mercredi 21 mai 2014

Le gentilhomme du café

A la croisée des deux voies, le garçon d'établissement jette un mégot sur le pavé. Son tablier noir de bougnat le désigne comme le curé d'une paroisse. Il officie au Castellane où il soigne les soifs. Il s'est absenté dix-huit années.
Il s'était égaré au Trocadéro dans un estaminet de beaux quartiers. Il est revenu dans la rue de ses premiers menus.
Il est long de taille, svelte de silhouette, flegmatique et charmeur comme un acteur britannique. Je songe à Jeremy Irons. Jean Baptiste avait six, sept, huit ans. Il s'attablait en habitué, conversait en écolier avec le gentilhomme du café.
On se toise sous un ciel ardoise. Ses yeux s'illuminent. On bavarde dans une paix de cigarette. On s'octroie un bref bonheur de gauloise.
- Je me souviens de vos parents. Je les aimais bien.
- Les gens de métier ne courent pas les rues sur le marché.
L'élégant barman plisse doucement les pommettes. Il sourit comme pour s'excuser. Un client le sollicite. Je surveille son maintien. Je l'observe courber son corps de grand pingouin, causer à l'oreille d'un impérieux soiffard.

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