vendredi 31 janvier 2014

Un bâton de dynamite

Je sors de Salammbô sonné par le fracas des mots. Le blockbuster de Flaubert annonce la couleur, affiche sa richesse sur la page. On est suffoqué d'un tel choc de somptuosité.
Hollywood filme vite, manque de faste. Cecil B. DeMille peut aller se rhabiller. Luc Besson n'est qu'un mièvre tâcheron de la superproduction. Flaubert nargue Spielberg.
Flaubert a tourné son fabuleux peplum, son monstrueux pensum, en trois cent semaines. Il fignole, chiade la beauté, siamoise de la cruauté.
Flaubert ne lésine pas avec l'hémoglobine. L'infinie bataille de Carthage traverse la nuit des temps comme une longue charge d'éléphants.
La fille d'Hamilcar attise la bagarre. Les charniers flamboient dans une gloire de cinéma. Les mots s'impriment sur les corps comme des fragments de châtiment, exaltent la passion de Mâtho le chef des Syrtes, sorte de Khadafi lapidé comme un Christ.
C'est un roman stupéfiant, un bouquin sidérant, la bande dessinée d'un maître des sonorités. La monstruosité d'Antiquité nous parle mieux d'humanité qu'un bourgeois rouennais. Après Homais et ses frères de bocage, Gustave a pris le large vers Carthage. Ce bâton de dynamite est en vente libre dans les supermarchés.

La langue des émotions

Trop froid. La gifle du vent nous détourne d'un tourment. La Giudecca s'éloigne. On se balade à portée des eaux livides. On n'échappe pas à l'échoppe. Je feuillète l'album des sanguines de Pontormo.
Les parapets donnent accès à La Fenice. Un drap claque sur la façade d'opéra. On jette une tête. Le théâtre est vide.
L'ouvreuse ensommeillée me fourre un fil dans l'oreille. Nous flanque dans la loge impériale. M'accoude au fauteuil de Napoléon. Le bidule zézaie sa petite fable. Il instruit des incendies. Il est vite obsolète. J'arrache la mauvaise herbe de mes cheveux encasqués.
Car soudain j'apprends la hiérarchie des langues. Le chant gomme les petits accents de second rang. Le bel canto périme un indigent babil. La langue des émotions fait taire la langue de la raison.
Une jeune cantatrice en jean cède au caprice de sa voix. J'assiste au sublime débraillé d'un travail de chantier. On dirait La Clémence de Titus. Je me tasse à mesure.

jeudi 30 janvier 2014

Vieux os

Aux hommes finis, Venise donne le tournis. Ces plafonniers m'obsèdent avec leurs loupiotes encapuchonnées d'un bonnet de nuit flasque.
Le vaporetto plisse l'eau des badauds. On se noie dans la défaite des lois. Marinetti, dans Morand, au sujet des gondoles: "Des balançoires à crétins".
J'économise mes heures depuis que je sais lire l'horreur à Venise. Je regarde, d'un sourire en coin jaune, la sorcière édentée de Giorgione.
Dans l'intervalle, les nuages bleuissent, perdent leur coton matinal. Je raffole des lustres à pâte molle. Je rentre tôt. Me suffit le Ritretto de Guardi au palazzo Rezzonico.
L'eau de la ville prend la couleur d'huile d'olive. Les ciels de la basilique éblouissent d'une lumière pain d'épice. Mosaïque veut dire peinture.
C'est le mot musique réservé à l'art graphique, dédié à l'oeuvre de pinceaux. Venise est sise là où musique et peinture s'indivisent.
Vues du Florian, les arcades sourcilleuses des Procuratori impriment au temps un témoignage de pierres taiseuses. Cioccolata in tazza.
Seuls les clochards d'Amérique périssent dans les parages de La Fenice. Il faut s'appeler Ezra Pound pour finir sous les eaux, à San Michele, le cimetière insulaire. Vieux os et sacerdoce des Cantos.

mercredi 29 janvier 2014

Cahier Simone Weil

Je suis curieux de ce qu'écrivent René Girard, le sanglier d'une même idée, et Michel Serres, le renard à mille pensées. Je crois bien que je possède l'intégralité de leurs écrits publiés.
Les volumes des deux hommes se côtoient dans l'entassement d'une bibliothèque. Je dispose, en chiens de garde sur l'étagère, de leurs Cahiers de l'Herne, raides et quadrangulaires.
J'ai en mémoire Dominique de Roux, son profil d'oiseau de proie, Maison Jaune, ses livres à L'Age d'Homme, rue Férou, la somptueuse griffure d'une littérature.
Dans une librairie de grand fouillis, je gravis l'escalator aux écailles d'alligator. Je gravite autour d'un présentoir comme un chien à la recherche d'un territoire. La stature du Cahier de L'Herne s'impose aux bigarrures modernes. Simone Weil. Celle dont parle Bataille dans Le Bleu du Ciel.
Simone Weil figure dans la haute collection à format médiéval. Le nouveau Cahier accueille les textes d'Aron, Bobin, Camus, Cioran, Lévinas, Marcel, Maritain, Ricoeur.
Je remarque les entretiens avec Girard et Serres. J'ai hâte d'accomplir mon désir. J'ouvre le gros bouquin couleur d'ivoire.
Girard est interrogé, ô surprise, par moi, avenue de la Bourdonnais. Je frappe à sa porte. Le silence m'effraie. Je sens une présence de prophète. C'était du temps de Matulu, petite gazette littéraire, vite naufragée. L'entretien date du 24 juin 1987. L'éditeur du Cahier l'a déterré d'un grenier désordonné.

lundi 27 janvier 2014

La dîme et la dame

Hollande est empêtré avec ses dames. Marie-Ségolène voulait être reine, pas première dame. Valérie veillait à son embonpoint. C'est une femme humanitaire sensible à la misère. Elle l'empêchait de manger plus qu'à sa faim.
Valérie est l'échec d'un régime. Elle est répudiée, congédiée comme une petite bonne. Julie sera la énième dame. Pas davantage. Fini la mascarade de la première dame.
En revanche, Hollande demeure le premier monsieur jusqu'au terme du mandat. Il a situé son début de quinquennat sous le signe de la dîme et de la dame. Hollande ne fait pas assez de sport. Mais il lit L'Equipe. Il accommode à sa manière les recettes du stade. Il sait que l'attaque est la meilleure défense. Il sait que la taxe est la meilleure dépense.

vendredi 24 janvier 2014

Chuinte la canine

L'histrion souffre d'une addiction de la diction. Le discoureur s'enivre d'un vent souffleur. Le pontife rafistole une brièveté. Le pouvoir mesure l'étendue d'un désespoir. L'abois tient lieu d'opéra.
Parler découvre les dents. L'os d'une mâchoire indique une fausse trajectoire. Le mot mime la chose, s'anime de n'importe quelle cause. Sonnent les mâtines, chuinte la canine.
Ces paradis-là ne valent pas un radis. Ce sont des paradis fiascos.

jeudi 23 janvier 2014

C'était Louis

Le front s'est dégarni. Flaubert pleure sur sa calvitie. Il est chauve de la défunte amitié du bon Bouilhet. Flaubert enterre son meilleur soldat. C'était Louis. Son faire-valoir de gueuloir, son compagnon des joies sonores. Bouilhet, Duplan, Sainte-Beuve. A qui parler boutique ? Flaubert est seul, cerné de linceuls.
"Je n'en connais pas un seul qui soit capable de passer avec moi un après-midi à lire un poète" (Lettre du 21 mai 1870, Bibliothèque de la Pléiade, quatrième volume de la Correspondance, page 190).
Il cesse de converser. Faute de complicités. Il n'a rien à dire aux sbires du désespoir, aux barbares sans mémoire. Il a écrit Bovary, Salammbô, L'Education. Il ne lui reste pas dix ans pour compléter les blancs. Il bande son arc. Il expédie son acrimonie. Il confie sa tristesse à George Sand.


mercredi 22 janvier 2014

Sa propre boue

L'hygiénisme accorde un rabiot. Il fabrique du vieillard. L'hygiénisme réunit deux artistes monstres. Il est flanqué sur la route de Proust et Céline. Ils chemineront de conserve jusqu'à leur dernière saison.
Robert, père de Proust, est un médecin hygiéniste dont le renom excède le canton. Louis-Ferdinand Destouches - dit Céline, du nom de sa grand-mère - est docteur de l'horreur, médecin du pauvre, toubib de la plèbe, généraliste du désastre.
Il a fait ses classes, rédigé une thèse sur Semmelweis, l'étudiant hongrois né à Buda, découvreur des mains sales de la fièvre puerpérale.
Et si Proust et Céline avaient voulu faire le ménage dans la poussière du siècle, s'étaient désignés pour nettoyer la langue au plumeau, avec d'autres mots ?
Céline et Proust font rutiler l'argenterie. La littérature est leur propriété. Elle brille de propreté. La proximité des deux mots redouble la parenté des deux scribes. Ils sont officiers de santé à longueur de cahier.
Le style, c'est la propriété d'un crachat, le propre de soi, une salissure d'auteur. Le style fait son trou avec sa propre boue.

mardi 21 janvier 2014

L'aimais-je ?

J'ai quitté Venise sous une pluie lumineuse. J'aime la beauté qui se tait, le joyeux risque du rococo. Mouette sur le toit en attente de petite proie.
Je m'agite dans le périmètre de mes gîtes: Rialto, Monaco, Ala, Luna, Principe. Il fait nuit au bar du Gritti quand il fait beau au Cannaregio.
Les hommes n'ont plus d'ombre mais des masques ou des hâtes d'acrobate. Les ciels de neige dissuadent la ribambelle à shortilèges. Le soir tombe sur la pierre de Carrare.
On s'égare trop tard dans un regard. On se réveille dans des ruelles à l'arôme de sel. On égrène un chapelet d'échoppes à la recherche d'une reine.
Venise est sale des solitudes les plus pâles. L'eau rebondit sur la joue d'un toit gris. L'image d'un père se réverbère dans l'hiver. Morand ne cause pas d'autre chose: "L'aimais-je, ou moi en lui ?".

dimanche 19 janvier 2014

La danseuse de Tulle

Valérie est une dame de compagnie. Elle seconde le président dans ses déplacements. Elle loge en son palais. C'est la première compagne du premier magistrat.
Julie est établie à deux pas du palais. L'actrice demeure rue du Cirque. Certains soirs, elle y accueille un président motard. Marie-Ségolène est la mère des rejetons du président.
Ces trois dames du président n'ont rien à revendiquer à la République. La proximité amoureuse du chef de l'Etat ne confère pas de légitimité particulière. Chacune du trio des favorites est interdite de statut. Valérie n'est pas chez elle à La Lanterne à Versailles. Sa convalescence s'accomplit aux frais de la princesse.
La danseuse de Tulle au bras du président, un soir d'élection, usurpe la figure de "première dame". Il serait de règle républicaine qu'elle débarrasse le plancher de manière délicate, qu'elle cesse de vivre au crochet de l'Etat.

samedi 11 janvier 2014

La politique autrement

La politique est viciée, pervertie par une logique détestable de professionnalisation, en décalage croissant avec les besoins de la société. L'obsession de la réélection dénature le métier parlementaire. Pareil instinct de conservation dégénère en sentiment de propriété du pouvoir.
Tous les moyens sont bons pour le garder en sa possession, pour procéder à sa confiscation. Y compris la démagogie. Y compris la corruption. L'homme politique considère la chose publique, le mandat de res publica, précisément comme sa chose.
Le pouvoir est un frisson amoureux, une sorte de fétiche, aussi addictif qu'un stupéfiant nocif. La perspective de carrière politique favorise l'ardeur délinquante. Le vrai savoir-faire du parlementaire est l'habileté à se faire réélire.
L'amour du pays est une vieillerie de manuels d'histoire, un bref argumentaire de tract publicitaire. Le parlementaire ne se dévoue qu'à sa cause personnelle prioritaire. Elle justifie l'entretien de clientèles.
Les parlements sont des paniers de crabes en bagarre pour la conservation du pouvoir. La chefferie organise ses destins nationaux, complique le jeu à coups de querelles d'ego.
Elle tient le haut du pavé, accomplit le métier de ses intérêts privés. Le député fait son business. Comme un boulanger, un cordonnier, un épicier.
La professionnalisation politique conduit à des stratégies personnelles d'enrichissement sur le dos du peuple votant. La liste des privilèges de fonction suffit à susciter les vocations: haute rémunération, fiscalité complaisante, régime de retraite en or, congés d'enseignants, multiples avantages en nature, immunité judiciaire.
Au début de la République, la politique était exercée par un puissant corps notabiliaire, grands bourgeois fortunés, rentiers décomplexés, à peu près éduqués parmi un peuple illettré. La gent parlementaire d'aujourd'hui est composée de professeurs et de fonctionnaires, plus quelques toubibs et autres vétérinaires.
Ces corporations d'élection monopolisent les gradins d'assemblées. La sociologie des palais nationaux défigure le visage de la République. Elle insulte le peuple.
La politique peut se pratiquer autrement. Je préconise une politique à mandat unique, à un seul engagement dans le temps, sans l'arrière-pensée d'une deuxième chance, sans possibilité d'en faire un métier. Le peuple mérite une politique de service citoyen, participative, exécutée à tour de rôle. Le bénévolat parlementaire, de nécessaire salubrité morale, s'apparenterait de surcroît à une oeuvre de solidarité nationale. A l'image de l'ancien service militaire.
La politique s'enrichirait de la diversité intellectuelle, sociale et culturelle du pays. Il s'agit de promouvoir la responsabilité de chacun, de faire en sorte que tout citoyen qui le souhaite parcoure un bout de chemin à la tête d'une collectivité, sans pour autant s'approprier un métier.
On ne reconnaît pas la démocratie sous son masque d'aristocratie d'Etat. Il convient de la refonder sur les bases dynamiques d'un grand service civil de la politique.

vendredi 10 janvier 2014

Ramdam M'bala M'bala

Jamais deux sans trois. Après le Mali et le Centrafrique, une intervention militaire s'imposait au M'bala M'bala. Décidément, l'Afrique nous donne du fil à retordre. Le M'bala M'bala est un petit pays querelleur qui cherche noise à Israël.
L'opération française a été menée de main de maître. Débusqués à la Main d'Or, les terroristes de la faction Dieudonné ont tenté de se retrancher au Zénith de Nantes. Ils détiennent l'arme chimique. Ils disposent de gaz hilarants. L'Onu a réagi au quart de tour. Le Conseil de Sécurité va voter une bonne résolution.
Je ne veux pas rire idiot. Le ramdam autour de Dieudonné M'bala M'bala a chatouillé ma curiosité. La publicité conseillait de s'instruire sur un site d'Amérique: YouTube.
J'ai vu un solide gaillard à carrure de Bastareaud. Au temps des colonies, on aurait évoqué son sourire cannibale de grand Nègre. J'ai écouté son délire célinien. D'emblée, la forte présence du bateleur m'a fait penser à Jean Yanne.
Sauf que l'acteur primé à Cannes ciblait sa haine sur les femmes. Son insupportable machisme plaisait à Pialat. Yanne, grand comédien, attentait sans complexe à la dignité de la femme dans une "beaufitude" ambiante pleine de gratitude. Le talent de l'artiste excusait l'odieux boniment. Le pardon est la figure du bon ton. Il est à géométrie variable.
On ne se tord pas les côtes avec l'Holocauste. Je n'en démords pas. J'ai cliqué ma sortie avant la fin de la causerie.

jeudi 9 janvier 2014

L'instinct de corporation

L'immunité de l'élu révolte l'homme de la rue. Le corporatisme politique dénature la République. Pareille connivence parlementaire jette le discrédit sur la démocratie.
Après Cahuzac, Dassault jouit de troubles complicités dans les palais nationaux. Les jeux sont à ce point pipés qu'il lui est inutile de soudoyer treize sénateurs, à l'unité près, pour glaner une juste majorité. Pas besoin. L'instinct de corporation fonctionne à merveille.
La loi non écrite de nos doctes assemblées veut qu'on ne touche pas à la sacrosainte immunité. Sauf à s'exposer à la rudesse des représailles d'une caste. Sauf à s'offrir à l'impitoyable vendetta d'Etat.
La présomption de corruption généralisée n'a jamais autant pesé sur l'ensemble du personnel politique.

mardi 7 janvier 2014

Tant d'informations

Le gros Cruchard, scribe à Croisset, dépêche ses dernières lignes à la Princesse Mathilde. Flaubert s'octroie un instant de respiration, dessine un point d'interrogation.
"A quoi servent tant d'informations ?". Au pardon des exactions. A la réparation des ampoules du plafond. A l'érudition des capitaines d'opinion. Flaubert, en pleine rédaction, se pose la question. L'auteur se meut dans la moiteur d'août 1868. Il ploie sous son bouquin bourgeois. Cette histoire de jeune homme l'assomme.
On change d'année mais pas Dieudonné. Il blasphème sur la piste sans son casque. Il ne risque rien avec son nom de mathématicien. L'apostasie fixe une limite à la fantaisie. Nul n'est sauf du comique anti-juif.
On ne se tord pas les côtes avec l'Holocauste. On ne plaisante pas avec la plaisanterie. La mer fait des vagues. Hollande fait des voeux. Valls les gros yeux, les soldes des heureux. La rumination d'une nation réclame la mastication des informations.

La peur de l'eau

Chardonne compare la lecture de Proust à "une marche dans le sable". Il confie à Morand qu'il s'épuise dans ses phrases.
Je n'ai pas ce souvenir. J'ai gardé la sensation d'une mer d'huile, d'une insouciante baignade et d'une douce plénitude. Proust sait ce qu'il écrit. Il évoque son art comme un délicieux flottement de bord de mer.
"Que de fois j'ai vu, j'ai désiré imiter quand je serai libre de vivre à ma guise, un rameur, qui ayant lâché l'aviron, s'était couché à plat sur le dos, la tête en bas, au fond de la barque, et la laissant flotter à la dérive, ne pouvant voir que le ciel qui filait lentement au-dessus de lui, portait sur son visage l'avant-goût du bonheur et de la paix" (Du côté de chez Swann, Bibliothèque de la Pléiade, page 170).
Chardonne avait peur de l'eau. Il craint le grand écrivain. Il lui suffisait de se jeter dans la vague. Feuilleter La Recherche, c'est faire la planche. Proust se lit les yeux fermés.

lundi 6 janvier 2014

Un secret de sacerdoce

Trois de chute ! Il me reste deux volumes de Pléiade à lentement déflorer. Je chemine dans la gaillarde Correspondance de Flaubert. J'y croise la folle Chantepie et la fervente parpaillote de Nohant. Ces deux fières épistolières se hissent à hauteur du furieux bagnard.
L'oncle Cruchard - Flaubert pour Caroline - est un fameux "racleur de guitare". L'incarcéré de l'encrier adresse son bonjour aux Goncourt, griffonne ses tendresses à la Princesse Mathilde, jette un bouquet de baisers à Amélie Bosquet.
Mais c'est à Jules Duplan, secrétaire du banquier Cernuschi, qu'il vend la mèche, dévoile le pot-aux-roses, confesse un secret de sacerdoce. Flaubert ne cède rien sur ses colères. Flaubert est d'humeur ternaire. Il détaille son travail: "Défendre la Justice, engueuler l'Autorité, ahurir le Bourgeois" (Lettre du 11 octobre 1867).

Eusébio, marque de produit Casino

Le Lusitanien était un prince quand le Brésilien était un roi. Les gosses des préaux s'émerveillaient des  prouesses d'Eusébio. On rêvait d'exploit. On ne parlait pas d'emploi.
L'esthète lisboète tutoya les tibias du sublime Garrincha, frôla les mollets du grand Pelé. On imaginait la gloire dans la voix de Stentor du speaker de transistor. Il suffisait de coller une joue confiante sur la radio grésillante pour communier avec l'humanité, balle au pied.
Eusébio souffla le ballon d'or à Facchetti, l'intraitable défenseur transalpin. Les petits garçons d'alors sont morts, mais pas leur émotion. Eusébio est une marque de produit Casino qui s'ignore.


dimanche 5 janvier 2014

Un inconnu

Je relis mon vieux Venise. J'en aime la brièveté, la sécheresse du crayonné. Des mots d'hier me déconcertent. J'identifie mal leur figure. Une complicité s'est distendue. Je n'en maîtrise plus l'éclat. Je subodore une bouderie d'ami.
Il n'y a pas de bénévolat des syllabes. Elles me tourmentent. M'échappent. Je voudrais reconquérir leur sourire. Dans mon corps de texte joyeusement taillé, je suis un inconnu, une sorte d'intrus à visage sillonné. Je frissonne d'étrangeté devant mon identité.

samedi 4 janvier 2014

Le regard de Richard

Ils pilotent des sortes de fourgons funéraires. Leurs pare-chocs sont des mâchoires. Ils se fourvoient dans des ruelles sans ciel. Ils convoient leur marmaille calée sur un pavois. Ces moutards d'autocar héritent des jugulaires de l'antique génération i grec. L'estafette est enlisée dans un embouteillage de jour de fête.
Le kiosque de Richard ravive la mémoire. Il est habité. La nouvelle reine du lieu casse le temps silencieux du deuil. Je ressens mal l'aise de sa voix portugaise.
Une kyrielle de journaux mêle ses voyelles aux babioles frivoles, aux scalps industriels de Tour Eiffel.
Richard est mort. Richard n'est pas mort. La maladie l'a viré de sa baraque de rue. La mince patronne plastronne. Je ne saurai rien d'un faux sourire sans destin.
Les bagnoles sur échasses rutilent dans une nuit de crasse. Elles geignent dans un éclat de teigne. Je rassemble les échos, les remue dans ma tête, ces mots pressentis d'une kiosquière apprentie. "Au cerveau".
Je me débarrasse du regard de Richard. Il est tard. Du lit, je vois Venise. Quelle beauté, seigneur !

jeudi 2 janvier 2014

S'il y a 14

S'il y a chagrin, qu'il s'en aille. S'il y a désir, qu'il se réalise. S'il y a grisaille d'hiver, qu'elle soit légère.
S'il y a paix, s'il y a 14, qu'il n'y ait ni guerre ni 18. A qui doute de la pérennité d'une fête, je souhaite de bonnes promenades et de belles rencontres.