mercredi 18 janvier 2012

L'avenir de nos enfants

"Ne pas hypothéquer l'avenir de nos enfants". C'est la bonne résolution de l'année nouvelle. Elle se chante en ritournelle. L'hymne est joliment entonné par Maurice Lévy, le patriarche de la publicité, dans sa chronique du Monde.
"Penser à l'avenir de nos enfants". Faut pas oublier. On griffonne l'idée sur un post-it. En réalité, on se moque de nos petits chéris comme de leur premier crédit. Avant l'histoire édifiante d'une Europe fraternelle, on ne s'embarrassait pas de fausse morale: on jetait la marmaille sur les champs de bataille. On la destinait à la tuerie.
On fait désormais l'Europe pour ne pas défaire la paix. Les mômes pourraient grandir jusqu'à l'âge d'homme sans prématurément tomber au champ d'honneur. On les arma différemment. Le "Week-end" de Godard témoigne des massacres routiers où des carcasses d'automobiles guerroient à mort jusqu'au dernier. Bref, on se fiche des enfants comme de l'an quarante. Aujourd'hui, les pères sont endettés jusqu'au cou. Ils privilégient le sacrifice des fils. Force de travail d'abord, puis chair à canon, désormais créanciers de leurs pères, les enfants du Vieux Continent n'ont jamais cessé d'être exploités.
"Penser à l'avenir de nos enfants ?" Il serait temps. L'histoire nous enseigne que les générations se succèdent dans un misérable sauve-qui-peut de court terme, sans se soucier outre mesure du sort de leur progéniture.
Dans "Récits d'humanisme" (Le Pommier, 2006), Michel Serres touchait juste: "Croyons-nous encore à l'un des plus étranges aveuglements de notre histoire ? Partout enseigné, cité, encensé, certain médecin viennois théorisa naguère et ses lieutenants popularisèrent le dogme du meurtre du Père, alors que dans le même temps de 1914 à 1945, en trente et un ans et deux conflits, quelques vieillards rares, disséminés en Europe et dans le monde, mettaient à mort leurs enfants par dizaine de millions".
Le vigilant philosophe renverse la logique de l'effroyable complexe d'Oedipe freudien. Ce sont les pères qui expédient leurs fils au casse-pipe. Or en période de guerre économique, à l'heure où nous croulons sous la dette, l'argent définit le seul théâtre des opérations. C'est pourquoi nous enrôlons de force nos enfants dans la bataille. Ils paieront pour la désinvolture des pères.

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