mercredi 6 novembre 2013

Le parti des burettes

Il a discipliné sa tignasse argentée. Il est habillé pour les caméras. Il est rieur pour deux. Il est confus, désordonné, gouailleur à toute heure. C'est un copain de bistrot, partageur de petits bonheurs, amateur d'ivresse et de paresse.
Borloo griffonne sur la table un projet bâclé comme Picasso dessinait d'un trait sur une nappe de café. Il y croit sur le moment, moyennement, pas vraiment. A d'autres voisins de table, il barbouillera d'autres figures, en géomètre de fantaisie.
Borloo est un alliage joyeux, fait d'une humanité burinée à la Carmet et d'obscurités langagières à la Rocard.
A côté, Bayrou est empêtré dans son corps. Il est planté là, comme un grand gars de la terre, cravaté pour la messe. Son visage est fixe dans une posture de bélier. Il est obsédé par l'Elysée malgré ses échecs répétés. Il se calque sur Mitterrand, le président qui l'ensorcèle, qu'il vénère en disciple provincial. Il est sensible à la flatterie, très centré sur sa destinée.
Entre une gauche qui gâche et une droite qui rate, il fait l'équilibriste. C'est un fildefériste amateur, un acrobate suicidaire qui a dégringolé à force de se pencher toujours du même côté. Bayrou est cousu de bosses. Il est rafistolé à l'hôpital Borloo.
Les deux compères, comme Bouvard et Pécuchet, se retrouvent par hasard, non pas boulevard Bourdon, mais sur le trottoir de leurs ambitions. Il y en a une de trop. Ils sourient comme des premiers communiants, pieux comme des novices, avant de s'entre-dévorer pour un même calice.
Le centrisme est une passion triste. Il préconise la modération. Il se trompe d'exaltation. De Gaulle raillait la tiédeur du centre avec des mots d'orfèvre: "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Bayrou est resté rouge de ses premières audaces. Borloo, c'est plus compliqué. Il a mangé à tous les râteliers de l'économie de marché. Il ratisse large les jardins du capitalisme.
Bayrou est un agrégé madré, fier de maîtriser l'alphabet. Il est très content d'avoir déterré un mot nouveau: "sécession". Trouvaille de Béarnais. Il colle à l'actualité de la nation. Le peuple est irrédentiste, coupé de sa représentation notabiliaire, nationaliste pour deux. Le mot "sécession" définit le climat émeutier du pays, la fronde des corporations.
Les deux hommes s'observent déjà en chiens de faïence. Borloo pince le poignet de Bayrou. Il veut parler à son tour. Il lui faut surenchérir. Gommer la bonne impression de "sécession". Il trouve "le plan B". Le conglomérat Borloo/Bayrou, c'est le plan B à la crise, au marasme, à la défaite cuisante de notre économie.
Le scoutisme centriste nous inflige un triste blabla. Pour finalement tirer à hue et à dia, à l'approche du grand match présidentiel. Le nouveau parti des "burettes" s'entête à l'optimisme comme une musique de supérette. Je retourne à mes fourneaux. Le Candidat, comédie politique, est sur la table de cuisine. Flaubert n'attend pas.

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