lundi 9 janvier 2012

Matzneff

L'homme a vieilli magnifiquement. A soixante-quinze ans, sa sveltesse a résisté au temps. Malgré les automnes, il reste fidèle à Byron.
Nous formons un carré de pupitres dans une sorte de réduit atomique, au sous-sol de la rue d'Ulm. Matzneff chuchote à l'oreille de l'enseignant invitant. Ces temps-ci, il a séjourné à Naples. Un exemplaire du "Corriere della Sera" traîne sur la table. Matzneff est ému. Il déplie ses feuillets, chausse des lunettes rondes. Il ressemble à André Gide, en plus fin. Il est habillé d'un costume de cérémonie. La littérature exige l'apparat.
D'entrée, il brûle son meilleur vaisseau. Il débute par Flaubert. "Les sujets ne sont rien". Il évoque la beauté du style, la banalité des récits, Madame Bovary ou Anna Karénine, remarque que "les fins de siècle sont très bêtes".
Il s'enflamme pour Aliocha Karamazov, s'insurge contre le panurgisme ambiant. "Ce sont les esclaves qui font les tyrans". Il raille "l'hystérie puritaine", moque les quakeresses à anathèmes. L'auto-censure règne sur les lettres. Matzneff lit Schopenhauer en italien, faute d'éditions françaises. L'art évacue la morale, se loge dans les mots des pires collabos. Lucien Rebatet a écrit en prison l'un des chefs d'oeuvre du vingtième siècle: "Les deux étendards".
Les contentieux fleurissent dans les billets doux. Les procès en galanterie se multiplient. Il faut se garder du moindre baiser furtif. Il défend son ami Poivre assigné en justice pour ses lettres d'amour. Or "Les jeunes filles" de Montherlant est un livre rempli de correspondances de petites amoureuses.
Gab la Rafale joue cartes sur table. Il a expédié une lettre de soutien à DSK, lâché par les siens. Les Sofitel sont de sordides auberges à chambres merdiques.
Les années soixante-dix s'estompent dans les souvenirs. Depuis, la société a régressé dans le conformisme moral. Rien n'est acquis. A droite comme à gauche, on se satisfait aujourd'hui des sottes billevesées maréchalistes: "travail, famille, patrie". Les gens n'aiment ni la liberté, ni la beauté.
Le visage de Gabriel rosit d'une malicieuse perversité. "La joie, c'est d'admirer". Gab la Rafale quitte le bunker de Normale. A paraître "Monsieur le Comte monte en ballon" qui n'est pas un volume de son journal, mais un roman inédit. Est sorti "La séquence de l'énergumène", recueil de chroniques du vieux Combat de Smadja. A lire.

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