Bouttier
est mort. Mais c’est à Monzon qu’on songe. C’est une gueule d’Indien basané,
échappé des taudis de Santa Fé. Un pugiliste artiste. Il est beau, presque
lent, majestueux sur le ring. Il procède par coups de boutoir. Il est violent. Ne
pas l’être aurait été une faute professionnelle. Il défenestre Alicia. Onze ans
de prison.
Soixante-douze
kilos, un mètre quatre-vingt-un, c’est un poids moyen, la catégorie royale, le cercle des plus beaux corps du noble
art. L’athlète à mauvaise tête, pommettes hautes et méplats osseux, est une
bête analphabète, une boxeur aux poings fatals. Son style est un rêve de
chorégraphe, une merveille de félinité. Il guette l’adversaire, l’ensorcèle,
l’esquive, le touche. Fait mal, très mal.
Le
divin Argentin a gagné tous ses combats de championnats du monde : quinze
sur quinze, carton plein. Il est invaincu sur le ring, n’a jamais mis un genou
à terre. Il a battu de sérieux clients, les plus grands pugilistes de son
temps : Nino Benvenuti, Emile Griffith. Lors d’une permission de prison,
« El Macho », son nom de scène, se tue au volant de sa guimbarde, la
Renault fait sept tonneaux.
Encore aujourd’hui, Carlos Monzon fait de l’ombre au pauvre Bouttier dont Delon s’était entiché. Dans mon lit, un transistor collé à l’oreille, je suis leur combat, je prie pour l’Argentin.
Encore aujourd’hui, Carlos Monzon fait de l’ombre au pauvre Bouttier dont Delon s’était entiché. Dans mon lit, un transistor collé à l’oreille, je suis leur combat, je prie pour l’Argentin.