mercredi 23 octobre 2013

Une vague affectueuse

Trou dans la correspondance du grand Gustave. Rien d'écrit entre le 24 août 1835 et le 24 mars 1837. Vingt mois d'absence. Temps mort où s'intercale la vision éclair d'Elisa Schlesinger.
Flaubert ne sait pas quoi faire de sa peau. Il joue avec les mots. Il a quinze ans, traîne à Trouville son ennui d'adolescent. La féerie d'une vision interrompt sa rêverie.
L'heureuse baigneuse surgit d'une vague affectueuse. Dans "affectueuse", il y a "tueuse". Le sort de Gustave est scellé. Flaubert est ensorcelé. Il sauve le manteau d'Elisa de la montée des eaux. Du coin de l'oeil, il toise Maurice, la moustache lisse de mari sans orgueil. "Il tient le milieu entre l'artiste et le commis voyageur" (Mémoires d'un fou). Flaubert possède l'art d'épingler le boutiquier défroqué.
Flaubert pose son épaule dans sa geôle. Il abandonne sa propre histoire à l'écritoire. Il est nié, prisonnier. De la beauté d'une phrase. De la beauté d'une femme dont les pas s'impriment sur le sable.
Vingt ans plus tard, Gustave observe une torpeur intacte. Il s'est muré dans l'immobilité. Il confesse un fiasco. Il cause à l'oreille d'Elisa. "Je me suis usé sur place, comme les chevaux qu'on dresse à l'écurie; ce qui leur casse les reins" (lettre du 20 octobre 1856).

Aucun commentaire: