lundi 28 janvier 2013

Une vie après l'économie

Pauvreté, précarité. Chômer, travailler. Manger, se loger. L'économie totalise la vie. Rien n'échappe à son impérieuse nécessité. L'homme a rétréci au grand lavage des idéologies. Ni Marx. Ni Jésus. A l'horizon, point de révolution. Au diable les divinités verticales !. "L'homme ne va que devant lui, et il faut qu'il s'arrête" (Paul Claudel).
Le temps s'est arrêté. Il a trouvé son point d'intensité. Il s'est retranché dans une demeure intérieure. Car il n'est d'autre grand soir que l'aventure de soi.
L'homme du siècle siège dans un présent de sensation. Il est muré dans une matière éphémère. Rire et mourir. Il a peur de finir. L'au-delà lui passe au-dessus. C'est un soldat, fait comme un rat, qui songe au trépas.
L'économie a rapetissé l'avenir. Au salut des âmes, elle substitue la corvée du court terme. Le passé trahit les vieux pedigrees. Au travail, l'âge crée le dommage. Traîne les pieds dans une réalité de réactivité. L'économie guerrière ne tolère qu'une classe de trentenaires mercenaires.
Sans père, ni fils. Sans avenir, ni passé. L'économie squatte le présent. Jouit de ses avoirs. Récite la prière des fervents actionnaires. S'active sans perspective. L'économie décolore le corps des jeunes filles. Le futur n'a pas d'avenir. On n'a pas d'argent pour aller au bout du temps.
Aux instants brefs de coït capitaliste, de création express de richesses, la compétition exacerbe la volonté de démolition. Les crabes se pressent au portillon des palmarès. Se pincent à outrance dans une logique de performance. Les hommes se consument dans la flamme de l'âge. L'économie d'incendie se ravive des remuements de braise.
On coupe les temps morts. On abrège l'espace. On concasse. Le temps sculpteur ressemble aux compressions de César. On pratique le forage de soi. La cachette du for intérieur. L'intensité du ressenti figure l'ultime résistance à l'économie. C'est l'humour soviétique des temps communistes.
Y a-t-il une vie après l'économie ? Bizarrement oui. Une vie d'épiphanies. Un récit de fantaisie travaillé dans la chair. Un vertige, une illumination. Une vie faite d'éblouissements. Après la vie, il y a la majesté du plein ennui.

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