mercredi 4 février 2015

Un frêle esquif

La petite fille s'est fichée devant nous, droite et vulnérable, attentive et résignée, les coudes collés au corps comme pour saluer un jury de sport. Une même jeune fille supplée désormais la petite fille bousculée. L'espièglerie s'achève un jour de cérémonie.
Le père, le fils, la fille se frottent les épaules, comme au sortir d'une eau glaciale, suffoqués, demeurés sur le quai. Ils sont pâles dans la cathédrale.
La jeune fille est première, lit sa propre prière. Elle ne cille pas au domicile de Dieu. Le grand fils mêle ses voyelles, trouve des mots troués de sanglots, s'étonne d'une consonne qui résonne. Le père déplie une page, étire l'élastique de son visage, n'ira pas loin, empoigne la nuque des petits gardiens.
La mort laisse au port les rescapés d'un frêle esquif. L'homélie du chanoine déconcerte peu la pierre de patrimoine. L'homme chenu, revêtu d'une chasuble vieux mauve, apprivoise le cri de bête fauve.
Les pavés du parvis sont disjoints. Un soleil enlisé ne peut tiédir, ni le baiser des pommettes, ni le muet égarement d'une main qui ballotte.
Il est tard: j'embrasse la prof de guitare. Prague. Dans ma sacoche, je fourre les Lettres à Milena. Kafka est mort à quarante ans.

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