mardi 27 janvier 2015

Une voix

Des hauteurs de l'amphithéâtre, la silhouette enseignante, que mes yeux décomposent sans netteté, s'anime d'une étrange voix grave, taillée dans la rocaille. L'envoûtante Katerina C. vêt de mots - jetés ex abrupto sur la chair potelée - l'incorrigible idole, l'énigmatique figurine stéatopyge. J'écoute le timbre professoral, l'accent guttural, comme d'une oeuvre filmée, je veille aux phrases d'actrice d'Anna Mouglalis.
Introuvable dans Le Littré, ce mot de Gracq, requimpette qu'il affecte à Steinitz, génie bouffi des échecs, et qui veut dire "petit manteau". Foi du patois du vieil Anjou.
La même voix enchanteresse asticote ma paresse. Gracq la réveille dans ses Carnets magiques. "Quand je lis Nabokov critique, passe jusqu'à moi chaque fois le bienheureux désespoir qu'il ressent de ne pouvoir transmettre à l'auditeur ou au lecteur le bonheur de langue, la félicité littéraire native propre à Gogol ou à Pouchkine, le sentiment que de tels écrivains sont terrés dans leur langue, et aussi puissamment crochés en elle, des dents et des ongles, que le blaireau dans son réduit" (Page 235).
On fait une croix d'un désarroi. Il me manque de cette terre dans la bouche pour lire en frère une littérature de souche à jamais étrangère.

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