lundi 10 juin 2013

Oumpapah

Il mâchouillait quelque chose. Il avait plié en quatre les feuilles du journal, croisé ses jambes nues, crayonné les cases des mots. Le sable du jardin était mouillé. Nous étions retranchés au Wigwam.
Adossé à l'oreiller chiffonné du canapé, il taillait un grain de raisin entre ses dents, n'en conservait que le pépin, jouait de cette pastille de fruit comme d'un chapelet égrené.
Son pied balançait. Il était veiné d'un sang violet, s'échappait d'une sandale entoilée. Un sourire figeait ses lèvres minces. Les lendemains étaient faits de meubles en rotin. Papa se taisait en sa solitude intérieure. Il n'éventait ses secrets qu'entre les lignes de Bob Morane ou Nick Carter.
Il passait l'été avec ses illustrés. Il absorbait les magazines comme une dose de vitamines. Avec la frivolité, il pactisait avec la sainte beauté. J'aimais Oumpapah, l'Indien bigarré en habits d'apparat.

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