lundi 5 janvier 2015

L'heure apéritive

Maman était crispée, inapaisée par l'instant, entravée d'un tourment. Papa marchait lourdement, commençait à buter sur les pavés saillants.
Au kiosque, derrière San Marco, à l'instar de la Félicité de Flaubert, nous idolâtrâmes l'effigie d'un oiseau bariolé, le perroquet de Baptisto, en verre de Murano.
Je jonglais avec les ruelles, désinvolte sherpa d'un dédale hivernal. Papa était radieux à l'image des lieux: "Tu es chez toi, ici !". Il corrigeait sa préalable interrogation en victorieuse exclamation.
Vittore Carpaccio s'était retranché à San Giorgio, barricadé derrière ses tableaux. Nous étions les invités d'une vision, d'un banquet de haute préciosité.
Dans un petit palais hospitalier, nous rangions nos habitudes, griffonnions une carte postale, sous l'impérieuse dictée des lumières de la lagune. On désertait le bonheur d'un parapet pour le velours d'un canapé. La télévision grésillait des souhaits compassés d'un président du siècle passé. On s'assemblait dans la chambre à guetter l'éternité d'une heure apéritive.

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