiédeur.
Claire raconte un cancer atroce au Pavillon Proust. "Toi intellectuel new-yorkais à la Woody Allen, extraverti, original, hilarant, bavard et vite éméché...tu me disais: le but de ma vie est d'être uni à la Sainte Trinité".
John Coleman-Holmès, de trente ans mon aîné, m'a tendu le premier une main dans le noir et un miroir pour me voir.

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