dimanche 15 février 2015

Les fiancées évadées

Sur le pont Charles, au milieu de spectres asiatiques, Vivaldi vivifie les doigts d'accordéoniste. L'hiver qui pince le menton est un fruit de saison. Il donne un coup de fouet. Il flanque une fringante virtuosité à la sonorité éraillée de l'instrument à grosses joues.
Je fuis l'art énamouré d'affichiste. De mon lit, j'apprécie les ciselures arachnéennes des branches qui grillagent les rainures du fleuve. J'observe l'idiotie maniérée des cygnes. Un tandem d'oies cendrées fend le ciel de Bohème comme s'il jaillissait d'un arc hypothétique.
On suit le soleil qui mène au Château. On frôle des grandes bringues. On plonge sur Prague et ses clochers en forme de seringue.
Kafka fait courir au musée des jeunes gens amusés. Je me penche sur la calligraphie des manuscrits. Je m'intéresse à la vie des saints. L'écriture virevolte au bras d'une tourmente. Elle danse légère, libre comme l'air, en toutes circonstances, pareille au vermicelle, aux lettres d'alphabet d'un petit potage d'enfant.
Felice, Julie, Milena, Dora. On contemple les photographies des fiancées évadées. Du cercle à l'ovale, les quatre visages détiennent une part d'Evangile. Frantisek, le petit juif, serre les doigts de sa cuisinière en chef. Il se cramponne à la matrone. Il est terrifié par le chemin à pied. Il cale devant l'école.

Aucun commentaire: