vendredi 2 janvier 2015

Romanov 76

Je parle d'un temps où les vivants l'étaient. Dans un palace chic, nos verres se choquent. On sent l'hiver sur nos doigts solitaires. L'alcool d'un désert réchauffe l'atmosphère. On rit d'être en vie, serrés dans nos habits.
Je lis le nom des ingrédients de compagnie: mandarine andalouse, vodka russe, vin de Champagne, citron de Syracuse. On sourit au délice de calice. On s'y voit, déformés par la joie. On trinque à cinq. Le temps passe dans une fausse lueur de palace. On boit avec nos doigts, entre soi. La mort se mire dans des verres d'Italie.
On se penche sur eux comme sur les dieux du lieu. On manque d'eau. On s'accorde sur une double rasade. Nos têtes s'enfièvrent de mystère, tourbillonnent comme une neige légère. On se regarde d'une seule voix. Les yeux brillent au creux d'une absence. Ils emmagasinent une parole d'homme.
On claudique vers une sortie signalétique. Sur l'asphalte étourdi, dans la gadoue qui miroite, L'Olympia d'Eddy Mitchell ajoute un incarnat de music hall à l'éternelle vodka.

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