dimanche 25 mai 2014

Payez à la caisse

Coquelicot de bas-côté dans toute sa sainteté. La détonation du rouge inonde le spectacle du monde. Godard consulte les toiles de Nicolas de Staël. Il se remémore un corps, la feuille de route, le chemin de terre de la couleur.
Les enfants démêlent le blanc du bleu du ciel. L'épaisseur de la vague est un bonheur de gouache. Une huile inutile rutile au soleil. Roxy est un cabot, une péripétie d'après les mots. Il est le roi des bois quand il aboie. Roxy traîne dans le temps présent comme un chien errant, ressent les instants comme des coups de sang.
Godard peinturlure d'après nature. Au plus près du corps, dans l'axe exact d'une métaphore. L'autoroute est luisante de lucioles. Les berlines se sauvent comme des illuminés. Le week-end des bagnoles est une somptuosité d'asphalte. On change de vitesse sur un mouvement de Sibelius.
La beauté crisse, coupe le souffle comme le haut de lèvre incisée de la petite actrice. L'eau à vif charrie son plein de cicatrices. Godard soigne au fusain les pubis. Le sexe de Courbet est un bâton de vieillesse. Monet fait la loi: "Ne pas peindre ce qu'on voit, puisqu'on ne voit pas... mais peindre ce qu'on ne voit pas".
La lumière fragmentée des fleurs est le genre de beauté sonore dont on fait les colliers. Godard fignole les reliefs d'un sublime banquet, le film d'une vie terminée, dont Roxy énumère les rendez-vous manqués. A la station-service, près des établissements L'usine à gaz, on lit sur la grande pompe, le pistolet sur la tempe : "Payez à la caisse".  Adieu au langage est un bouquet d'images de mon âge.

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