dimanche 4 août 2019

Splendide Monzon

Bouttier est mort. Mais c’est à Monzon qu’on songe. C’est une gueule d’Indien basané, échappé des taudis de Santa Fé. Un pugiliste artiste. Il est beau, presque lent, majestueux sur le ring. Il procède par coups de boutoir. Il est violent. Ne pas l’être aurait été une faute professionnelle. Il défenestre Alicia. Onze ans de prison.
Soixante-douze kilos, un mètre quatre-vingt-un, c’est un poids moyen, la catégorie royale,  le cercle des plus beaux corps du noble art. L’athlète à mauvaise tête, pommettes hautes et méplats osseux, est une bête analphabète, une boxeur aux poings fatals. Son style est un rêve de chorégraphe, une merveille de félinité. Il guette l’adversaire, l’ensorcèle, l’esquive, le touche. Fait mal, très mal.
Le divin Argentin a gagné tous ses combats de championnats du monde : quinze sur quinze, carton plein. Il est invaincu sur le ring, n’a jamais mis un genou à terre. Il a battu de sérieux clients, les plus grands pugilistes de son temps : Nino Benvenuti, Emile Griffith. Lors d’une permission de prison, « El Macho », son nom de scène, se tue au volant de sa guimbarde, la Renault fait sept tonneaux.
Encore aujourd’hui, Carlos Monzon fait de l’ombre au pauvre Bouttier dont Delon s’était entiché. Dans mon lit, un transistor collé à l’oreille, je suis leur combat, je prie pour l’Argentin.