vendredi 8 novembre 2013

Lisez pour vivre

Mademoiselle Leroyer de Chantepie est la lectrice éblouie de Madame Bovary. Dans son trou perdu d'Anjou, Flaubert lui fait un bien fou. C'est une vieille fille, mal instruite, frappée d'acédie, qui écrit sa reconnaissance à Gustave, l'ouvrier du manuscrit.
Gustave a trente-six ans. La Chantepie cinquante-sept. Le forcené de Croisset noircit des pages attentionnées qui lui sont destinées. Flaubert lui répond pour de vrai, quand il a une minute, en homme de métier. On songe à De Gaulle causant à Le Clézio, trouvant les mots qui font écho.
Il s'agit de lire. Sacré bonsoir ! "Plaisir divin" selon Proust. Debord, hors spectacle, a bien vu la société, ses ostentatoires temps morts. Il usa ses yeux sur les feuillets d'un autre siècle. "Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre".
Flaubert est au chevet de la petite châtelaine. Flaubert, toubib de La Chantepie, prescrit un alcool à réveiller les morts. Il pratique la médecine différemment d'Achille. L'idiot de la famille fait sa tambouille à sa guise.
"Lisez Montaigne, lisez lentement, posément ! Il vous calmera. Et n'écoutez pas les gens qui parlent de son égoïsme. Vous l'aimerez, vous verrez. Mais ne lisez pas, comme les enfants lisent, pour vous amuser, ni comme les ambitieux lisent, pour vous instruire. Non. Lisez pour vivre" (Pléiade, Correspondance, tome II, page 731, lettre du 6 juin 1857).

Aucun commentaire: