jeudi 26 janvier 2012

Café de Flore

Dans l'arrondi du verre, le vin mauve de Saint-Emilion attend son heure. Les garçons en tablier tournoient dans le sonore Café de Flore. J'aligne des chiffres dans les cases blanches du journal. Je ne tue, ni ne blesse le temps qui passe. Je l'observe avec gourmandise.
Deux oeufs roulent dans l'assiette comme des têtes fraîchement tranchées. Mes fines mouillettes sont de longs doigts d'esthète comme des épées de pain d'une main sculptée. Les cuillerées blanches s'en donnent à coeur joie dans l'ovale trépané. Je creuse jusqu'au jaune.
Ma voisine se jette sur mon beurre. Je bois une gorgée de vin. J'aime ses bonnes joues bien élevées. Mon regard s'embue vers la rue. Les Asiatiques se précipitent à l'intérieur des boutiques. Il pleut. La sensation tourne rond.

mercredi 25 janvier 2012

Le roi Ronet

Doigts devant soi qui ratent l'infini. Destin déjanté d'une maison de santé. Drieu raconte sa mort velléitaire. Drieu est odieux à ses propres yeux. Sa main dessine dans le vide une image féminine.
Il ne s'approprie pas même une prière, le sourire des viveurs. Maurice Ronet traîne à longueur de temps ses regards mendiants. Il règne sur le film de Malle en seigneur sans médaille. C'est la dernière escale d'un clandestin. Ronet se désaisit de la vie par la fantaisie de l'oubli. Il marche à côté des rails, parallèle à sa fêlure. Maurice Ronet, d'avant sa cicatrice sur la joue, taillade ses nuits d'algarade, se hisse au sommet de l'impasse.
On croise pas mal de comédiens trop bien pour mourir. Les bitures d'Alain préfigurent la déconfiture de Pierre. Drieu donne ses yeux bleus à la littérature. Ronet est dans le secret du dernier roi désenchanté. Mieux qu'un oscar, il mérite un regard. Le glorieux anonymat troue la mémoire du cinéma.

lundi 23 janvier 2012

La loi du mâle

Dans l'épave du Concordia, les sauveteurs extirpent un à un les corps de femmes, cadavres majoritaires. La lutte pour la survie s'exerce avec sauvagerie. Dans le sauve-qui-peut d'un naufrage, la parité n'est pas mieux respectée qu'au board des plus prestigieuses compagnies.
Quand le pouvoir se mire dans une glace, il renvoie l'image des mêmes visages. On dirait une toile de Magritte où il ne pleut que des hommes.
Dans le silence au travail ou la fureur d'un navire qui sombre, la femme est pareillement discriminée. L'homme se sert ou se sauve d'abord. La loi du mâle s'impose à ses victimes féminines. L'homme se conduit en brute épaisse à l'endroit de l'autre sexe.
On se pince quand on songe que de Gaulle n'accorda le droit de vote aux femmes françaises qu'à l'issue de la dernière guerre. Nos parlements sont restés des cercles réservés presque exclusivement aux seuls hommes de la nation. Bref, il faut en finir avec l'impérialisme masculin qui fausse les règles de la société. Or la femme ne peut faire l'objet d'une politique de quotas qui l'identifierait à la première denrée marchande venue.
L'égalité des femmes exige une révolution des mentalités. Certes, le slogan rimbaldien était entaché d'un primat masculin. Les hommes politiques ont tous échoué à "changer la vie". Qu'à cela ne tienne: il leur appartient aujourd'hui, en pleine empoignade élyséenne, de faire honte au pays tout entier qui persiste à reléguer l'immense majorité des femmes à des rangs subalternes, de geishas d'entreprise ou de plantes vertes décoratives. Nous devons rougir, devenir écarlates, au spectacle de notre abominable société de primates.

L'autre Bérégovoy

Le grand meeting militant est une figure imposée de la campagne pour l'Elysée. Le candidat Hollande rode ses slogans, dévoile ses actes de foi, peaufine sa tête de l'emploi.
La référence à Mitterrand est évoquée par paresse. Car le deuxième François est un autre Bérégovoy. Homme d'appareil sans grand charisme, Hollande préconise un socialisme jovial.
Il joue la carte de l'empathie et de la fausse modestie. C'est sa manière de masquer un orgueil de "petit chose". Il n'y a pas à tortiller: le modèle du "président normal", c'est Pierre Bérégovoy.

jeudi 19 janvier 2012

Le sommet

Il adore les sommets. Il les aime de la dernière chance. Il leur réserve ses plus belles talonnettes. Or les sommets sont des déserts. Ils sont vides comme des points hauts. Les sommités surplombent des vallées d'inanité.
Il tend son front, quémande au ciel sa majesté. Il empoigne la manche du petit roi d'à côté. Il toise le soleil. Il plisse son visage par saccades de contentement.
"La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil". La cicatrice de Char exige un sens du sacrifice. L'homme des sommets est loin du but fixé.

mercredi 18 janvier 2012

Saute-ruisseau

"Promènent sur le ciel des yeux appesantis". Vers de Baudelaire. A la page "Bohémiens en voyage". Rémi Brague s'y colle, charcute le poème, lui assène de fracassants uppercuts. Jeu de jambes de Charles. Baudelaire esquive le gant de toilette du boxeur.
L'intéressent la sensation, les dessins et les sons. "Manque de béatitude". Il grogne une phrase à sa mère. Remballe ses papiers de rez-de-chaussée. Voit dans Houssaye le modèle de l'arsouille.
"Manque de béatitude". Il change de trottoir, surtout pas d'habitude. Empaquète ses mots pour Le Figaro. Se lasse des saute-ruisseau. Jette son venin sur Bourdin. Se terre en Belgique.

L'avenir de nos enfants

"Ne pas hypothéquer l'avenir de nos enfants". C'est la bonne résolution de l'année nouvelle. Elle se chante en ritournelle. L'hymne est joliment entonné par Maurice Lévy, le patriarche de la publicité, dans sa chronique du Monde.
"Penser à l'avenir de nos enfants". Faut pas oublier. On griffonne l'idée sur un post-it. En réalité, on se moque de nos petits chéris comme de leur premier crédit. Avant l'histoire édifiante d'une Europe fraternelle, on ne s'embarrassait pas de fausse morale: on jetait la marmaille sur les champs de bataille. On la destinait à la tuerie.
On fait désormais l'Europe pour ne pas défaire la paix. Les mômes pourraient grandir jusqu'à l'âge d'homme sans prématurément tomber au champ d'honneur. On les arma différemment. Le "Week-end" de Godard témoigne des massacres routiers où des carcasses d'automobiles guerroient à mort jusqu'au dernier. Bref, on se fiche des enfants comme de l'an quarante. Aujourd'hui, les pères sont endettés jusqu'au cou. Ils privilégient le sacrifice des fils. Force de travail d'abord, puis chair à canon, désormais créanciers de leurs pères, les enfants du Vieux Continent n'ont jamais cessé d'être exploités.
"Penser à l'avenir de nos enfants ?" Il serait temps. L'histoire nous enseigne que les générations se succèdent dans un misérable sauve-qui-peut de court terme, sans se soucier outre mesure du sort de leur progéniture.
Dans "Récits d'humanisme" (Le Pommier, 2006), Michel Serres touchait juste: "Croyons-nous encore à l'un des plus étranges aveuglements de notre histoire ? Partout enseigné, cité, encensé, certain médecin viennois théorisa naguère et ses lieutenants popularisèrent le dogme du meurtre du Père, alors que dans le même temps de 1914 à 1945, en trente et un ans et deux conflits, quelques vieillards rares, disséminés en Europe et dans le monde, mettaient à mort leurs enfants par dizaine de millions".
Le vigilant philosophe renverse la logique de l'effroyable complexe d'Oedipe freudien. Ce sont les pères qui expédient leurs fils au casse-pipe. Or en période de guerre économique, à l'heure où nous croulons sous la dette, l'argent définit le seul théâtre des opérations. C'est pourquoi nous enrôlons de force nos enfants dans la bataille. Ils paieront pour la désinvolture des pères.

lundi 16 janvier 2012

Traces de doigts

J'ai osé pousser la porte des signes, les battants d'un livre dont chaque page a mémoire de la communion d'un père. Je maraude dans les phrases. Je brouille la trace de ses doigts. Je me souviens de ses jambes croisées fermant l'accès à toute mondanité. Il forçait l'innocence à ses derniers retranchements.
J'ai refusé son linge d'été, une chemise, un chandail qui eurent mérité meilleure dignité. Je veux ses reliques, là où l'esprit transite. J'ai résolu de lire l'avenir dans le creux d'un volume aux allures de bréviaire. J'y déchiffre la lettre décachetée dont je suis l'héritier.

L'épave du Vieux Continent

Le navire s'est couché, affalé sur les eaux. On aurait dit un cheval fourbu, un percheron des mers qui renâcle au travail. On songe au "Cheval de Turin" du réalisateur hongrois Béla Tarr. Le paquebot de l'île de Giglio a dit son dernier mot d'animal réfractaire. Il ne bronche pas, il sombre.
Concordia est l'autre nom d'Europe. Son destin s'achève en discorde. Les hommes à bord jouent des coudes, loin des codes de bonne conduite. Le sauve qui peut ôte son masque de voeux pieux.
Nous autres, nous sommes dans ce bateau-là qui navigue à vue en zone euro. Echouage du Concordia, échec de l'Europe. L'allégorie instruit les esprits.
Nous sommes embarqués dans une gigantesque Tour de Babel qui baragouine cent et mille dialectes. La panique résulte de la cacophonie. Le rafiot fait des ronds dans l'eau. Les commandants européens sautent chacun dans leur chaloupe. L'épave du Vieux Continent gît au large de la Toscane.

samedi 14 janvier 2012

Flaubert et le triple A

Dans une lettre à Maupassant datée du 15 janvier, il y a tout juste 133 ans, Flaubert précise sa pensée: "Les honneurs déshonorent, le titre dégrade, la fonction abrutit".
L'ermite de Croisset raille les vanités de la société. L'auteur de Madame Bovary admoneste aussi la France de Monsieur Sarkozy. Il anticipe sur le camouflet de Standard & Poor's.
Inutile de jouir des prestiges d'une nation d'exception. Inutile de courir les estrades en gardien de l'excellence. Inutile de se hausser du col, de hisser son pays sur des talonnettes de comédie.
Tous ces titres de noblesse auto-attribués se volatilisent à la première notation d'agence. Flaubert va plus loin: la fonction crétinise à l'envi. Les inscrits à l'examen de président sont prévenus. Sarkozy, plus qu'un autre, en prend pour son grade.

vendredi 13 janvier 2012

Figure

Aucune parade possible au nez-à-nez impromptu. Il gesticule dans la rue. Il est sorti de l'hôtel Bristol. Il détale. Ses gestes bafouillent, s'escriment à se défaire du temps, le grand rival. La marionnette chauve est vêtue de bleu. Elle m'enseigna jadis l'économie.
"Tous mes voeux !", d'une voix expéditive, en guise de bon débarras. "Bonjour Jean-Hervé !". Politesse vitesse grand v.
Dans l'heure qui suit, la galerie Schmidt raconte un autre récit. La peinture confesse en silence ses ouailles en détresse. Dès le hall, Rouault fait la peau des visages pâles. C'est une toile de tigre, une bombe à fragmentation, la grenade picturale d'un grand malade. Il balance son "Clown blessé" dans la figure du premier entrant.
Rouault bondit, se rit de la bondieuserie. L'idiot de Rouault rougeoie comme un Christ en joie. La toile tire sur tout ce qui bouge. Eclate l'écarlate du fer rouge de l'enfer. La peinture à striures de Rouault voisine dans les parages totémiques de Basquiat. Vue sur la rue d'après Rouault. Vitrine venimeuse. Staël exhibe sa griffe au soleil. Sourire de prostituée et bruit de bracelets dans la peinture sacrée. "Figure, 1953": deux millions et demi. Staël n'embrasse pas.

La jouissance et la mort

Visibilité réduite. La nappe de brouillard dissuade l'avenir d'émerger. Les prévisions se trompent d'horizon. En pleine mer, les visionnaires se terrent.
Le monde matériel n'a jamais lorgné vers le ciel. Les entreprises sont en guerre, se cramponnent à l'outil gestionnaire. Elles tailladent l'année calendaire en "quarters". L'éternité du trimestre scande la production des richesses.
La purée de poix impose sa loi. On assiste au rattatinement du temps de l'espérance. Les hommes vieillissent dans le noir. Leur longévité s'accompagne de cécité. Pour se donner du coeur à l'ouvrage, on ranime la flamme de la nostalgie: Jeanne la Pucelle, De Gaulle le Rebelle. Venu du fin fond de l'histoire, le Général chausse ses lunettes de sept lieues. De Gaulle voit loin, instrumentalise la mémoire, la propulse vers l'espoir. Il rédigera des "Mémoires d'espoir".
Le temps gaullien a fait long feu. Fini la majesté des septennats. Nous flottons aujourd'hui dans un temps lilliputien. Sarkozy voit près, pas plus loin que le corps à corps. Il vibrionne dans la prison de l'instant. Il gesticule dans l'actualité frontale. Il se cogne aux encoignures du présent.
Avec la fin du temps long, la mort se rapproche. Foi de Maya, l'apocalypse est pour demain matin. Les banques de renom s'effraient comme des civilisations: elles sont mortelles. Le capitalisme se regarde du bout des yeux dans la glace du communisme implosé.
Nous n'avons plus le temps pour rien. On se précipite sur l'argent sans en jouir pour autant. On se hâte en solitaire dans des plaisirs éphémères. Les amours de Sofitel s'emballent à toute allure. La corruption divertit l'élite des nations. On se dépêche d'amasser dans le temps court des marchés. La mort rôde, taraude, tenaille les entrailles des pontifes d'industrie et des hiérarques d'Etat. On s'enrichit personnellement sur le dos des pays. "Jouir du pouvoir" (Editions de Minuit, 1976): on songe au magistral ouvrage de Pierre Legendre.
Les démocraties occidentales ont fait une croix sur leur avenir. Elles guettent le ciel à la jumelle. Sans rien voir d'autre que la fatalité des destins individuels. "Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis". Dostoievski sait bien que l'avenir est l'autre nom d'un dieu messianique. Les Frères Karamazov n'annoncent pas seulement le temps des kalachnikov. Les crapules sauvent les meubles. La panique se nourrit des mêmes mimiques. Nos banquiers rapaces, nos traders cupides, nos patrons voyous, nos politiciens véreux, nos syndicalistes avides se jettent sur le présent et ses soleils d'argent. Ils se carapattent de jouir avant de mourir. Leurs pieux sermons n'ameutent plus guère les peuples.

jeudi 12 janvier 2012

Jour de fantaisie

Il suffit de pas grand chose. Il suffit d'un jour de fantaisie. Il suffit d'un corps déplié vers l'aurore. Un soleil d'hiver cogne à la paupière. Une table de bar tournoie dans son tutu écarlate. Le tablier du garçon réverbère l'horizon.
Le corps s'enivre d'un sang de givre. Je bois un vin mauve à colorer les pommettes. Je fête l'heure précise où l'esprit souffle d'exquises sensations. Le ciel des Tuileries s'égare dans un verre. L'oeil borgne du monde sourit aux patientes ivrogneries.

mercredi 11 janvier 2012

Bonnefoy, mauvaise fée

Le poème est affiché. Il est projeté contre le mur. Haut les mots ! Il est sommé d'avouer, d'éventer un secret, de confesser un péché. Colt sur la tempe.
La vaste cloison est table de dissection. Baudelaire est soumis à la question. Bonnefoy, mauvaise fée, n'a pas froid aux yeux. La voix tonne dans sa loi monotone. Le poète s'absente en terre d'exégèse, à sens de conférence.
"Pourquoi Baudelaire ?" Thème de séminaire. Bonnefoy, commentateur et "pourquoiteur" des Fleurs du mal. Au grand amphi du Collège des érudits.
Le poème se suffit à lui-même. Dissuade le haché menu de l'analyse la plus crue. La voix de rocaille du docte vieillard progresse en ses feuillets, à cadence de piolet. J'aime son mot de "ressaisissement" qui scande la montée patiemment. "Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses". La langue de Baudelaire résiste au tortionnaire.

Ligne de mire

Il est écorné. Froissé dans les coins de page. C'est une petite bible sage, l'explosif improbable de vieux doigts d'autrefois.
Volume taché, trop touché comme une boîte de cartouches. C'est un bouquet de chair concentré. Il est serré dans une paume. L'homme est adossé au velours jaune. Il est fixé dans la compagnie de Dostoievski. Il est retranché du monde, sous hypnose des mots, à distance des choses.
L'histoire d'un père cède au mystère. Je reproduis la posture de muette sculpture. J'essuie ma main sur la nappe, la frotte aux dessins de scribe.
Nous ne sommes pas saufs des Karamazov. Pères et fils lisent à portée de fusil, dans la ligne de mire d'une kalachnikov.

lundi 9 janvier 2012

Matzneff

L'homme a vieilli magnifiquement. A soixante-quinze ans, sa sveltesse a résisté au temps. Malgré les automnes, il reste fidèle à Byron.
Nous formons un carré de pupitres dans une sorte de réduit atomique, au sous-sol de la rue d'Ulm. Matzneff chuchote à l'oreille de l'enseignant invitant. Ces temps-ci, il a séjourné à Naples. Un exemplaire du "Corriere della Sera" traîne sur la table. Matzneff est ému. Il déplie ses feuillets, chausse des lunettes rondes. Il ressemble à André Gide, en plus fin. Il est habillé d'un costume de cérémonie. La littérature exige l'apparat.
D'entrée, il brûle son meilleur vaisseau. Il débute par Flaubert. "Les sujets ne sont rien". Il évoque la beauté du style, la banalité des récits, Madame Bovary ou Anna Karénine, remarque que "les fins de siècle sont très bêtes".
Il s'enflamme pour Aliocha Karamazov, s'insurge contre le panurgisme ambiant. "Ce sont les esclaves qui font les tyrans". Il raille "l'hystérie puritaine", moque les quakeresses à anathèmes. L'auto-censure règne sur les lettres. Matzneff lit Schopenhauer en italien, faute d'éditions françaises. L'art évacue la morale, se loge dans les mots des pires collabos. Lucien Rebatet a écrit en prison l'un des chefs d'oeuvre du vingtième siècle: "Les deux étendards".
Les contentieux fleurissent dans les billets doux. Les procès en galanterie se multiplient. Il faut se garder du moindre baiser furtif. Il défend son ami Poivre assigné en justice pour ses lettres d'amour. Or "Les jeunes filles" de Montherlant est un livre rempli de correspondances de petites amoureuses.
Gab la Rafale joue cartes sur table. Il a expédié une lettre de soutien à DSK, lâché par les siens. Les Sofitel sont de sordides auberges à chambres merdiques.
Les années soixante-dix s'estompent dans les souvenirs. Depuis, la société a régressé dans le conformisme moral. Rien n'est acquis. A droite comme à gauche, on se satisfait aujourd'hui des sottes billevesées maréchalistes: "travail, famille, patrie". Les gens n'aiment ni la liberté, ni la beauté.
Le visage de Gabriel rosit d'une malicieuse perversité. "La joie, c'est d'admirer". Gab la Rafale quitte le bunker de Normale. A paraître "Monsieur le Comte monte en ballon" qui n'est pas un volume de son journal, mais un roman inédit. Est sorti "La séquence de l'énergumène", recueil de chroniques du vieux Combat de Smadja. A lire.

vendredi 6 janvier 2012

L'âge du pire

Nous n'avons pas un fifrelin. L'Etat mendie. On ne se prête un coup de main qu'avec une garantie de rendu. Les marchés nous ont à l'usure.
La flèche du progrès s'est plantée dans un ciel couvert de dèche. Le temps des hommes s'enlise dans une tourbe d'automne. Virage sur l'aile du boomerang. L'histoire danse la carmagnole. L'économie tourne en rond comme les saisons. Le temps des hommes est un feuilleté d'espaces froissés. Les siècles se mêlent: l'Antiquité coudoie la Modernité. L'âge des cathédrales percute l'ère pétrolière. Le moment des peuples voisine avec les généalogies royales.
La bouffonnerie des lendemains meilleurs ne galvanise plus le moral des troupes. Le progrès n'est qu'un segment heureux, aussitôt haché de repentirs. Le trait chrétien du devenir, rebrousse chemin, vient flécher l'oeil d'origine. On revient aux maux fondamentaux. On revient à l'âge du pire. Avec une croissance notée zéro. Avec un Etat cruel, pas providentiel pour un sou. On assiste à un tsunami sur les avantages mal acquis par temps d'accalmie.

jeudi 5 janvier 2012

Bois de brûlure

J'erre dans la maison à la recherche de souvenirs. Pas un craquement de parquet qui ne soit écho d'une mémoire. Je gravis les marches à mêmes taches brunes que les masques de vieillards.
Je sens la charge du pas sur le bois de brûlure. J'écoute le bruit des choses plus que je ne cause à l'oubli et à la géographie. Le quadrillage des rides estampille le front d'un gaillard de la paysannerie. La mémoire grince comme une armoire à confitures.
Je dégringole l'escalier de pierre comme un gardien achève sa ronde sur la terre. A main gauche, les Bateaux, bleu, blanc, rouge, sont la proie du soleil, sont les rois de lumière. Staël s'attable à côté de Vermeer. Delft se déploie devant moi. La nappe n'est plus orange depuis longtemps. Je m'embrouille la tête avec le Brouilly de fête. Les toiles se mélangent. Maman se tord dans l'espace. Sans équilibre, la marche est une escalade de terrain plat.

mercredi 4 janvier 2012

Saleté d'actualité

Ce blanc-bec de président est un sale mec. Hollande auto-portraiture le nabot dans une gargotte de luxe, entre la poire et le fromage. Flamby oublie la comédie du pouvoir, cède à la tentation d'ironie. Il déboutonne son habit de candidat. Les rires s'embourbent dans le pâté de campagne."Une sale histoire" dirait Eustache.
Le voyeurisme de la petite phrase s'applique à l'instant d'égarement de "Chez Françoise". L'homme de journal est aux premières loges. Il cafte au café. Le ricochet de la presse éclabousse l'opinion. Saleté d'actualité.

mardi 3 janvier 2012

Nom de Dieu

La création est sauvage. C'est un bloc d'abîme et de stupeur. Dieu stoppe le déferlement. Il domestique la terreur. Il apprivoise l'étrangeté, l'entrave d'un collier. Dieu nomme les choses.
Les hommes l'imitent quand ils usent d'idiomes. Ils parlent dans le noir dans l'espoir d'y mieux voir. Ils imaginent de bavards récits.
Dieu ne crée pas seulement le monde. Il l'habille de mots. Il le vêt de guenilles. Il écrit dessus une histoire hors nature. Il jette son cri sur ses épaules. Le vent des voyelles apaise la braise des ciels. Le monde se couche sur du papier.

lundi 2 janvier 2012

Instruire les princes

Il manque au sarkozysme ce que Gramsci nommait le pessimisme de l'intelligence. Le quinquennat qui s'achève aura multiplié les péchés contre l'esprit. La comédie de la volonté inonde l'air ambiant. L'anti-intellectualisme du gouvernement déshonore le pays. Les mauvais mots flétrissent le drapeau. On se lasse des fautes de syntaxe, des grossièretés de sous-ministres, des incivilités langagières de secrétaires d'Etat, du verbe de poissonnière des duchesses républicaines.
Le "Zadig et Voltaire" de Lefebvre et la "fête de la Natalité" de Morano ont crevé le plafond de la médiocrité. Ces ministres formatés à l'inculture s'expriment comme des vendeurs de cravates. La vulgarité se répand sans vergogne. Elle attente à la grandeur d'une nation.
Le triomphe d'"Intouchables" en dit long sur le coma de l'opinion. La vie édifiante d'un noir banlieusard est glorifiée au nom d'un pragmatisme benêt. Le film, digne des plus belles heures du réalisme soviétique, fustige la décadence des arts bourgeois. Le totalitarisme de la volonté impose sa haine de la pensée.
Reste que l'efficacité tant prônée de la frénésie opiniâtre tarde à engranger des résultats. La détestation de l'intelligence ne suffit pas. La rage d'agir se lit sur les masques sans pour autant s'inscrire dans les faits. La volonté se vante, se paie de mots, se regarde dans le miroir immobile des voeux pieux.
L'Elysée est une sorte de vestiaires où le champion exhibe sa sueur. Le président bagarreur fait son affaire du prompteur. Il nous promet que cette année, ce sera la bonne. L'homme valorise ses mâchoires. La rage suinte de son visage blanchi. Elle creuse sa peau comme des mots martelés.
Stendhal écrivait le 3 novembre 1832: "'La vie des Allemands est contemplative et imaginative, celle des Français est toute de vanité et d'activité". Le cliché s'applique au couple Merkel/Sarkozy.
Avec les fêtes, on a troqué le triple A pour la triple joie. A son corps défendant, dans la mêlée des voeux, on se laisse aller à songer, à rêver d'autres cieux. Le président a parlé de formation. Moi, je souhaite qu'on instruise les princes.