Macron
nous parle d’union plus que d’Europe. Nous sommes des enfants turbulents qu’il
convient de rassembler d’un seul tenant. Ce bout de continent est un assemblage
de raison. Il lui manque l’acquiescement d’un sentiment. On ne s’entiche pas
comme ça du petit cap asiatique, défini sans poésie par Valéry.
Notre
chef tricolore, d’emblée, clame haut et fort que « l’Europe, c’est la
paix ». Jacques Chardonne, l’élégant styliste, nous ordonne la
prudence : « On peut faire la paix avec l’ennemi ; jamais avec
les alliés » (Lettre à Paul Morand, 1er mars 1963). La discorde prévaut au cœur d’ententes de bric et de broc.
La jalousie se nourrit des proximités. La querelle est un secret de famille.
Non,
l’Europe n’est pas la paix, mais une guerre atténuée, un conflit édulcoré,
domestique, cantonné à l’économie.
Réconciliation
est un mot qui rate l’horizon. Au-delà d’une languissante embrassade, rien
n’étaie en substance le projet d’Europe. C’est un songe-creux.
Macron
fustige « un marché sans âme ». J’en déduis le contour du
projet épistolaire: c’est l’âme,
notion quasi mystique. Le grand dessein gaullien sonnait plus
républicain.
L’apôtre
d’une spiritualité européenne précise sa ferveur animiste : c’est
« la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui
unissent ». Mais la notion de
frontière est un reliquat du Vieux-Monde. On n’aura plus jamais les deux pieds
sur le même territoire. Le « et en même temps », le « et de
gauche et de droite » ont tordu le coup à cette géométrie surannée.
A
lire le mail jusqu’au bout, je me réjouis d’un bonheur d’écriture. Macron
préconise « une juste concurrence ». Notre mentor adore les oxymores.
Il feint d’ignorer que la compétition ne s’embarrasse pas d’équité. Dans le
final, le rédacteur est à son meilleur. L’expression « salaire minimum
adapté à chaque pays » m’enchante. La création d’un smicard à la carte,
c’est du grand art. L’harmonisation européenne est remise aux calendes
grecques.