lundi 30 juin 2014

La robe Bardot

Dans la pénombre du raout, on s'éclaire à la bougie des visages. Il suffit d'un front haut, d'une clarté de canine ou d'une pommette rosée pour réveiller un prénom, brièvement sourire d'un souvenir, se rappeler d'une tête comme d'une anecdote.
Je slalome parmi des regards comme une boule de brouillard. Je déjoue la fixité passagère d'une civilité.  J'erre au gré de complicités inachevées.
J'évoque la robe Bardot d'une grande bringue. Je noie ma mémoire dans la pétarade étoilée, le clapotis morose d'un verre de quelque chose.
L'histoire se compose de bouts de phrase de comptoir. On se raconte des bobards. Je suis un vieillard d'après la bagarre. J'identifie les sosies dans la nuit. Je sais l'alerte rouge quand une jeune fille me tend sa joue.

vendredi 27 juin 2014

Rue Bourbonnoux

Les transats jaunes fluo du petit jardin de curé. Le jour n'en finit pas de durer. Les guêpes se plaisent au voisinage des tilleuls. Place de la Pyrotechnie, on hésite sur le nom des ethnies.
Les reliques d'Etienne se mêlent à celles de Laurent. On stocke la sainteté comme des données de société.
Rue Bourbonnoux, anciennement des Bonnets Rouges. Maisons pastels à pan de bois, de guingois. Ruelle dégringolée, pavée des meilleures intentions de la noble confection. Le vitrail est une manière d'étourdir le soleil.
A l'étage, la télévision rate l'image. S'essaie à sa multiplicité d'insuccès. Notre art de samedi soir, matin, midi, nul ne songe à le confier au soin précis d'un juste artiste.

jeudi 26 juin 2014

De la démocratie

La chefferie du pays se soucie de démocratie comme d'une guigne. Elle discourt de vertu, étreint la morale à bouche que veux-tu. Nos rois hurluberlus pratiquent l'hypocrisie comme des vendeurs de bondieuseries.
La démocratie est la scie des partis de la patrie, leitmotiv d'apparatchiks. Or les faits sont contrefaits. La tricherie impose sa tyrannie. On fraude les scrutins comme on se frotte les mains.
Aubry vole la victoire à Royal. Copé chaparde le succès à Fillon. Hénart verrouille le vote valoisien au grand dam de Yade. Trois notoires de pouvoir s'auto-proclament vizirs par intimidation de cour de récréation. A gauche, à droite, au centre, la démocratie exemplaire, on s'en tamponne le coquillard.
Faute de démocratie, le peuple fait tapisserie. Il est humilié par des bateleurs de supérette, des causeurs de sornettes. Le peuple est loin, reste dans son coin. Il voit rouge, se coiffe d'un bonnet. Il vit dans ses songes, sa chefferie dans ses mensonges.

mercredi 25 juin 2014

Un chien

Je regarde la minuscule masure de pierre, porte verte, rectangle de couleur et lucarne borgne à gauche. Trois pins déglingués qui encadrent une mer bleue, piquetée de petites barques hésitantes. L'hôtel de plage craque des premiers bruits du jour, éprouve ses articulations rituelles de vieille baraque.
Le soleil chauffe la joue, démange la pointe des coudes. Savoir jouir. Autrement plus calé que de laidement travailler. Pas facile de se faire accepter, d'apprivoiser l'inutile. L'étrangeté fait aboyer un chien.
Je songe à Dominique de Roux: "On fait des batailles de pamplemousse. Je voudrais que vous voyiez". Il taillade le dos d'une carte postale. Il écrit sa joie d'enfant à ses parents vivants. Maison jaune est un texte d'automne. Il est fini le temps des cartes postales.

Les loustics du Gothique

A Bourges, on ne s'embarrasse pas d'ambages. Les vitraux de la cathédrale Saint-Etienne jettent un écho vertical de souveraine lumière. Sous une pluie fine d'un Berry à temps pourri, les vibrations de la couleur ensoleillent la bande dessinée de la Bonne Nouvelle. La verrière renvoie l'espoir, ne raconte pas d'histoire.
Les loustics du Gothique ont taillé l'habitat dans l'esthétique d'une foi. A deux pas du parvis, le musée berruyer du meilleur ouvrier précise une philosophie. On lit sur la pierre deux mots téméraires, "joie et travail", la prière surannée d'un style de mauvaise vie.
Les corps d'attention font acte de contrition. La beauté fait peur, exige la totalité du coeur. La page d'ouvrier est un ouvrage enluminé.

dimanche 22 juin 2014

La mort

La mort nous fait douter des souvenirs, se moque de notre mémoire. Elle travaille à ce que l'illusion soit parfaite, à rayer la vie de nos têtes en sursis. Rien n'a eu lieu. J'ai rêvé. J'ai vu les fées de mes yeux.
"Je me casse la tête pour vous". Ce genre de prophétie rougit les plissures de l'oubli.

vendredi 20 juin 2014

Platja de Tamariu

Anniversaire d'une mère. Maman a quatre-vingt-seize printemps. Demain, c'est l'été. Le jour d'après la fin du monde n'a pas vraiment d'avenir.
J'aime mêler mes doigts et regarder le ciel. L'éternité s'est arrêtée à Tamariu. Le soleil s'est hissé derrière les rochers, a régné sur une mer apaisée, a chuté de l'autre côté. Le vieux ne ressemble à rien d'autre qu'à un vieux.

mercredi 4 juin 2014

La sainteté du coquelicot

A main gauche, Chambois. Les routes se croisent, Sainte Eugénie à droite, raidillon mauvais des cyclistes embringués. Un carré de rouge incendiaire. Une trouée de sang impose sa joie. La parcelle flamboie sous un grand ciel malade. Juin lugubre. Le coquelicot des dimanches est l'écho sauvage d'une sainteté.

lundi 2 juin 2014

La Toulonnaise

Ilie Nastase est sénateur de Roumanie, Victor Pecci ministre du Paraguay. Les champions recyclent leur nom. Ils sont gros, gras, sans style. Ils vieillissent hors du tennis, s'accoudent à la table des notables. Ils ont troqué la raquette pour un rond de serviette.
Federer reste rare malgré ses déboires, garde une fière allure bien que battu sur terre. Un traître sujet de Sa Majesté lève le bouclier gaulois du rugby. Une foule pavoise sur l'air de La Toulonnaise, sosie sublime du God Save The Queen.