jeudi 31 décembre 2009

Carbone Année !

La planète échauffe les esprits. Le monde est un tas d'immondices. On sonne le tocsin des salissures. Les Chinois saccagent de bon coeur avec la foi du charbonnier. Les riantes industries d'Occident craignent l'apocalypse fiscale. La taxe carbone, aujourd'hui retoquée, visait la folie prédatrice des hommes. N'en déplaise au conseil des pas très sages du Palais Royal. De la planète, nous ne disposons que de l'original. Nulle duplication au papier carbone n'est praticable.
Dans la foulée, les docteurs de la loi constitutionnelle nous adressent leurs meilleurs voeux: Carbone Année !

mercredi 30 décembre 2009

En finir

Le coiffeur m'interroge sur l'avenir. Où et comment finir l'année ?. "En beauté". Ma langue fourche. Dans un demi-sommeil, devant glace et lavabo, je ne veux dire que cela. Clore l'année en beauté. Je me reprends. J'ajoute: "Chez mes parents". Avant de confesser cet ultime communiqué: "Non, chez ma mère".
Dans la salle à manger, près de la fenêtre, une pile d'albums sur les genoux, il laisse les souvenirs se bousculer. Il baisse la nuque, colle son menton sur son buste. Il attend autre chose que l'achèvement d'une année de calendrier.

mardi 29 décembre 2009

Un bonheur d'acteur

Sur une chaîne lointaine, excentrée dans le maquis des images du câble, je tombe sur un bonheur d'acteur, un délicieux comédien, Jean Poiret en Lavardin, policier policé avec une pincée de folie dans la prunelle de l'oeil. Jean Poiret est l'héritier du grand Jules Berry. Sa fantaisie fait merveille. Il agrémente ses postures nonchalantes de petits rires sardoniques. Il enjôle la caméra avec une légère gouaille dans la voix. Pour le Noël de ses vieux, Vivolta régale au champagne. Avec Jean Poiret, la télévision pétille. On me dit qu'il est mort. Je n'en crois pas un mot.

lundi 28 décembre 2009

L'homme de l'année

En cette veille de Noël, le train chemine vers Granville. A chaque arrêt, les voyageurs des quais se jettent sur les portières en quête d'une place, sinon assise, du moins physiquement tenable. Le système des réservations a volé en éclats. Les sièges sont pris d'assaut. Les numéros des places imprimés sur les billets n'y figurent que pour mémoire. Les passagers s'ensauvagent, s'invectivent. Un moustachu, lecteur de L'Equipe, s'abrite derrière son journal, pratique la politique de l'inertie. Il ne tient pas une seule seconde à me céder cette place qui correspond au billet que j'agite dans la main.
Je sors de mes gonds. La colère envenime les relations humaines. Dans mon délire verbal, je me souviens que le chef de la SNCF se nomme Pépy, Guillaume Pépy. A la cantonade, je crie qu'il faut sur le champ se débarrasser de "la pépycratie" qui force notre communauté d'hommes à se conduire comme des animaux. A intervalles réguliers, un haut-parleur nasillard jette une poignée de mots standards sur la plaie vive des voyageurs: "La SNCF s'excuse pour les conditions déplorables de transport". Les hommes et les femmes du wagon se calent comme ils peuvent dans la travée. Seul un chien semble à son aise, museau entre les pattes, presque satisfait de ce transport de marchandise humaine en vrac.
Au retour vers Paris, le même scénario se reproduit. A la SNCF, la réalité n'apprend rien. On joue des coudes. On s'injurie. Le wagon est bondé. La compagnie de chemins de fer a vendu deux ou trois fois le nombre des sièges disponibles. Les vieillards souffrent davantage dans leur chair. Les bébés braillent. Une personne se trouve mal, perd connaissance. On invite les médecins du train à se signaler. Le convoi stoppe à Versailles pour évacuer le blessé.
A l'arrivée, le trajet s'est rallongé de près d'une heure. On savait déjà que les prestigieux TGV ne roulaient pas de bon coeur par temps de neige. Or ce constat de faillite doit être complété par l'incapacité de la société nationale de transport ferroviaire à exercer son métier en fin d'année. A qui veut-on faire croire que le monde entier envie les services publics français ?.
A mon avis, l'homme de l'année 2009, c'est Guillaume Pépy. Il a gagné dans un fauteuil. Loin devant le patron de la RATP.

mercredi 23 décembre 2009

Burqa

Agence Société Générale, rue du Havre, onze heures du matin, 23 décembre, quartier des grands magasins. Mon épouse est postée devant le distributeur automatique de la banque. Rituel du plein d'espèces à l'approche de Noël. La machine rechigne, la machine est en panne. Mon épouse décide alors de s'adresser directement au guichet de l'établissement. Elle s'introduit dans le sas qui donne accès à la banque, après vérification des clients. Elle a couvert sa tête d'un fichu de laine jaune qui cache la toilette matinale de ses cheveux. Ce foulard qui dessine parfaitement l'ovale du visage fait voir rouge le préposé à l'ouverture de la porte. L'homme fait signe qu'il est exclu de pénétrer dans la banque avec ce bout de tissu sur la tête.
Suffoquée, révoltée par ce geste d'ostracisme, à connotation xénophobe, voire raciste, mon épouse sort de ses gonds, explique haut et fort qu'elle ne porte ni voile religieux, ni burqa, que son visage est ceint d'un banal fichu laïc qui laisse parfaitement identifier sa personne. Bref, la psychose des burqas fait déjà des ravages auprès des petits blancs bureaucrates. Tout couvre-chef est désormais suspect. La banalisation de la bêtise raciste est à l'oeuvre dans une société aveuglément sécuritaire.

L'identité d'un étranger

Le mot identité relève de la plus banale tautologie. Il résonne aussi comme une énigme. Dans l'Exode (3,14), Dieu s'adresse à Moïse en ces termes: "Je suis celui qui est". L'identité se définit comme un moi inconnaissable. Michel Serres signale à bon droit une erreur logique couramment répandue. " On confond en core et toujours identité et appartenance. L'une se marque avec trois petits traits, l'autre avec une sorte d'epsilon, qui ressemble à un euro...Le racisme, c'est justement la confusion de l'identité et de l'appartenance" (Chronique sur France Info du 26 avril 2006). En effet, la couleur de peau ne constitue pas l'identité d'un homme mais désigne l'une de ses multiples appartenances. L'actuel débat, assez artificiel, sur l'identité nationale exige le préalable de cette distinction première, de ce rudiment de logique mathématique.
La nation était jadis ressentie comme un lieu d'enracinement. On y naissait - c'est précisément l'étymologie du mot -, on y vivait, souffrait, travaillait avant d'y mourir. La nation alliait le sang de familles ancestrales au sol d'un territoire, théâtre commun de l'aventure humaine de chacun.
Aujourd'hui, le lien sentimental s'est distendu, la relation affective à la nation s'est effilochée. La vie des hommes a changé d'échelle géographique. La nation a rapetissé au point de s'effacer derrière les enjeux de mondialisation. A l'évidence, le réchauffement de la Terre, la guerre de l'eau, les dérèglements économiques, la violence terroriste ou la marchandisation généralisée sont désormais des questions globales qui réclament une expertise mondiale. Dès lors, la nation ne figure plus le cadre hospitalier, le découpage administratif approprié face aux nouvelles grandes peurs du XXIème siècle. Dans la mesure où la nation est disqualifiée en tant que refuge des hommes d'un même voisinage, le débat sur l'identité perd tout à coup de sa pertinence.
On s'interroge à l'infini: "Qu'est-ce qu'être Français ?". Au-delà du respect des mêmes lois de la République, au-delà des regards échangés sur des paysages communs, au-delà d'un attachement ému à des lumières, des monuments ou des styles de vie, c'est sans doute le bonheur de parler, de partager une langue de grande beauté. Cet outil somptueux, bien réel, touche à l'esprit d'un peuple. A lui seul, il répudie toutes les chimères nationales. Car l'identité demeure un abîme. "Je suis celui qui est". Je ne me résume pas aux signes distinctifs répertoriés sur un passeport. La somme de tous les sous-ensembles auxquels j'appartiens échouera toujours à saisir mon identité. Or l'honneur de la condition humaine est d'ignorer sa propre identité. Certes, tout homme peut se prévaloir d'un code génétique unique. Mais il ne sait pas le déchiffrer, en percer le mystère autrement que par la biologie?. C'est cette étrangeté de soi qui fait de l'homme un étranger pour lui-même.

mardi 22 décembre 2009

Trogne

A "Salut les Terriens", il est des extra-terrestres qui pervertissent les codes de bienséance de l'émission. Sur Canal+, la trogne inflexible de Michel Onfray rompait avec l'euphorie de convention, tranchait avec la rigolade obligatoire. Le philosophe hédoniste parlait simple et juste, dans une langue acérée.
J'ai aimé ses sourires de politesse, à peine esquissés, du bout des lèvres, jamais complices comme l'exercice pourtant l'exige. Il a gardé sa ligne de rigueur malgré les questions de cour de récréation d'Ardisson, en dépit des connivences revendiquées d'Edwy Plenel. Michel Onfray a joué le jeu du divertissement sans pour autant s'abandonner à l'impudeur de la gaudriole.

vendredi 18 décembre 2009

Ne pas voir

On s'habitue à ne pas voir. A rater l'immédiat. A déserter sa guérite et nier le devant soi. On manque la tombée du jour, faute de respect. Absence d'éducation. On s'ingénie à vivre dans la cécité. A distance de l'art du regard. Sotte idée des yeux bandés.

mercredi 16 décembre 2009

Vieux os nosocomiaux

Hallyday alité. Nosocomiale randonnée à Los Angeles. La jet set est à demeure dans les aéroports. Elle se précipite au chevet de la bête de scène. Johnny roule en petite voiture. Transparence zéro. Omerta des carabins. Coma du rocker. Au Danemark, la planète palabre, décide de son sort. Aux dernières nouvelles, Johnny est sauvé. Il l'a échappé belle. Nul ne sait si la planète fera de vieux os nosocomiaux.

mardi 15 décembre 2009

Eternité

Quand je pense à mon père - que je n'appelle pas comme ça -, j'ai le sentiment de l'éternité. J'ai la sensation d'une solitude trop vaste, l'impression de rester dans mon coin avec un secret trop grand. On ne guérit pas des premiers regards qui se gravent dans la chair. On se soigne avec des images, entre prière et tourbillon.

lundi 14 décembre 2009

A votre émotion

Au bas d'une lettre, la formule de politesse étonne rarement par sa hardiesse. L'invention dans les moindres recoins du quotidien n'est jamais qu'une courtoisie d'artiste. Au chroniqueur de théâtre Guy Dumur, Nicolas de Staël achevait sa brève correspondance d'avril 1952 de trois petits mots géniaux: "A votre émotion". C'est la même écriture penchée, aimantée par le vide, qui zébrait les dernières lettres du 16 mars 1955.

jeudi 10 décembre 2009

La clé du premier mot

Il est des mots perdus, échappés d'un sac troué. Leur usage est périmé. Ils ne sont plus prononçables. Il est temps de se déshabituer de les dire à haute voix. J'ai égaré, un mauvais jour de février, la clé du premier mot, le secret des deux syllabes. Il signifiait la bonté, le secours d'une présence immédiate, l'amour de tous les jours. En cachette, j'écris papa dans mon for intérieur. C'est un cri stoppé, un monde écroulé, un bonheur poignardé. C'est un mot coincé dans une page à petits carreaux. C'est un mot trop rouge qui laisse du sang sur le bandage.

Marquage des corps

Les paquets de décembre, tenus d'une main par les passants des rues, sont tatoués des mêmes noms de boutiques que les chemisettes colorées des vacanciers de juillet. Les patrons nous marquent à la culotte. On offre des griffes, on achète des piercing textiles. La parure de mode est le deuil éclatant du corps libre de droits. C'est pourquoi le marquage des corps, à même la peau, est une forme de résistance, une manière de s'affranchir de l'impression publicitaire des vêtements.

mardi 8 décembre 2009

Mauresmo

Sur les rectangles pomme, ocre ou grenat, Amélie Mauresmo a crânement bataillé. La sculpturale joueuse de balle rend son tablier, remise sa jupette de championne. Toujours d'attaque, la blonde athlète s'est ruée au filet dans la flamboyance d'un revers de lumière. On n'aime rien en général. Ni les femmes, ni les livres. On s'extasie devant les seuls tennis de Nastase ou de Mauresmo. On s'émerveille au spectacle du tennis d'auteurs. Comme on se noie au cinéma dans la contemplation d'Olga (Georges-Picot) ou de Lucia (Bose). Le tennis d'Amélie a réjoui la vie des hommes sans beauté ni folie. Cette nation à longue histoire, qui erre à la recherche d'une identité, a besoin de pareil panache.

lundi 7 décembre 2009

Exit la filière L

La filière L du baccalauréat n'est plus guère fréquentée, faute de débouchés sur le marché des métiers. Or le rapport Descoings préconise de doter l'histoire d'un statut optionnel en classe terminale S. Autrement dit, il s'agit de déshabiller les scientifiques pour habiller les littéraires. La mesure vise à convaincre les candidats jouissant de réelles dispositions littéraires de concourir dans une série en voie d'extinction. Car seulement 10% des aspirants bacheliers choisissent - mais est-ce vraiment un choix ? - de s'inscrire dans la filière L.
Dès lors, cette opération de charme est cousue de fil blanc. La désaffection des études littéraires soulève la question du maintien de la filière. Les carrières de l'enseignement ne suffisent pas à la justifier. C'est pourquoi on peut légitimement se demander si une meilleure solution ne serait pas de supprimer la filière L, tout en conservant une formation littéraire d'excellence dans les sections scientifiques.

jeudi 3 décembre 2009

Main, demain et après-demain

Au football, saisir la balle de la main est un acte adultérin. C'est toucher la femme de son voisin. Le verdict n'est pas compliqué. Il n'y a pas à tortiller. La loi de la Fifa ne transige pas. Il faut trancher la main d'Henry. Lui couper l'envie de recommencer, demain ou après-demain.

Un homme de goût

On se presse les uns contre les autres. Les gens se dévisagent. Les pelures se frôlent comme des carapaces de crabes. Pierre Staudenmeyer, marchand de beauté intérieure, est honoré à sa place, dans le faste d'une demeure du Marais. Il vit par des bouts de textes sur des pans de mur. Les objets de pareille aventure se recueillent dans un silence dessiné, un retrait coloré. Un homme de goût s'est absenté pour de bon, sans faute.
Je serre la main de son ami vieilli. Il immobilise mes doigts dans les siens, ne lâche pas. Les mots sont mal dits. Les lèvres remuent vite, au moindre signal. Le contact de peau émeut davantage, emprisonne l'émotion, broie l'effusion. Il touche à l'illusion d'un temps qui s'arrête. Les vivants s'habituent à passer un mauvais quart d'heure.

mercredi 2 décembre 2009

Gants blancs

J'ignore s'il convient de se fier aux apparences. Reste que les postures d'Obama ne me plaisent pas. Obamarre. Le président américain pontifie à l'excès, surjoue la dignité. Il donne l'impression d'un orateur en gants blancs. Il exploite sa sveltesse physique pour mieux imposer sa droiture morale. Je n'aime pas Barack Obama comme je ne raffolais pas naguère de Julien Clerc, ce gentil rebelle aux mièvres chansonnettes. Ils se ressemblent dans un certain conformisme de "la belle âme", une sorte d'académisme des bons sentiments. Leurs prestations de gendre idéal, leurs profils exemplaires de "gars bien", sans autre originalité qu'une consensuelle séduction, m'ont toujours paru suspects. A cet égard, même Albert Camus, un autre prix Nobel qui défraie la chronique ces jours-ci, à qui l'on a tant reproché ses attitudes de parfait petit boursier et ses bonnes manières d'écrivain modèle, semble plus libre d'exprimer une vérité, une fêlure, une fantaisie.

mardi 24 novembre 2009

Panthéon

De par sa fonction, Nicolas Sarkozy représente la Nation. Il incarne une volonté générale. A ce titre, il lui appartient de se hisser au-dessus des intérêts particuliers. En théorie. C'est pourquoi il me semble malvenu d'exiger qu'il partage nécessairement les idées d'un écrivain, Albert Camus, dont il a exprimé l'intention de transférer la dépouille au Panthéon.
A suivre l'argumentaire de M. Onfray (Le Monde daté du 25 novembre), on peut s'interroger sur les limites requises de la légitimité présidentielle pour exercer pareil choix. Pourquoi s'arrêter en chemin à la seule parenté idéologique ? En bonne logique, le chef de l'Etat, en plus des idées de l'homme, du citoyen, de l'artiste Albert Camus, devrait aussi jouir du même statut d'écrivain reconnu, voire faire valoir le prestige d'un prix Nobel, pour justifier son initiative et décider d'égal à égal.

Cher Guy Dupré

Le facteur a fléché le petit cube de métal où gisent mes correspondances. Ce matin, une enveloppe rectangulaire, couleur des sables, m'était destinée. J'ai glissé, sans me couper, ma main pour la saisir. Je l'ai accueillie avec cérémonie car elle me désignait pour la décacheter.
Je connais ce livre, me souviens du titre, gravé dans ma tête depuis si longtemps, me garde de l'approcher de trop près. "Lui aussi écrivait pour l'émotion". J'identifie son signataire, Guy Dupré, au dernier diamantaire de la place, à l'ami des mystères de la terre.
La littérature n'a pas d'autre but que de fracturer les domiciles. Aujourd'hui, elle repose entre mes doigts comme une perdrix solitaire dont la plume brûle encore. Votre livre donne la fièvre. C'est un récit de cruelle splendeur qui exige la pleine santé du texte. Il embringue dans la ronde empourprée des vertiges.
Ces années passées, les mots m'abandonnaient. Au point que mon père lui-même s'est absenté."Les Fiancées", que j'ai vues grandes, et rouges sur les joues, se plantent dans ma chair à l'heure où je cherche un visage sur une photographie décatie. Mon temps, ces jours-ci, est haché en menues besognes. Quand j'étais petit, je lisais "Un Beau Ténébreux". Tout haut. Maintenant, l'habitude m'est venue de parler tout bas. Or voici, dans le silence, une langue qui sonne. La récréation est finie. Votre sublime petit livre m'a empoigné la gorge. J'ai l'âge, tout juste, des "Fiancées".

lundi 23 novembre 2009

Les loups vidéastes

La clameur unanimiste se précise. Il faut impérativement des caméras de vidéosurveillance dans les stades. Histoire de démasquer les mains chapardeuses. Histoire d'épingler les tricheurs du ballon. Or je me refuse de hurler avec les loups vidéastes.
Au rugby, la vidéosurveillance supplée depuis longtemps aux déficiences du corps arbitral. Avec des résultats très médiocres. Il suffit de se référer au dernier France/Samoa. L'arbitre a accordé un essai tricolore sans même discerner le ballon dans un impressionnant paquet de joueurs enchevêtrés. A l'aveuglette. De même, en fin de match, il a validé un essai samoan, totalement imaginaire, aplati bien avant l'en-but. Autrement dit, vidéo ou pas vidéo, l'arbitre n'en a fait qu'à sa tête. Bon prince, il a gratifié l'équipe perdante d'une sorte de lot de consolation psychologique en contravention manifeste des règles élémentaires du rugby.

jeudi 19 novembre 2009

La main visible

C'est la main visible, bien en vue de Thierry Henry, qui a conclu l'affaire, emporté le marché. Les Bleus iront en Afrique du Sud. Pas les Verts. Il a suffi de ce seul chapardage de fin de match pour infléchir le sort. Cette chiquenaude du destin, exhibé en gros plan, diffère de "la main invisible" d'Adam Smith qui décide de l'équilibre d'une offre et d'une demande. Nul besoin de la cacher. La main du capitaine tricolore saute aux yeux, agrippe le regard, colle à la rétine comme au cuir du ballon.
A leurs heures, entre idéologie et tricherie, le capitalisme et le football, jeux de vilains, recourent aux mains. L'une visible, l'autre pas. Reste que les joueurs du Onze national, manchots comme il se doit, devront disposer de leurs deux jambes et se conduire convenablement, balle au pied, s'ils veulent s'illustrer parmi l'élite mondiale.

mercredi 18 novembre 2009

Sourire chiffonné

Aujourd'hui mercredi. Jour de la brune étudiante. La jeune glacière fripe son visage d'un petit sourire chiffonné. Elle jardine les crèmes dans leurs bacs de couleur. La courbure des dos signale les premières rigueurs d'automne. Les peaux jaunissent à la lueur des néons. Je glisse un minuscule rectangle de chocolat dans un café juste chaud. J'observe la taille des clientes qui s'arrondit, saison après saison. On s'emmitoufle sous les épaisseurs comme on s'empiffre de douceurs.

Vincent pour cent

Marie-Ségolène est incorrigible. Marie-Ségolène, comme les rois et les voleurs, se sent chez elle partout. Nul besoin de la convier à sa table: le couvert de Marie-Ségolène y est disposé d'office. Où qu'elle aille, Marie-Ségolène n'est jamais indésirable. Il y a toujours un coin de nappe pour "le désir d'avenir", une place pour la pauvresse du PS. Sauf aux yeux trop bleus du beau Vincent qui peine à asseoir sa notoriété de prince charmant. Il fait ce qu'il peut pour galvaniser sa popularité de gendre idéal. Les sondages bougent à peine: Vincent pour cent.

lundi 16 novembre 2009

Hugoleador

Il est un grand escogriffe à la mine de moineau dépité. Devant sa cage, l'athlète multiplie les acrobaties. L'homme jette son corps en travers de toute balle hostile. Il ressemble comme deux gouttes d'eau à l'humoriste Pierre Palmade. Sur sa ligne, il boxe le cuir d'une main sûre de pugiliste. Les filets de Lloris restent inviolés. L'élégant portier des Bleus en a fait voir de toutes les couleurs aux petits hommes verts. Sans péril en sa large demeure, le gardien des ultimes finalités erre comme une âme en peine. Hugoleador tourne en rond dans sa surface. Le gardien à gueule d'ange rêve de haute voltige.

mercredi 11 novembre 2009

Frère et soeur

La rumeur des rues s'est apaisée. Un long silence enveloppe la cité. Les poilus de la "der des der", tout le monde s'en fiche comme de l'an quarante. Les gens du 11 novembre sommeillent chez eux, paressent en attendant le stress du 12. Les guerriers de 14/18 ont le chic de transformer Paris en ville morte. On s'agite un peu du côté de l'arc de triomphe. La télé retransmet la commémoration comme un match de première division. La voix des speakers maintient l'attention. Merkel et Sarkozy s'envoient des fleurs en déposant des gerbes sur la tombe du soldat inconnu. Même taille, même gaucherie. On les dirait frère et soeur.

mardi 10 novembre 2009

Marre du Mur

Ils ont fait le Mur comme un rite iniatique. Ils ont fait le Mur comme une guerre générationnelle. Ils ont fait le Mur comme Mai 68. Ils ont fait le Mur comme les touristes mitraillent la Tour Eiffel. Ils ont fait le Mur comme de médiocres politiciens. Sans vergogne. Ajoutant le mensonge au mensonge, ajoutant leurs tromperies aux forfaits du communisme. Ils ont fait le Mur, le jour approprié, à l'heure politiquement correcte.
Cette course à la première place sur la photo de l'Histoire relève d'une psychologie de cour de récréation. On savait que le pouvoir rendait à moitié fou. Il n'exonère pas de la sottise. Marre du Mur.

lundi 9 novembre 2009

A demeure au Sénat

Les livres sont rangés dans un lieu bien peigné, dans une bibliothèque un peu toc à force d'être d'époque. Nous sommes entre gens du monde. Du grand monde. Alain Minc semble vanter une marque de champagne. Il se réclame de son oeil allumé. La prunelle qui pétille est sa signature de télévision, comme la chemise échancrée du philosophe à trois lettres. Bref, il donne sa définition du brio en montrant sa figure. Les mots suivront comme une caravane qui passe avec son tombereau d'opinions. L'étourdi plagiaire d'un bouquin sur Spinoza glousse de contentement comme une jeune s'extasie devant la glace. Tous les coups bas sont permis. L'effronté reproche à Aron son manque d'éclat. Pas loin du délit de faciès. Elkabach est de mèche, une paume rêveuse entre joue et menton. Il évoque ses prestigieux voisinages de plage à Tanger. Le duo des parleurs se plaît, s'aime beaucoup, passionnément, à la folie, au milieu des notoires notables. Ils effeuillent, caprice après caprice, la marguerite des bonnes fortunes. Ne manque que la Rolex de Séguéla. Les consultants des puissants se sentent à demeure au Sénat.

vendredi 6 novembre 2009

Un continent retrouvé ?

Du temps où la vieille Europe était coupée en deux - comme les guillotinés d'avant 1981 -, on rêvait à un continent retrouvé, à un vaste territoire, riche de ses bariolages nationaux - "sa richesse difficile" disait excellemment Karol Wojtyla -, uni par de communes valeurs humanistes. Or, à cette époque d'effroyable mutilation géopolitique, nul ne se serait interrogé sur l'identité d'une Europe rassemblée. Je me souviens du merveilleux songe de Maurice Clavel, baptisant Prague, capitale de l'Europe. Au nom de la beauté, on raisonnait de travers, on voulait croire aux contes de fée. Mais la brutale réalité s'est refusée aux angéliques lendemains chantants.
L'Europe d'aujourd'hui ne sait, ni ce qu'elle est, ni où elle est. C'est un continent perdu.

mercredi 4 novembre 2009

La relève

Deleuze s'est défenestré. Barthes s'est laissé mourir. Jankelevitch a cédé à la folie. Althusser a étranglé sa compagne. Foucault a péri du sida. Derrida a succombé au cancer. Levi-Strauss est mort dans son lit. Nous restent à l'écart du cimetière, Serres, Girard, derrière eux Descola. Qui reprendra le flambeau des concepts, le témoin des idées, dans un monde de sommaire brutalité ?

Lévi-Strauss

Il était frêle, chétif, tout en os et intellect, parlait d'une voix tremblée, monocorde. Ce vieil homme au pupitre, derrière son tableau noir du Collège de France, dispensait à la craie un savoir méticuleux, presque désabusé. Dans son dos, un solide gaillard l'assistait avec empressement. Jean-Marie Benoist, philosophe de tradition libérale, céda à la tentation politique avant de mourir à quarante ans et des poussières. Durant un siècle d'horreur, Claude Lévi-Strauss a sauvé l'honneur de la vieille Europe. A l'avenir, le débat sur l'identité gagnerait à se nourrir de ses travaux. Des obsèques nationales n'auraient pas nui au discret orgueil du grand homme.

mardi 3 novembre 2009

Avant-centre

"Chaque pas doit être un but". Chirac s'est rêvé avant-centre. Il a ambitionné le destin d'un Gignac. A chaque enjambée, il y a un but dans les filets.

Mur

De Gaulle est un nom issu d'une forme germanique: "De Walle" qui signifie le mur d'enceinte, le rempart. Un jour d'automne, De Gaulle s'est effondré sur sa table de bridge où il alignait des cartes à jouer. Malraux écrira un petit livre sublime à la mémoire du glorieux défunt: "Les chênes qu'on abat". De Gaulle est mort un 9 novembre, il y a presque quarante ans. Cet homme à grand destin a cédé le même jour que le Mur de Berlin, un peu moins de vingt ans auparavant. Troublante histoire des hommes.

Talisman

C'est un vieux livre taché, décoloré, que je tiens dans ma main de père. A quinze ans, je l'ai offert au mien, plus jeune, aimé, admiré, sans savoir qu'il deviendrait un talisman, le signe visible d'un destin. "Gustave Flaubert écrivain, Maurice Nadeau, Dossiers des Lettres Nouvelles".
Il m'a laissé sa poussière sur les doigts. Papa a collé une coupure de journal dans l'entre-deux du récit. Le bout de papier est soigneusement disposé. "Tout ce qu'on invente est vrai". Il n'a pas lu ce pieux volume. Je l'ai chipé. Il est mort depuis déjà tant de jours.

Chirac revient toujours

L'immobilité du terminus l'a réveillé. Chirac est descendu du train de l'Histoire de France pour le chemin des tribunaux. Avant de quitter l'Elysée, il avait confié à Michel Drucker, l'intime des grands hommes, qu'il y aurait "un après, et puis la mort". Nous sommes aujourd'hui en plein dans "l'après". Chirac publie "Chaque pas doit être un but". Le premier tome de ses mémoires révèle un titre aisément taxable d'antisarkozysme primaire. En effet, l'actuel président multiplie les petites enjambées en tous sens sans jamais beaucoup s'appesantir sur leur finalité. Les couches de secrets sont épaisses. Le Chirac reposé des palaces marocains fait oublier l'ancien baroudeur de la République. Car il n'a pas toujours chaussé ses babouches d'amical grand père de la nation. Il est couturé de partout. Il trimbale une longue histoire derrière lui. Un jour, dans une autre France, il y a très longtemps, il s'est extrait du noir anonymat pour s'imposer à Pompidou. Chirac en 1995 est revenu des derniers cercles de l'enfer. Il faut le savoir: Chirac revient toujours, généralement du diable vauvert, à l'énergie, avec ses dents, avec une belle générosité carnassière.

lundi 2 novembre 2009

Travail fictif

La pratique des emplois fictifs est considérée comme un délit. Or cette expression "d'emplois fictifs" pèche par son imprécision. Il vaudrait mieux parler de "travail fictif". Car, s'il y a abus, c'est de ne pas travailler, ou insuffisamment, en contrepartie d'une rémunération contractuelle. Dès lors, on élargit le champ de l'infraction à nombre d'administrations et d'entreprises qui ferment les yeux sur une certaine productivité zéro.
Le stress, si largement évoqué dernièrement, ne résume pas à lui seul les conditions de travail. Il est des îlots de paresse protégée, à l'abri des comptes à rendre. En effet, beaucoup de salariés sont préservés des contraintes de travail dans des "placards dorés". Ils jouissent d'enviables sinécures. Ils bénéficient d'un privilège exorbitant: ils sont payés à ne rien faire. Certains ne cachent pas leur tristesse à s'installer dans l'oisiveté. François Fillon traîne sur sa figure une certaine mélancolie de l'inutilité. Jacques Chirac, qui est aujourd'hui inquiété par la justice de son pays, fut traité en son temps de président "résident" ou de "roi fainéant" par les meilleurs observateurs politiques.
Au nom de la République, il conviendrait que "le travail fictif" soit désormais puni comme un vrai délit, et non plus toléré comme une faveur princière.

jeudi 29 octobre 2009

Flaubert

Il est des livres qu'on tient serrés, à portée de soi, qu'on agrippe avec la gravité des doigts. Le "Flaubert" de Pierre-Marc de Biasi se lit sans hâte, à cadence d'écrivain, avec ratures dans les yeux. C'est un fruit qui se goûte, ligne après ligne, en communion suave avec Gustave. On relit comme on récrit, pour mieux aimer. Ce bloc de papier à couverture pâle enchante la première vieillesse du jour. Flaubert émeut, du haut de sa grande gueule. Il est l'ami qui lève le coude à la santé des contes de fée, à la santé du travail fait.

mardi 27 octobre 2009

La langue de ma mère

Yves Calvi étrenne de nouvelles lunettes. "Mots croisés" réunit des personnalités politiques au parler vif sous l'oeil doctoral d'un philosophe qui ralentit son débit pour mieux articuler de solides truismes. Sus à la burqa qui interdit le face à face lévinassien, à visage découvert, droit dans les yeux de la République. Le ministre Besson veut que le peuple de France s'interroge sur l'identité nationale. Renan revient. Qu'est ce que le vouloir vivre ensemble ? Moscovici, comme tant d'autres avant lui, exhibe des papiers de bon immigré, sans terroir ni origine d'appellation contrôlée. Christine Boutin grogne. Le sondeur de service ne dit pas ce qu'on attend de lui. Il est catégorique: l'extrême droite ne progresse pas dans l'opinion. C'est quoi un Français ? Tour de table improbable. Le débat est lancé dans le pays. A grands coups de cymbales.
Voici ma version: je tiens mon existence de ma mère à qui je dois ma langue. Depuis, j'habite cette manière de parler et d'écrire. J'y suis chez moi. Je ne séjourne dans aucune autre contrée que la littérature française. Ailleurs, c'est l'étranger. "Que baragouins tout autour !" s'enfiévrait Céline. Pour le reste, les paysages d'ici et les gueules du coin sont de partout. Rien de bien français dans la Bretagne ou la Provence. On dirait l'Angleterre, on dirait l'Italie. Dernière chose: les politiciens de plateau s'arcboutent sur "la fierté d'être français". Absurde. On est fier ou pas, de sa conduite dans la vie. Pas d'être né du ventre de sa mère. Il est de salubrité publique de remettre "la fierté" à sa place.

vendredi 23 octobre 2009

Le président Jean

Les vieux tromblons de la politique lui susurrent à l'oreille qu'il a le temps d'être président. Le fils s'est donc sacrifié pour sauver la face du père. Désormais, au moindre hoquet de Jean, on réquisitionne Pujadas ou Ferrari, le JT d'une grande chaîne de télévision. Il est vrai que la famille Sarko se sent à l'aise sur les plateaux, peut-être un peu chez elle. Compte tenu de sa capacité à bien articuler de belles formules publicitaires, Jean ne restera pas longtemps sans fauteuil de président. Il y a bien un poste de président d'université qui devrait se libérer prochainement. Au nom de l'autonomie, Jean pourrait briguer pareil poste, tout à fait dans ses cordes. Le benjamin des Hauts de Seine jouit du talent et des parchemins nécessaires pour rafler le titre de "doyen de fac".

jeudi 22 octobre 2009

Le départ du papillon

Entre Concorde et Grand Palais, les galeries se dévoilent derrière de grands draps blêmes. La stridence des couleurs dissuade le regard. Le dessin grossier ou la référence photographique évacue un trop-plein d'expressivité. L'oeil glisse sur la toile cirée sans jamais pénétrer dans les entrailles d'une oeuvre. L'excès de visibilité tue la faculté de voir. Les yeux circulent sur la toile puisque il n'y a rien à voir. Pas moyen de trouer la surface.
Entre tignasses et obstruction des corps, l'inutile coudoie l'art fragile, côtoie l'art brutal. Lanskoy, frère de sang du grand Staël, a égaré deux toiles: un carré de couleurs sauvages, rouge de fièvre, peinture de peau scarifiée, annonciateur de Basquiat, un tableau pacifié de teintes entrelacées, bigarrures printanières à coloris Missoni, tourbillon préalable au "départ du papillon".
On retourne à la galerie Capazza. On ne dit mot au spectacle muet des sculptures de Jeanclos. C'est un art qui use de l'hypnose, qui révèle une sereine plénitude. Ces figures de terre natale ensorcellent comme un parfum d'essence orientale.

mardi 20 octobre 2009

Un mauvais rêve d'abeille

On ne sait pas très bien où on va. Certes, on met le cap sur les Régionales. Avant de foncer sur les Primaires et les Présidentielles. Autant d'escales indiscutables. Mais pour aller où ? On ignore vers quelle destination Nicolas Sarkozy nous achemine. De semaine en semaine, la répétition des discours pointillistes et des réformes ponctuelles brouille toute vision d'ensemble, installe une assez lassante monotonie politique. Le président ne réside nulle part, ne tient pas en place, s'active, s'échine, maigrit, durcit son regard. Il n'a toujours pas terminé son régime d'exercices, sa cure de "ruptures".
S'il ne manque pas de ressort, ce président est dénué de hauteur. Avec lui, on ne voit pas loin. Comme tout le monde, il a été percuté de plein fouet par la crise des subprimes. Au-delà du slogan implicite "Oui, je bosse", décliné à l'envi pour exhorter au travail les plus récalcitrants, le contenu du message présidentiel demeure mince. Le projet de faire de la France une ruche de labeur ne convainc pas d'instinct. Aucune volonté générale n'adhère à ce mauvais rêve d'abeille.
Nicolas Sarkozy appartient à la race des fins politiciens, dans la lignée de François Mitterrand. Son grand écart idéologique, de Martin Hirsch à Philippe de Villiers, son compagnonnage objectif avec Olivier Besancenot, rappellent les patientes manoeuvres du héros de Solutré. Il adore les gadgets, les ors et l'esbroufe, avec le même absolu mauvais goût que l'Auvergnat Giscard. Reste qu'il peine à se projeter au-delà de son ombre, au delà du "quarter" des comptes de résultat, réduisant son ambition politique à la gestion du très court terme. De Gaulle anticipait l'Histoire en reconnaissant la Chine, Pompidou réveillait l'ardeur industrielle du pays, Chirac regardait vers l'Est et le Sud, vers l'Asie et l'Afrique. Sarkozy semble pour l'instant se borner à de la gestuelle anecdotique. Il se fourvoie dans l'inessentiel, rétrécit l'horizon au localisme des Hauts de Seine.
Il est vrai qu'il n'est pas aidé. Aucune résistance nulle part. François Fillon fait tapisserie. L'opposition ne s'oppose qu'à elle-même. De temps en temps, le sémillant Copé risque une vacherie pour détendre l'atmosphère. Le vaniteux Bayrou se mire complaisamment dans la glace. Le théâtral Villepin passe des auditions au cours Simon.
Bref, le plafond politique est bas. Aucune lumière particulière n'est à attendre d'une Europe qui sourit dans le vide, d'un Barroso qui n'éblouit personne. On ne sait pas du tout où on va. A une certaine idée de la France, perdue après de Gaulle, s'ajoute une certaine idée de la fonction présidentielle, soldée sous Sarkozy.

La mort

La mort qui frappe en silence, de manière tacite, avec une précision muette, anéantit le miracle d'un visage, l'embrasement d'un sourire, la grâce d'un regard. Sur la pointe des pieds, elle cambriole les corps. Je ne dispose que d'un pâle outil de mélancolie pour retarder l'oubli. La mémoire recompose comme elle peut, ravive le feu d'une vie sous la forme atténuée du souvenir. Une image intérieure s'est fixée en arrière de la conscience, obligeant au recueillement, jusqu'à mon dernier souffle de vivant.

lundi 19 octobre 2009

Dimanche Douillet

Pas de viol, pas de guerre. Pas de commentaires de sociologue, ni d'exégèse de Kouchner. Pas de pendaison en prison, ni de suicide au travail. Journée sans stress. Journée sans pertes. Juste une petite grève ici ou là à se mettre sous la dent. Journée calme. Dimanche Douillet.

vendredi 16 octobre 2009

Villers l'hiver

On allait à Villers sur Mer, ces dimanches pluvieux d'hiver. On allait chercher nos oiseaux empaillés: bécasse, grive ou colvert. La route était grise, sauf le sourire de papa.
Je regarde la photo. Je vois papa sur le papier comme s'il était pareillement naturalisé. Je me résous mal à cette pensée d'Indien réducteur de têtes. A cette subordination forcée, au ricanement glacé de la reproduction morte.

jeudi 15 octobre 2009

Dans le blanc de la page

Quand je cherche un mot, une cadence, une sonorité de voyelles, je regarde dans le blanc de la page, je fixe le bleu de l'écran. Mes yeux vagabondent dans le vide. Je les retourne en moi-même comme une arme contre soi, en pleine tête. Les bouts de phrase sont des fragments de vertige. La danse des petits dessins hésite. Avant de s'agiter comme un beau diable.

Pas bon wagon

On quitte l'été comme un paradis. On chute dans la rigueur. On sait l'horizon borné par un front sans lumière. On cache son corps engoncé du regard de la misère. La nuit d'hiver pince la chair. On a été raflé, poussé dans un pas bon wagon. Les rêves sont trop loin. Pas moyen de sauter du train saisonnier.

mercredi 14 octobre 2009

Jean sans Peur

Il appartient à la génération iPod. Il brigue la présidence de l'EPAD. Il est le fils du premier magistrat de France. Il ne doute de rien, n'a pas froid aux yeux. Le jeune Sarko travaille plus - 12 heures par jour - pour gagner plus, rapporter gros. Mais ailleurs qu'à l'université où les années ne passent pas vite. Les caciques de la politique voient d'un mauvais oeil ce fier pistonné, tendance UMPère. Haro sur le blondinet ! Notre Jean sans Peur de Neuilly, duc des Hauts de Seine, a vocation à se faire assassiner. Dans notre doux royaume, les querelles d'héritage sont vieilles comme la Guerre de Cent Ans.

mardi 13 octobre 2009

Suicide au travail

On meurt de tout. De stress comme dans un centre d'appel, de chagrin comme Roland Barthes, de substances "médicamentueuses" comme les actuels dieux du stade. Frank Vandenbroucke n'a pas survécu au dopage ordinaire du sport de haut niveau. Le champion belge ne s'est pas réveillé du mauvais rêve de la gloire. Ce métier de chien exige des remèdes de cheval. La bagarre pour les places nécessite de doubler les cadences. A vélo, les hommes se suicident à petits feux. Forçat de la route est un travail trop dur. Les cimetières cyclistes ne se situent pas seulement dans les ravins des Alpes. La compétition extrême s'achève aussi dans la solitude d'une chambre d'hôtel sénégalaise. Les coureurs se pendent rarement, se jettent encore moins des ponts. Ils se tuent parfois au fusil de chasse comme Luis Ocana. Ils peuvent dériver sur l'asphalte dès les premiers lacets du Ventoux et périr dans un fossé comme Tom Simpson. Ils peuvent mourir dans un lit à Rimini, d'une mort qui n'est pas belle, comme Marco Pantani. Frank Vandenbroucke est tombé de vélo. Au prochain Tour de France, il y aura foule dans les cols pour applaudir les coureurs. Avec le temps, on observe que pareil enthousiasme est une sorte d'hallali, un lynchage collectif à retardement.

lundi 12 octobre 2009

Les mots du père

Fixer sur le papier les mots d'une vie d'homme, c'est sauver un idiome, préserver une langue de la mort de son locuteur. Devoir de mémoire des mots du père. Ecrire sous la dictée du regard d'une photo, d'un souvenir, d'un visage dans la tête. Retrouver la voix. Reconstituer le chant des phonèmes. Ré-entendre la parole, le commandement de l'homme d'un même sang.

vendredi 9 octobre 2009

Les remblais de sable

Chaque génération fait son temps. Les classes d'âge se succèdent dans la monotonie et le fracas de l'histoire. Une génération s'identifie par ses souvenirs de jeunesse. Elle se désigne par sa mémoire partagée. A l'heure fatale d'être doublée par la vague renaissante, elle s'agrippe à des remblais de sable. La génération 68 s'est habituée au confort intellectuel et à "l'extase matérielle" des années de prospérité. Elle ne lâche pas facilement le pouvoir convoité à l'âge d'homme, défendu mordicus en fin de course. Elle est encordée à la société de consommation. Elle convertit sa vieillesse en privilège. La génération qui suit n'a pas d'histoire. C'est notre Amérique, ardente et fervente.
La bleusaille est riche de sa virginité mémorielle et du jaillissement spirituel de ses neurones. Elle est intouchée par les préjugés du passé. Elle voit l'avenir comme une page blanche à noircir, un récit d'aventure à écrire. La jeune classe qui sonne aux portes ne demande qu'à exercer des talents qu'elle ignore. Bien sûr, elle se cogne la tête, elle se heurte au mur d'une culture obsolète. Nos galopins d'enfants vont leur chemin, forcent les verrous du vieux monde avaricieux. Bientôt, les vieux tromblons grisonnants seront rangés des voitures. On interrompra à temps les métiers bégayés des plus chevronnés.
Autrement dit, la guerre des générations n'a même pas lieu d'être. Les seniors, pâles seigneurs d'un domaine qui ne leur est plus réservé, sont à un moment donné complètement dépassés par les événements. Ils sont distancés dès les premiers lacets, quand la pente d'une nouvelle intelligence des choses se raidit inexorablement. La génération qui vient fait table rase de l'ancien sans même y songer. Jean-Christophe Averty, le malicieux réalisateur des mémorables "Raisins verts", aimait à observer: "Les enfants, ça pousse. Les enfants, ça pousse par derrière". En effet, l'actuelle génération arc-boutée au passé, bardée de vérités surannées et de théories chevrotantes, est destinée à tomber à l'eau. Depuis que le monde est monde, il appartient à la bleusaille d'en construire un meilleur, délivré du malheur.

jeudi 8 octobre 2009

Les deux Mitterrand

J'ignore si "La mauvaise vie" relève d'un genre littéraire intimiste, du registre des confessions ou de l'exercice autobiographique. En revanche, je me souviens qu'un oncle de la famille, qu'on appelait précisément "Tonton", plagiait allègrement Rimbaud en prétendant vouloir "changer la vie". Rien de moins.
Le patronyme Mitterrand oblige à un même questionnement de la vie. C'est un nom qui sent le soufre, qui fleure les secrets de province, qui flirte avec l'interdit, qu'on associe même passagèrement à Vichy. Les deux Mitterrand des médias revendiquent le moment d'égarement, le renoncement assumé aux bons sentiments. Chez l'un et l'autre, on observe un même plaisir très bourgeois à s'encanailler, une même dilection de fils de famille à casser les codes de convenance.
C'est cette volonté d'épater le bourgeois, de sortir de l'académisme de leur classe, qui semble les conduire à pareilles frasques morales. On sait que la rupture plaît en haut lieu. Sarkozy n'est pas insensible à ces gentillettes rébellions de salon.

mercredi 7 octobre 2009

Rouge d'Italie

Je me souviens du rouge d'Italie, des ocres éclatants sur la pierre des palais, du Christ défait, déglingué, dégingandé de Cimabue, du somptueux Pontormo chiesa Santa Felicita. Je me souviens du rose maniériste d'une madone florentine, de l'incendie du ciel de la chapelle Brancacci, du regard arrêté de Filippino Lippi.
Je me souviens du rouge d'Italie, d'un sublime Chianti classico "Bindi Sergardi", d'une huile Balzini qui enchantait le goût du pain. Je me souviens d'un pieux verre d'Americano. Il était gai comme un trait tiré, rieur comme l'éphémère saveur du bonheur, terrestre comme la figure d'un père.

vendredi 2 octobre 2009

Têtu comme un cumul

Les militants socialistes votent, fraudent, bourrent les urnes. Ils sont contents du résultat. Pas de recomptage des bulletins en vue, ni de commission de récolement pour arbitrer. Les primaires seront ouvertes et les mandats politiques contingentés. Pourtant les barons locaux n'aiment pas les courants d'air et la limitation des privilèges. Les socialistes d'en haut n'apprécient guère la libre opinion de la base. Les féodaux du parti vont ruer dans les brancards. Bref, il n'y a pas de raison qu'on en finisse avec les guéguerres intestines. Les faits sont têtus comme un cumul.

jeudi 1 octobre 2009

Le sang d'une joggeuse

On ne peut pas accepter sans broncher qu'un individu, reconnu comme dangereux, ne soit pas placé hors d'état de nuire à la société. L'acte de récidive traduit la défaillance du système judiciaire. La future victime est jetée en pâture, soumise au caprice démoniaque du criminel, hâtivement libéré. Elle est offerte en sacrifice au dieu de l'irresponsabilité. Cette jeune femme qui courait dans les bois a été condamnée à mourir. Ligotée à un arbre puis étranglée, sans autre forme de jugement. La justice a son sang sur la conscience comme le meurtrier a son ADN sur ses doigts.
C'est pourquoi la société agressée est en droit de pousser un cri de révolte. Car la récidive d'un ancien détenu témoigne non seulement de la faillite des institutions judiciaires, mais révèle aussi l'insécurité publique qu'elles favorisent. A vrai dire, le droit des victimes ne semble pas peser bien lourd. Cet infléchissement de la balance, au détriment des victimes, appelle la raison judiciaire à se ressaisir. Il convient que l'équilibre soit restauré, que l'arbitraire de l'horreur ne soit pas risqué au mépris de la vie des futures proies. Il est légitime que la société se protège. Il est confié à la justice le soin de dire le droit et de châtier les coupables. Or le sang de pareil crime fait déborder le vase de l'injustice.

mercredi 30 septembre 2009

Déchetterie humaine

On réforme les yeux fermés, chantier après chantier, sans autre projet pour la communauté qu'une apparente sécurité, que la fausseté du préjugé. La vie économique totalise la réalité humaine. L'intériorité de la conscience ne s'accorde pas au forcing de la performance. Des hommes se jettent des ponts, se pendent en prison, déambulent sans maison. La concurrence établit sa hiérarchie, classe selon l'argent et l'entregent. On placarde sur les écrans la propagande des vainqueurs. On élimine par la démoralisation. La société de la gabegie fonctionne comme une déchetterie. Il n'est d'autre grand dessein que de restaurer la dignité des plus égratignés.

lundi 28 septembre 2009

J'ai 20 !

De retour de Pennsylvanie, les maîtres du monde sont satisfaits de leur copie. Ils s'attribuent la note maximale. Ils sont fiers du travail accompli: ils se revendiquent du "j'ai 20!". Ces grands fauves politiques partagent une haute idée d'eux-mêmes. On aimerait qu'ils accordent autant de considération à l'état désolant de la planète qu'à la communication de leur immense talent.

jeudi 24 septembre 2009

Les fous de Pittsburgh

Les maîtres des nations se réunissent en Pennsylvanie pour réformer le capitalisme. Voire le moraliser. Le système de production des richesses est invité à filer doux devant les réprimandes des dames patronnesses du "J'ai 20!". A l'échelle micro-économique, l'avidité des hommes est pareillement visée. En effet, les blâmes adressés à la machine touchent aussi les machinistes. Dans un monde en plein délitement social, où l'individualisme est exalté comme jamais, on s'étonne qu'une telle idéologie de boy scout soit érigée en doctrine, à la veillée, entre grands fauves politiques de la planète.
Dans sa célèbre "Fable des Abeilles", Mandeville nous prévient très à l'avance : "Cessez donc vos plaintes: seuls les fous veulent rendre honnête une grande ruche". L'avidité des hommes - aujourd'hui symbolisée par la gesticulation besogneuse des braves traders - ne sera pas biffée d'un trait par décret de chefs d'Etat. Cette volonté de tordre le cou à la nature humaine, de corriger ses défauts apparents, nous remémore les pires cruautés de l'Histoire. Avec leurs maisons de redressement en tous genres, les régimes communistes se sont employés en leur temps à fabriquer "un homme nouveau", purifiée de toute aspiration petite-bourgeoise. Avec le succès que l'on sait.

mardi 22 septembre 2009

Nos morts

Ces hommes s'éreintent sous l'astreinte. Ces hommes se tuent au travail. Ils sont dépassés par l'anxiété. Leur corps répugne à décliner sa fausse identité de machine. Leur esprit refuse de tourner comme une girouette. Car ce qui toujours effraie dans la vitesse, c'est la certitude. Les ordres fusent tombeau ouvert, égratignent au passage la piétaille au travail.
La mort volontaire s'est substituée à l'antique peine capitale. Les détenus se détruisent à mains nues. On ne peut taire un piètre vocabulaire. On recouvre les corps d'un mot à sens absent. "Stress" ne peut rien dire de la détresse. Il parle trop vite de "l'horreur économique". On se moque d'eux avec de mauvais mots. Cette méchante langue évacue le mystère des hommes sur la terre. Car nos morts sont tombés au champ de la peur. Et ce silence d'une mort choisie retentit autrement dans la société. Elle interroge l'étourderie de nos vies, l'inattention d'une civilisation, la cécité d'une certaine satiété. Ces actes définitifs mordillent les chevilles de la conscience collective. La veulerie distractive, "l'extase matérielle", les jalousies ordinaires scandent le temps triste des hommes habitués à la vie. Les cadavres des geôles ne jonchent pas le sol des rues. Au bas des façades, on y voit seulement la pauvreté mendiante accroupie dans la crasse, au voisinage du strass. Ces statues de chair n'empêchent pas l'élan des fonceurs d'asphalte. Une mort lente se dessine sur leurs visages striés d'humanité. Leurs mains se tendent comme de frêles élastiques. Au suicide des pénitenciers répond le long dépérissement des naufragés du trottoir.

lundi 21 septembre 2009

Le coeur net

On ne sait si Ben Laden s'est réincarné en grippe A. On ignore si les hallebardes tombées sur Sainte Maxime sont l'expression du châtiment de Dieu. Pas facile non plus d'y voir clair dans l'épisode du "croc de boucher" qui oppose deux anciens collègues de gouvernement, deux amis du mercredi en conseil des ministres. "Bonus horribilis or not": on hésite, la main tremble à l'idée de tirer un trait sur les flamboyants émoluments des traders. En revanche, on est fixé sur une chose: le parti socialiste n'est plus l'horizon indépassable de Ségolène Royal.

vendredi 18 septembre 2009

Drogue dure

Je suis livreur saisonnier. J'exerce ce travail par intermittences. Aux premiers jours de septembre, je sillonne la région parisienne, circule dans les rues embouteillées de la capitale, faufile mon véhicule dans d'éphémères espaces de mobilité. L'automobiliste est enrôlé malgré lui dans une lancinante guérilla de l'asphalte.
En pareilles circonstances, la radio me guérit de la démence voiturière. Au fil des heures, je m'initie à la douceur d'une parole libre, cheminant au pas réfléchi de la connaissance. Bref, j'écoute France Culture. Cette radio me fait un bien fou. Elle m'apaise. Je m'y instruis au volant. Au coeur de la journée, à l'heure des plus brutales congestions, je recommande "Les pieds sur terre", merveilleuse petite chronique des gens simples. Cela dit, je le confesse volontiers: pour moi, France Culture est une drogue dure.

Variables partisanes

La démocratie nécessite des retouches. A Lille, on bourre les urnes. Les socialistes du cru corrigent le scrutin de variables partisanes. On rabote le vote. On sculpte une statue de premier secrétaire dans un contexte d'irrégularités sectaires. On ne prend pas même le soin de procéder à une nouvelle consultation jusqu'à l'obtention du bon résultat comme en Irlande sur l'Europe. Non, on bafoue la démocratie et les lois républicaines en tronquant l'élection.
Autrement dit, le mensonge gouverne en maître au parti socialiste. On musèle la liberté avec aisance et arrogance. L'image de notre pays est ternie par la révélation de pareilles poches de sous-développement démocratique. Sans doute ailleurs, à droite, à gauche ou au centre, la situation morale n'est-elle pas meilleure. Reste qu'en 2009, la démocratie est une idée neuve au pays des droits de l'homme. Le mot galvaudé de démocratie occulte la réalité de pratiques éhontément fautives.

L'isolée et l'isoloir

Les agités de l'électoral squattent les médias, exhibent des sourires carnassiers, montrent d'impeccables dents blanches. L'émail politique révèle les arrière-pensées égotistes. L'imaginaire des prédateurs d'opinion semble se réduire à la vie rêvée des plateaux de télévision. De l'autre côté du miroir, on se lasse des jolis minois. On aimerait des trognes sans marketing, des bouilles balafrées, des visages ombrageux. La libre Marie-Ségolène se plaît à la lumière. Elle apprécie qu'on s'intéresse à ses désirs. On la dit isolée. C'est un effet d'optique car elle ne pense qu'à l'isoloir. A cette petite cabine d'essayage où les bulletins sont glissés dans l'enveloppe du destin. Elle songe à la masse des suffrages qui s'entasseront, le jour venu, dans les urnes des mairies. Entre-temps, elle pratique la stratégie des apparitions. Elle se doit d'être belle et rebelle, agréable et cabocharde. Elle joue sur le registre de la féminité creuse. Marie-Ségolène ne peut se passer d'exercer son pouvoir de séduction. On ne guérit pas de l'addiction politique. Si jamais les occasions de paraître se faisaient plus rares, elle s'étiolerait comme une fleur sans soleil. A l'instar des autres grands fauves du cirque démocratique, Marie-Ségolène a besoin d'être aimée, applaudie, et par dessus le marché: élue.

RaBachelot

La précaution est le service après-vente de la peur. La menace du péril grippal impose un retour aux fondamentaux sanitaires. Il faut lire et relire la charte constitutionnelle, redoubler d'attention, s'imprégner du bon principe de précaution. Il convient de se laver les mains longuement et patiemment, penser aussi à éplucher cinq fois ses fruits et légumes avant de parler de pandémie. Roselyne Bachelot ne se rabiboche pas seulement avec Philippe de Villiers, dans les parages de l'Atlantique. Car au-delà des arrière-pensées régionales, la ministre sait panser les plaies avec des mots, parler avec suavité comme on suce un bonbon. Elle endosse sa blouse blanche de pharmacienne et prescrit l'état d'alerte. Elle rabâche sa leçon de précaution. Au fond de la classe, tel ou tel mandarin rêvasse, se fiche comme d'une guigne des impérieuses recommandations, raille les vains vaccins. Le corps médical est divisé sur la nature du mal. La ministre de la grippe martèle son message à coups de clairon, recommence sa démonstration avec application. "RaBachelot" fait les gros yeux. La praticienne de santé ne s'affiche plus en rose baiser.

mercredi 26 août 2009

Rentrée joyeuse

Le soleil est prié d'aller se coucher derrière les rochers. L'été est en liberté surveillée. La fin de la récré a sonné. On remise la chemisette, l'apéro et le paréo. Les bronzages se voilent d'un tissu strict. Les rêves se repeignent aux couleurs de la réalité, dans les tons sages de la rentrée.
Le président admoneste les banquiers. A première vue, il ne souffre d'aucune séquelle de son petit vertige de juillet. Dans la rue, les gens ont toujours des colliers dans les oreilles, et non pas des os dans les narines comme certaines peuplades amérindiennes. Ces fils qui pendouillent communiquent avec l'urgence urbaine. Le président emprunte à l'Histoire de France deux de ses anciens premiers ministres. Il leur confie le soin de réfléchir à la manière la moins bête d'accroître la dette. Les automobiles foncent toujours allègrement sur les piétons des bandes passantes. Le parti socialiste ne se lasse jamais de parler, d'écrire et de s'invectiver. Il multiplie ses identités comme ses universités d'été. Il est passé du côté du virtuel. Il est bien tard pour enrayer l'épidémie d'avatars.
Les traders sont considérés comme des tueurs de lien social. Ils sont désignés à la vindicte populaire. La finance entre dans l'ère punitive. Il est pourtant prématuré de parler de glaciation. Beigbeder bégaie un nouvel opus autofictif. Obama s'abîme les mains à vouloir réformer le système de santé américain. Obama n'a pas de Cap Nègre pour passer ses vacances.
La grippe A n'en est qu'à ses débuts. Nul besoin de plan B pour la juguler. On est bien préparé. Reste à guérir tous les maux de l'alphabet qui endeuillent la planète. Le fils d'Audiard parle de son film comme s'il avait passé son bac.
A nouveau, on fait la queue à la poste en quête d'un recommandé. L'ascenseur de l'immeuble est en panne. Les poubelles sont pleines à craquer. Les uns et les autres, on se souhaite "joyeuse rentrée". C'est juste un petit coup de pouce aux voeux de bonne année qui depuis janvier traînent un peu pour se réaliser.

mardi 25 août 2009

Saut de l'ange

L'athlétisme à la télévision se résume à un bavardage nationaliste sur fond d'images sublimes. La ZDF focalise son attention sur les champions germaniques. La RAI célèbre les héros
transalpins. France Télévisions privilégie les perchistes tricolores. La seule médaille d'argent glanée à Berlin nous vient d'un grand type au front dégarni enveloppé dans le drapeau bleu blanc rouge. Lâché par un sponsor qui ne croyait pas à l'or, Romain Mesnil a fait parler son corps. Romain Mesnil a un faux air de Guy Marchand. L'athlète use d'une perche là où l'acteur improvise à la clarinette. Les sportifs de haut niveau - c'est l'expression consacrée - sont d'une rare fragilité musculaire. Ils sont blessés à longueur d'année. Les dieux du stade exigent trop de leur corps impeccable. Autrement dit, on a beau être un as, il arrive que la carcasse casse. Steven Hooker a gagné haut la main. Sans forcer son talent. Il n'a réussi qu'un saut: le bon. Dix centimètres sous les six mètres. Touché aux adducteurs, le champion australien a joué au plus fin, il s'est économisé, il a raflé la mise. A la manière élégante d'une démonstration mathématique en une seule équation.
Perchiste de poche, Renaud Lavillenie appartient au genre teigneux. Sa volonté de vaincre n'a pas suffi. Pourtant, il piaffait d'impatience de gagner. C'est un jeunot qui voit haut. Sous sa fausse décontraction, Romain Mesnil est galvanisé par la compétition et son odeur de poudre. Il a plafonné juste au-dessus de son petit collègue de sautoir.
Reste l'ange blanc du stade. Hooker a laissé luire son insolence dans la lumière allemande. Il a dominé la barre de la tête et des épaules. Tous les ingrédients du théâtre étaient réunis: le drame s'est joué entre un gamin affamé, un vétéran de talent et un météore du sport. Hooker a commencé son récital par la fin. Il s'est affranchi des nécessaires galops d'essai. Son audace insensée a été récompensée. Justement ou injustement: allez savoir.
Ce geste fulgurant a été ressenti comme un dernier mot esthétique. Dos au mur, Hooker a accompli un prodige que seuls les grands manitous charismatiques savent exécuter. Au spectacle de pareil exploit, le chauvinisme des speakers s'est volatilisé comme par enchantement.

vendredi 31 juillet 2009

Sheila ou la classe moyenne

Même en crise, la publicité fonctionne à plein régime. Les images nous enjoignent de consommer corrects, de faire marcher droit l'économie. La société est modelée comme une pâte visqueuse de classe moyenne. La grosse classe moyenne est insérée, massée dans l'ascenseur social en panne de mobilité. Elle possède les mêmes biens de supermarché. Elle aspire aux mêmes désirs de prochaines marchandises exquises. Elle se jalouse comme jamais à cause de son uniformisation égalitariste. Cette société nivelée, querelleuse et contentieuse est faite de frères ennemis indifférenciés. Elle reproduit le schéma de conformité publicitaire. Elle obéit sans broncher à la police des marques et aux prescriptions des médias.
Aux extrémités, les nantis et les démunis pèsent peu. Ils amusent la galerie, pour ainsi dire. Atypiques de l'écart-type. Quantités négligeables. Virgules de sociologie. Sauf, bien sûr, coup de projecteur événementiel: Nicolas et Carla au Cap Nègre, les détenus traités en sous-hommes dans les prisons françaises. Mais rien à voir avec l'obésité croissante de la classe moyenne qui fait le gros du corps social et les embouteillages de périphérie urbaine. La classe moyenne est un peuple écouté. Le publicitaire lui adresse ses communiqués privilégiés. La ménagère pré-quinquagénaire fait figure de maîtresse d'école, d'enseignante-chef de classe moyenne. Elle arpente en profondeur les grandes surfaces. Difficile de rater sa cible: ce gros animal de classe moyenne occupe tous les rayons des magasins.
Patatras! Internet libère les têtes comme jadis Moulinex la femme. Il affranchit le consommateur qui se comporte de manière erratique, au gré de ses humeurs. Le consommateur regarde ce qu'il veut, où il veut, quand il veut. Il batifole dans les réseaux, zappe les programmes de télévision comme il effeuille un journal gratuit. La nouvelle indépendance d'esprit du consommateur déjoue les vieilles machineries publicitaires. Le nouveau consommateur lit Closer et Les Echos. Il s'adonne à des pratiques culturelles non-concordantes. Il se dédouble et se défausse. Il travestit son identité habituelle. Il n'appartient plus à ses déterminants sociologiques. Bref, il brouille les pistes. Le publicitaire doit désormais procéder au suivi de son emploi du temps, fait de zigzags de consommation. Il traque le parcours divers et ondoyant de la randonnée chaloupée et hasardeuse du consommateur émancipé.
De surcroît, la demande d'hier devient l'offre d'aujourd'hui. L'internaute bazarde ses vieux rossignols via eBay, s'initie aux délices du petit commerce familial en ligne. Il éditorialise à mort sur son petit blog intime. Il produit de manière autarcique: son contenu, sa fiction, ses rêves. Il télécharge à droite à gauche, agrège des bouts de textes et vidéo, bricole du petit média personnel personnel et artisanal. Tous les nombrils du Web sont désormais en ligne. Au grand dam des vieux médias - qui improvisent à la va-vite des ripostes Web 2.0 - dont il périme le fonds de commerce ancestral. A première vue, ce nouveau mode d'expression tous azimuts s'inscrit en contradiction flagrante avec le magma indifférencié de la grosse classe moyenne consommante. D'un côté, le conformisme des idées imposées règne en potentat. De l'autre, le consommateur se délure, fait les quatre cent coups, se désencombre des vieux carcans prescripteurs. La logique élémentaire oblige d'y regarder à deux fois. La révolution numérique n'a pas généré la moindre rébellion intellectuelle. L'idéologie du plus plat conformisme social gouverne sans partage. Sheila revient d'ailleurs à la mode. "La petite fille de Français moyens" surfe sur la énième vague Internet.

jeudi 30 juillet 2009

Lire, ne pas lire

Impossible de lire. A fortiori, un bon livre. Inutile de lire. Les mots ne pèsent pas au contact du monde, au voisinage d'une chose. Il faudrait lire et ne pas lire. Tendre à pareille hésitation. Ressentir le présent, apprécier le donné d'un espace bigarré, éprouver l'offrande du temps mêlé. Fermer le méchant bouquin sans réveiller les démons. Déserter la phrase, contempler la vibration lumineuse. Arrêter, au sens cynégétique, comme le chien des forêts s'immobilise devant l'oiseau terré. Lire à voix basse le récit d'une fougère.

Problèmes de peau

La combinaison du nageur est interdite de piscine. La cabine de bronzage fait courir un grave péril de santé publique. Le corps de l'homme, qui s'ébat dans l'eau, nécessite une parure appropriée, s'il veut se mesurer au verdict officiel du chronomètre. Cette fameuse deuxième peau de l'homme poisson s'apparente à une burqah des compétitions nautiques. Or elle n'est pas souhaitée. En haut lieu, au sommet de l'Etat, dans les instances dirigeantes, dans les sphères où décident les gros pardessus.
Aux dernières nouvelles, la burqah ne serait portée que par une poignée de femmes musulmanes, moins d'un millier sur le sol national. La combinaison de polyuréthane n'habille qu'une petite caste d'athlètes aquatiques, une aristocratie de champions des couloirs de piscine. En revanche, la cabine, où l'on bronze un corps allongé, attire une large population.
Avoir bonne mine en plein hiver relève du délice transgressif. C'est un avantage comparatif sur le voisin de palier ou le collègue de bureau. Le marché de la brune séduction expose à un éclairage trop brutal. Il surfe sur la vague d'un corps objet qui réclame un luxe d'attentions. Aux dires de la communauté savante, le fétichisme du corps cuivré réveille le démon du mal, le dieu malfaisant du cancer. Le ramdam autour de la burqah d'Afghanistan et le barouf autour de la combinaison nautique masquent un vrai scandale des problèmes de peau. Les entreprises de bronzage effréné créent une situation d'insécurité sanitaire. Il ne faut plus seulement souffrir pour être belle (ou beau) mais résolument risquer sa peau.
C'est pourquoi noircir du papier, rédiger un texte de loi pour mieux réglementer, voire interdire les échoppes de ces marchands de rêve, me semble de salubrité publique. La réflexion, même estivale, mérite une matière plus consistante que l'actuel débat sur les costumes de bain.

mardi 28 juillet 2009

Jamais le dimanche

Le corps lâche. A trop vouloir tirer sur la corde, elle rompt. L'activisme bafoue les valeurs de développement durable. La frénésie tourne le dos à l'éthique d'une croissance maîtrisée. Le président trottine sans se soucier outre mesure d'une santé qu'il abîme. Il en fait trop à l'instar d'une civilisation qui se fourvoie dans l'excès. Le culte de la quantité masque l'impasse sur la qualité. Au four et au moulin, le président s'expose au malaise de La Lanterne. Il érode son capital physique à l'image d'un pays endetté jusqu'au cou. Le petit accroc cardiaque le rappelle à la fragilité des hommes. Dieu lui-même s'est imposé la discipline du repos, au septième jour de la Création. Le président travaille le dimanche. Il court dans les sous-bois. Il défie la volonté divine. Il exhorte même la nation entière à lui emboîter le pas, à ne pas souffler le jour du Seigneur.
L'opposition politique a saisi le conseil constitutionnel pour qu'il statue sur la validité de pareille provocation. Elle craint que le malaise présidentiel ne touche les travailleurs dominicaux. L'imitation du prince peut faire des ravages dans le peuple. Elle est de nature à torpiller la productivité. A l'heure où l'épidémie de grippe A nécessite un vaste plan gouvernemental, il est inutile de favoriser la pathologie du surmenage.
Sainte Marthe est célébrée le 29 juillet. C'est une sainte incomprise, malmenée, contestée. Elle fait figure de contre-exemple. En effet, l'Evangile de Luc attire l'attention des lecteurs sur la contemplation fervente de Marie au détriment de l'agitation inquiète de Marthe. Il y est dit, qu'entre les deux soeurs de Béthanie, Marie a choisi la meilleure part.
Pour les esprits modernes, le rayonnement intérieur de Marie est vite considéré comme une paralysie de l'action. L'utilitarisme primaire l'associe volontiers au vice de la paresse et au fléau du parasitisme. Marie l'inactive vit aux crochets des autres. Elle est souverainement détachée des contingences matérielles. J'ai pourtant la faiblesse de penser que ce texte chrétien des origines s'applique au monde laïc d'aujourd'hui.

lundi 27 juillet 2009

Les bâtons dans les genoux

Le piéton n'a rien d'un fauve de cirque. C'est juste un animal de compagnie un peu peureux. C'est une machinerie de chair qui arpente la ville. C'est un bidule étrange qui marche. Le piéton s'expose à tous les coups: klaxon de chauffards à tout bout de champ, carlingues emballées propulsées sur son passage, pitons d'acier venimeux en bordure de trottoir.
La lutte contre le fléau de la bagnole totalitaire aboutit à de lourdes brimades pour la piétaille des petits matins de grisaille. Les trottoirs sont devenus des réduits minuscules, des passerelles lilliputiennes, piquetées de terrifiants plots de fonte. Manière forte - oui - pour nous dresser. On nous met des bâtons dans les genoux. Les dociles piétons sont expropriés des lieux officiels de marche. Au motif pervers d'interdire aux 4x4 de squatter les trottoirs. Les haies de plots phalliques sont des chiens de garde qui ne mordillent pas les chevilles. Le piéton peine à slalomer parmi ces dents de la terre. Empêché de circuler sur son mince ruban de bitume, le piéton est évacué de sa ligne. Il nage où il peut. Il trotte sur la voie maudite des bolides et des cycles, faute de meilleur accueil ailleurs. Au feu rouge, lorsque le petit singe vert s'allume, ses frères sapiens, de chair et d'os, sont terrorisés par les engins vrombissants des seigneurs motorisés. Les cyclistes s'en donnent aussi à coeur joie. Ils foncent dans le tas de chair piétonne. Ils répugnent à freiner comme ils rechignent à l'effort. Paris est un coupe-gorge, un coupe-jarret, un terrain de chasse où les piétons sont tirés comme des lapins. Paris n'a plus besoin de ces frêles silhouettes à la Giacometti. L'homme qui marche est un délinquant virtuel, un déviant qui s'ignore. A Los Angeles, l'homme sans voiture est coffré vite fait.
La ville est trop petite pour la laisser au libre accès du piéton. Il faut l'exclure de la cité, lui interdire de se promener, les bras ballants. L'été multiplie les touristes gêneurs. Ils empoisonnent la vie des camions de déménagement, des gros engins de chantier, des estafettes de livraison, des autobus brûleurs de feux rouges. Le pâle piéton n'est plus aux normes de la mégalopole. Il enquiquine le monde des machines. Il détraque la civilisation du moteur. Il faut sanctuariser le centre-ville, en faire une zone exclusivement motorisée.

jeudi 23 juillet 2009

La politique d'ouverture

Les socialistes redécouvrent les vertus du travail. Martine Aubry retrousse ses manches. Tout se passe comme si Nicolas Sarkozy imposait sa loi au parti socialiste. Désormais, l'astreinte au travail est érigée en dogme intangible. Le moment est plaisant pour sonner le tocsin du turbin.
A l'heure du farniente et des plages émollientes, la patronne du PS exhorte le siens à travailler d'arrache-pied. Il est loin le bon vieux temps des semaines écourtées et de la libération sociale des RTT. Rue de Solferino, la direction en a maintenant sa claque des 35 heures. Les ténors et les petites mains du parti sont prévenus: il faut rogner dare-dare sur les loisirs. Finies les réunions stériles et les bavardages venimeux. Voilà un parti, en pleine errance, qui se sublime par un appel historique au surcroît de travail. La politique d'ouverture du président de la République est en passe de réussir, sans doute au-delà de ses espérances.

mardi 21 juillet 2009

Les loups de Solferino

Tatie Martine en fait des tartines. A l'adresse du bouillant Valls, le fiston récalcitrant, elle brandit la menace de l'excommunication. Les éléphants du temps jadis se transforment en loups hurlant. Jack, Julien, Arnaud raillent à l'envi la cheftaine d'un parti de haines recuites. Du haut de son magistère, BHL tire en sniper sur l'ambulance. Chez les socialistes, l'ensemble se dilue dans les parties. Cette formation démocrate, amie des exclus et solidaire des précaires, se déchire entre frères ennemis. Derrière la vie publique et ses promesses de justice, se cachent les détestations de notables qui s'observent en chiens de faïences.
Valls, qui manque de notoriété, s'affiche comme l'une des stars de l'été. Martine Aubry, depuis l'enthousiasme fugitif des trente-cinq heures, semble avoir cent ans. Changer de nom ? Le centre s'y essaie périodiquement. Sans grand succès. L'emballage ne suffit pas à masquer les outrages de l'âge. Car le PS, mouvement d'intellectuels, recruteur de profs, pèche par manque d'idées générales. On comprendrait mieux qu'un parti de petits patrons poujadistes soit en froid avec les concepts. Or la rue de Solferino regorge d'universitaires, de gens très instruits, qui oublient de se lever tôt le matin pour rédiger un programme politique crédible. Cela fait près d'une décennie que cela dure. Une certaine arrogance intellectuelle vis-à-vis d'une droite "inculte" a gelé la pensée socialiste.
Au travail et au peuple ! Voilà le cap que les orphelins de Mitterrand doivent impérieusement viser. En période de grand chambardement idéologique, les chefs naturels se désigneront d'eux-mêmes, n'en déplaise à la stricte démocratie statutaire. Faute de quoi, les loups de Solferino s'entre-dévoreront encore longtemps, se délectant en charognards de viandes mortes peu ragoûtantes.

lundi 20 juillet 2009

L'armoire à fusils

J'ai touché les canons comme les longs museaux d'une meute. Chaque fusil était calé dans son entaille. J'ai soulevé, un à un, les armes de chasse, leur dur menton dans ma paume, comme soutenues hors de l'eau. Le seize superposé était son préféré, l'outil virtuose des coups de longueur. J'ai refermé l'armoire fidèle des fusils parallèles. Ils sommeillaient dans la poussière. Ils ne dormaient que d'un oeil, en transparence derrière la vitre.

Conquistador

Dans conquistador, il y a Contador. Nous sommes dans la grande tradition du Tour de France. La montagne ne ment pas, départage l'Espagnol du Luxembourgeois. La course revient aux fondamentaux d'antan. Gaul et Bahamontès sont aujourd'hui supplantés par Schleck et Contador. Andy les coeurs ! Le peloton a le bonjour d'Alberto. Dans la montée sur Verbier, Contador se débarrassa de l'ombre d'Amstrong, à sa première tentative, sans avoir à y revenir. L'homme en danseuse traça sa ligne d'espérance. Avec majesté, il se déhancha, appuya sans retenue sur les pédales, creusa l'écart mètre après mètre. Il se fraya un chemin parmi les hordes de badauds. Derrière, la débandade était socialiste. Les coureurs s'égrenaient sur l'asphalte comme les billes d'un chapelet. Nul besoin d'invoquer Jaurès. Il appartenait à chacun des camps de sauver sa peau. D'arriver en haut sans perdre son âme.

jeudi 16 juillet 2009

La lune

C'était hier, quarante années derrière. Ma grand-mère vivait ses dernières heures, nous faisait un petit signe de la main. Nous étions désoeuvrés, dans l'insouciance de l'été, face à la Méditerranée. Maman était remontée, par le premier avion, au chevet d'une mourante. Sur la terrasse de la villa, dans la tiédeur du soir, nous observions le ciel. La lune éclairait la mer. Les eaux luisaient d'arrière-pensées. On imaginait Armstrong enjamber le sol lunaire.
Vacances bourgeoises d'un temps de "trente glorieuses". La prospérité des coeurs s'accordait au diagnostic économique de Jean Fourastié. Maman n'était pas là. Aujourd'hui, c'est papa qui s'est absenté. La compagnie de la lune n'a pas comblé notre solitude. La technologie de l'espace a matérialisé le délire des poètes.
A l'époque, le Figaro Littéraire publiait les meilleures copies du Concours Général. Mon voisin de classe, Oriot, s'extasiait à son pupitre: "Il en faut des calculs pour aller sur la lune !". A seize ans, les carottes étaient cuites. Nos regards étaient dressés vers l'infini. Internet, en pareil instant, nous aurait paru d'avance obsolète.

Maillot morose

Tour d'ennui. On tourne en rond. L'histoire manque d'imagination. Le récit radote. On s'empoigne pour un maillot morose. L'audace est en roue libre. Au départ, on jette sur l'asphalte une poignée de volontaires, en éclaireurs du peloton. Ces braves garçons justifient le rituel des pointages.
Ils s'échinent à faire illusion. Ils sont avalés dans les faubourgs, à proximité de la banderole d'arrivée. Le gros des troupes retarde à l'envi le plaisir de la jonction. Le peloton est un gros chat mal réveillé qui se joue des petites souris échappées. La course ne s'anime que dans les derniers hectomètres. Les sprinters montrent le bout de leur nez, idéalement calés dans le sillage d'un gregario. Sauf erreur de logiciel, le classement de l'étape est un secret de Polichinelle: Premier Cavendish.

mercredi 15 juillet 2009

Le rejet du style

Nicolas Sarkozy est au four et au moulin, à l'Elysée et à Matignon, en Europe et en France. Il s'exprime sur tous les sujets. Il mobilise l'attention et capte les regards. Il est réactif à l'événement. Il ne s'embarrasse pas d'un corps de doctrine. Il s'est formé à l'école du self-service idéologique: un jour libéral, un autre étatiste, un jour mondialiste, un autre protectionniste. Il pioche sur les comptoirs au gré des circonstances. Son programme de campagne présidentielle a volé en éclats avec la crise. Le capitalisme lui a joué un vilain tour à tel point qu'il a envisagé, sans rire, de le refonder. On attend. La réforme est le coeur de métier de la factory Sarkozy. C'est un produit vendu comme des petits pains à l'opinion publique. Le président lance des chantiers tous azimuts, dans tous les sens, comme un joueur de loto achète une multiplicité de billets. "Pour gagner, il faut jouer", nous rappelle opportunément La Française des Jeux. Jouer à tire-larigot, réformer à tout bout de champ, maximisent les chances de succès. Sur le tas d'initiatives lancées, la statistique prête main-forte. Une ou deux grandes réformes et quelques réformettes d'appoint émergeront fatalement de ce vaste champ de communication un peu tonitruant. La règle du jeu est fixé par le chef de l'Etat: il sera jugé sur ses résultats.
Reste l'homme. "Le style, c'est l'homme" écrivait Buffon. Sarkozy laisse perplexe car le mot même de "style" lui est parfaitement étranger. Il est brouillon, approximatif. Son personnage est une caricature de dessin animé. Il bouge à plein d'images seconde. Il agite un corps de petite taille, sorte de mécanique qui s'emballe à la moindre contrariété. Ses postures de tribune rappellent les emportements saccadés du comédien Louis de Funès. Il peaufine sa communication mais néglige le style. Tout se passe comme si le style, la parure d'un gestuel ou d'une pensée, était de nature à stopper la frénésie de son activisme. A moins que ce ne soit l'inverse: le style se sauve tout de suite au voisinage de la gesticulation. Sarkozy est utilitariste: comme "La Princesse de Clèves", le style ne sert à rien qui ne soit productif dans l'immédiat. En ce sens, le président privilégie le court terme comme n'importe quel actionnaire d'entreprise financière. Il est sans doute lui-même ambitieux - beaucoup -, vaniteux - un peu -, opportuniste en diable. Il saisit toutes les balles de l'actualité au bond. Il aime avoir le dernier mot, pareil au jeune homme qui cherche à s'affirmer. Avoir le dernier mot, certainement. Mais avoir sa phrase, c'est une autre paire de manches. Avoir sa phrase, c'est posséder une écriture de soi qui se reconnaisse dans le moindre détail, une manière d'être inimitable. Avoir sa phrase, Nicolas Sarkozy semble s'en désintéresser royalement. Il s'en tamponne le coquillard. Sa vision du monde procède d'une démarche de camionneur. Le "rentre dedans" est la philosophie ultime du sarkozysme. Jouer des coudes, être sur la photo à côté d'Obama, s'écrier "casse-toi, pauvre con" sont autant d'illustrations d'une monumentale volonté qui écrase tout sur son passage. A commencer - et c'est dommage - par le grain de beauté du style.

Livre de chevet

Il est fini le temps où je hantais le rayon des bandes dessinées. Je gravitais autour des albums à mille coloris. Vers la fin, je recherchais les petits formats carrés des aventures de Tintin. Papa tenait bon le livre entre ses mains. Il s'agrippait au bastingage. La gueule ouverte de l'album le rassurait sur le cours des choses. La vie s'achève auprès d'un livre de chevet. Papa. J'entends ces deux syllabes redoublées comme un murmure.

mardi 7 juillet 2009

Grand emprunt

La France s'endette. L'Etat emprunte. Il ne sait pas très bien au juste pourquoi d'ailleurs. Nicolas l'a bien senti. Pour y voir plus clair, il a nommé deux vieux routiers de Matignon, Alain Juppé et Michel Rocard. Dans le secteur privé, on se casse la tête à trouver des clients, à faire rentrer de l'argent. En revanche, au niveau de l'Etat, on s'enquiquine à savoir le dépenser. Car l'Etat se donne toujours un budget. Reste à choisir dans quoi investir. Métier de chien ! Les migraines publiques font doucement sourire les créateurs de richesse, les entrepreneurs du privé.
Je me demande si on n'aurait pas dû procéder à l'envers. Lister les achats comme une ménagère. Sur un post-it jaune. Puis, ouvrir son porte-monnaie et compter les pièces. Au besoin, passer à la banque.
Non, la France est un grand pays. Un grand pays de grands desseins et de grands emprunts. C'est une donnée organique. Un grand emprunt situe le niveau de prestige de l'emprunteur. Quant à savoir comment employer les deniers prêtés, c'est un problème d'intendance, une question subalterne qu'il appartient à deux pré-retraités de la politique de régler.

lundi 6 juillet 2009

Qui tournera les pages ?

J'erre dans l'air tiède. Je longe une rue étroite, bordée des mêmes vélos. L'échoppe du libraire s'est reconvertie en auberge rapide. Je marche de mémoire. Un pied devant l'autre, je fais machine arrière. J'ai dans la tête beaucoup d'images du passé. Je me souviens des étagères de vieux ouvrages. Dans son imperméable mastic, Papa sourit. Il tourne les pages. Il a envie de lire, relire, relier. Il apprécie les illustrations. Aujourd'hui, l'obséquieux libraire a déguerpi. Je suis seul. Je suis le dernier rescapé d'un temps d'éternité. Je demande mon chemin. Qui tournera les pages ?

lundi 29 juin 2009

Monsieur Jackson

J'entends bien que Monsieur Jackson est mort. Klaxonne à mes oreilles un ramdam planétaire. Je me fiche éperdument du décès de ce chansonnier survolté. Je m'en tamponne le coquillard. L'année 2009 marque le centenaire de la naissance d'un écrivain de haut rang: André Pieyre de Mandiargues. Nous ne sommes pas des millions à relire "Le Lis de Mer" avec le même bonheur qu'au premier jour. Or la télévision publique est l'amie des "audiences attentives" comme disait si bien l'historien GeorgesDuby. Sans quoi, elle n'est rien, "elle est par terre", propos jadis prononcé par l'actuel ministre de la culture.
Pourrait-elle se souvenir qu'un écrivain de grand style, Mandiargues, est né cinquante avant Monsieur Jackson ? Ou même célébrer la bien vivante Jeannie Longo qui, à l'âge du danseur américain, caracole toujours en tête des cortèges cyclistes ?

jeudi 18 juin 2009

Un monstre ?

Maître Henri Leclerc dénie à Véronique Courjault, mère accusée d'un triple infanticide, la qualification de "monstre". Je suis stupéfait par l'usage de pareil vocable. Il laisse accroire que des individus dits "monstrueux" s'excluent de facto de la communauté humaine. Je considère que ce discours brutal et simplificateur est de nature à intimider les esprits. Il caricature l'extrême variété des conduites humaines criminelles.
Qu'est-ce qu'"un monstre" ? Je l'ignore. Le recours à ce mot terrible évite de s'interroger sur les ressorts meurtriers des délinquants les plus farouches. "Un monstre" n'est jamais qu'un homme parmi les autres qui, l'espace peut-être d'une seconde, a perdu les repères de l'espèce au point d'être définitivement ostracisé par un ténor du barreau. Au-delà du mot rempli d'effroi, lancé à la cantonade, qui évacue toute réflexion, j'aimerais qu'il m'explique par la raison ce qu'il veut dire au juste.

Un écrit, pas un cri

L'Appel du 18 Juin n'a rien d'un cri primal comme l'observe l'actuel Premier Ministre dans son allocution commémorative. Le général de Gaulle a lancé un appel réfléchi à tous les patriotes, un appel commandé par la raison. La France ne peut se résoudre à l'abandon et au renoncement. 
De Gaulle lit un texte à la radio britannique dont chaque mot est mesuré. Il exhorte au combat, au sursaut, à la reconquête. L'Appel est un écrit, pas le moins du monde un cri. Si les cris passent, seuls les écrits restent. La parole du chef de la France Libre ignore tout du registre de la sensiblerie.

mercredi 17 juin 2009

Citadin du monde

On se dit volontiers "citoyen du monde". Comme si le monde était réduit à la seule géométrie des cités. Nous sommes des vagabonds du monde, des compagnons de l'horizon, des paysans du paysage. Le citoyen n'habite qu'un demi-monde, un arrière-monde, une mégalopole de plans verticaux. Il ne voit ni les ciels, ni les mers, ni les terres. Il vit dans une ville. A la sauvette, en cachette, à l'écart de la lune. Le prétendu citoyen du monde n'est qu'un vulgaire citadin, un brave gars du quartier.

A compter les étoiles

Il allait chez Demeyère comme je vais à la Fnac. Nous branchions notre tête à un distributeur d'alphabet. Nous gravitions autour des petites boîtes pleines de phrases. Nous visitions les dieux à l'étalage des albums. On est seul au milieu des récits, seul avec ses yeux pour dévisager les vertiges, imaginer les péripéties. La nuit, je dors. Dans la journée, je rêve. Il est couché dans la terre, à compter les étoiles.

mardi 16 juin 2009

L'art d'un chauffard

Un mètre sur un mètre, des couleurs de nuit américaine et de lumières dans les villes. Warhol est l'homme banal des mégalopoles. Rubempré de Pittsburgh, il ne peint ni ne dessine. Il fait de la photo, de l'auto, de l'ego. Il pratique l'art d'un chauffard. Il multiplie les clichés acidulés. Il retouche les visages, lifte les passants du loft, édulcore la peau des forçats de la visibilité. Ce gars-là ne garde de Picasso que le tropisme Séguéla. On sort du Grand Palais le regard retrouvé devant les grands ciels de l'été.

Conglomérat

Le succès d'Europe Ecologie donne des ailes à Daniel Cohn-Bendit. A tel point qu'il exhorte ses alliés potentiels à copier sa démarche, à s'inspirer de sa méthode iconoclaste. Européen convaincu, le leader vert revendique les bienfaits de l'auberge espagnole. Son mouvement partisan recueille les sans-abri de la politique, les égarés de la société civile. Il est fondé sur l'idée de conglomérat, concept industriel exporté en matière électorale. Europe Ecologie juxtapose les sensibilités les plus hétéroclites comme General Electric fabrique des centrales nucléaires et produit des séries télévisées. 
Reste que la logique du ratissage large, si elle flatte l'arithmétique dans le sens du poil, se heurte à la nécessité d'ordonner ce beau bouquet d'opinions versatiles en un projet de société qui soit crédible. Décidément, Daniel Cohn-Bendit est incorrigible: il nous refait le coup de "l'imagination au pouvoir".

mercredi 10 juin 2009

Liquider Mai 68 ?

A vouloir liquider Mai 68, à vouloir tordre le cou aux idées d'alors, Nicolas Sarkozy a réussi à remettre en selle son fringant leader, rieur sexagénaire reconverti dans le Vert. Du même coup, il marginalise le malheureux chef du Modem, pourtant peu enclin à apprécier l'air du temps libertaire. 
Mai 68 a anticipé les réformes sociétales du septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Aujourd'hui, le succès des Verts conforte Sarkozy dans sa volonté de surfer sur la vague écologiste. Vrai vainqueur du dernier scrutin, il s'apprête à piller sans vergogne le programme à la mode des amis du vieux Dany. Avec son légendaire aplomb, le chef de l'Etat endosse l'habit neuf de guérisseur de la planète. Il est même capable de faire du bling-bling avec un thème aussi "bobo" que le développement durable. 

lundi 8 juin 2009

Les Bartleby de la démocratie

Les électeurs ont privilégié l'abstention, l'action des uns, les convictions des autres. Le débat européen s'embrouillant dans l'illisible, beaucoup ont rechigné à s'y intéresser. La technicité des dossiers, les ententes en coulisse de rivaux d'opérette - s'agissant notamment du mandat de Barroso - et les attaques ad hominem les ont dissuadés de participer au scrutin. D'où l'écrasante victoire des "Bartleby" - du nom du héros d'Herman Melville à la phrase fétiche : "Je préfère ne pas..." - de la démocratie. Reste les 40% de vaillants votants. Ceux-là ont plébiscité les valeureux retrousseurs de manches qui ont vendu l'Europe comme une école de la volonté. L'activisme de la récente présidence française a servi d'illustration à l'argumentaire politique. Sarkozy avait alors mouillé le maillot à la Ribéry. Enfin, le peuple s'est prononcé pour une certaine sincérité écologique, la bonne humeur communicative des messagers de l'apocalypse, la joyeuse campagne d'un éternel étudiant aux convictions européennes solidement enracinées.
Ont été laminés ledit "minable" (dixit Cohn-Bendit), Bayrou trop isolé dans l'isoloir, et le parti socialiste ensommeillé dans sa paresse intellectuelle. Le parti des profs ne travaille plus depuis longtemps. Les électeurs n'apprécient pas la confusion des genres et les erreurs d'échéance. Ils ont sanctionné la politique politicienne, les mots creux et les postures de circonstances. D'où la joie des pêcheurs à la ligne, cent fois plus nombreux que les chasseurs officiels, premier parti de France dans l'instantané du scrutin du 7 juin. D'où la divine surprise des Verts qui en sont bleus, dopés par l'inusable bagout du malin rouquin. D'où l'étonnement d'un parti du président qui redoutait le discrédit.
Dans les vingt-sept pays, les Bartleby de la démocratie ont raflé la mise. Pareil mutisme de masse est indéchiffrable. On fera sans doute parler les muets de l'Union. Sans pour autant percer l'énigme de ces sphynx de scrutin. A compter les voix exprimées, on avancera aussi le succès desdits conservateurs sur les prétendus progressistes. Sur le mode du spectacle plus que de la réalité, la menace incantatoire d'une nature blessée par la culture et l'injonction tous azimuts de l'action volontaire ont triomphé des lancinants discours protestataires.

jeudi 4 juin 2009

Le chef s'abstient

J'examine les bulletins et les tracts enfournés dans l'enveloppe. Les candidats de mon quartier s'y expriment très succinctement, dans une langue assez fruste. Je ne connais aucun des noms imprimés. A vrai dire, l'Europe - l'incontournable Europe ! - ne suscite pas de très impressionnantes vocations. Le Parlement de Strasbourg est une sorte de Sibérie politique où l'on expédie des cohortes d'obscurs en guise de bagnards. Dans leur grande sagesse, les chefs de parti s'abstiennent bien d'y siéger. Carrière nationale oblige. Les électeurs ont bien compris le message. C'est un signal fort pour qu'ils aillent à la pêche.

jeudi 28 mai 2009

Merci Messi

Le football se danse à onze. Les maîtres du ballet s'échangent des caresses de cuir. Iniesta, Messi, Xavi sont des athlètes de poche qui jettent des sortilèges. Les Catalans s'approprient le bonheur du jeu, font luire leur griffe d'auteurs. Ils forcent la chance au gré des circonstances. Ils nous éblouissent au point de faire oublier l'impératif du but. Ils déploient leur talent sur toute la largeur du terrain. A l'occasion, ils expédient le ballon au fond des filets. On se passionne pour ce spectacle vivant, l'oeuvre commune qui se fait au présent, indépendamment du score. La beauté du geste agrippe le regard. Elle dessine une géométrie des corps. Elle rassasie l'oeil comme la contemplation d'une merveille. Merci Messi.   

mercredi 27 mai 2009

Fragments

L'anecdote prolifère sur Internet. Les petits bouts de vidéo sont consommés sur le pouce. Le fast food numérique rassasie les fragiles attentions. 
L'imprimé privilégie les fragments, les courts récits discontinus, la brièveté d'énoncé. La société se cale sur le pas d'Héraclite. Le travail est cisaillé, décousu, n'est plus éperdu. Les hommes sont hachés menu. Ils errent au bureau de séquence en séquence. L'entreprise se satisfait des miettes. Elle ramasse les éclats du labeur. Le temps des longs enchaînements de signes est révolu. Les rites signalétiques prévalent désormais.
On lit, on écrit, comme on clique. Les yeux clignent comme les lignes. La vitesse s'accommode de petitesse.

mardi 26 mai 2009

Prière

Les arts sont des prières insatisfaites. On peint sur ses plaies. On écrit, on se recueille pour se délivrer du mal. On compose une musique intérieure. Les grottes de Lascaux sont tatouées de terreurs spirituelles. On griffe la matière, on scarifie la peau, on grise le silicium à la recherche d'une communion. 

dimanche 24 mai 2009

Mandarinat

On dirait des footballeurs encore en survêtement, alignés sur la pelouse, au moment des hymnes nationaux. Ils sourient comme des invités d'émissions de télévision. Ils sourient, contents de leur contentement, tout à la joie de leur visibilité sociale. L'expression du visage vient de la dentition. Ils sont nombreux à décrocher des timbales. Un vieil Autrichien est sorti du rang: il a raflé la plus grosse mise. Un grand chauve a bafouillé son plaisir. Il porte le nom de son père, fin lecteur de Céline. Charlotte, l'effrontée, est devenue plus délurée. Les enfants de la balle ont pris le relais de la palme. Le monde du spectacle est aussi fermé que le mandarinat médical.

vendredi 22 mai 2009

La musique des peuples

Dans ses "Lettres à Albert Paraz", Louis-Ferdinand Céline fait l'inventaire de ses peurs et de ses détestations. Il craint la malice du Diable qui "s'attaque à la musique des peuples". Aujourd'hui, l'Europe est ligotée entre l'Amérique et l'Asie. Trop vieille pour l'une, trop jeune pour l'autre. La Chine immémoriale douche ses prétentions culturelles. Les Etats-Unis se moquent des longues civilisations. Ils fabriquent leurs récits sur le mode fictionnel: Hollywood tient lieu de manuel d'histoire. Bref, l'Europe est assise entre deux continents. Elle tarde à trouver sa place au banquet des grands fauves politiques. Elle ramasse les miettes des G20. Ses nains nationaux s'agitent sur la photo finale: Sarkozy et Berlusconi rivalisent de courtisanerie, jouent dans les jambes d'Obama. La bourrade amicale ne trompe personne. L'Europe est coincée, gênée aux entournures, entravée par ses divisions. Elle parle à plusieurs voix, elle se tait devant l'Histoire qui se fait. 
Ses chefs politiques se désintéressent de son sort au point de dépêcher au Parlement ses plus braves anonymes en tête de liste électorale. L'Europe décline une identité passe-muraille. Or la machine administrative bruxello-strasbourgeoise s'exprime en volapück, rédige en sabir, sans jamais causer à l'oreille des peuples. L'ermite de Meudon, le même Céline, précise sa prophétie: "Ils n'auront plus de chanson, ils périront". L'Europe s'étiole, rapetisse en longueur, se dilue dans l'espace. Sa voix ne porte que de bureau à bureau.  A quel imaginaire le jeu de cubes communautaires renvoie-t-il ?. A quel grand récit Bruxelles exhorte-t-il ?. Faute de grandeur, l'Europe se prive de la ferveur. Elle dissuadera les électeurs à s'extraire - tradition pétainiste oblige - du cercle familial de la fête des mères. Le pensum électoral du 7 juin est une corvée démocratique, une sorte de scrutin punitif, qui se soucie de l'opinion publique comme d'une guigne. Pareille inertie politique relève de la malignité diabolique. Elle brouille la communication avec les peuples. Aucune musique, aucun refrain européen à fredonner. L'Europe a perdu le chemin des coeurs, "le lieu et la formule" rimbaldiens, qui enracinent les mythes. Elle ne va pas bien du tout.

mercredi 20 mai 2009

Sienne

Il suffit de cheminer parmi la brique et la pierre, de regarder le linge en drapeau sur les balcons. Je m'arrête à hauteur du soleil. Je dessine sans savoir, sans vouloir. Je crayonne le bonheur. Je griffonne trois mots. C'est l'heure où Sienne s'habille en reine, l'heure heureuse où la lumière étoile les ruelles, colorie les vastes murs, dégringole sur les ombres, fignole une géométrie de l'homme. Je me souviens des toiles d'Ugolino di Nerio, du vieux puits Palazzo Chigi Saracini, de la vive éboueuse du Campo. Je ne me souviens de rien. Je me réveille dans une réalité qui n'est pas la mienne. A mille lieues de Sienne.

jeudi 14 mai 2009

Pierrot

Revu "Pierrot le fou". A la nième fois, je remarque que le film est bicolore, rouge et bleu. Ferdinand est ivre d'azur au point de se colorier le visage des reflets de la mer. Anna Karina est rouge de désir. Elle s'empourpre au dancing de la marquise. Juste à l'instant où Belmondo se vêt d'une chemise couleur de garance. Il y a du sang quelque part. La poésie éclate à la figure de Ferdinand. Rimbaud est un paradis perdu. Avant le dernier verre, avant les lointains soirs au Harrar. Au bout de toutes les couleurs, en toute fin d'arc en ciel, il y a le blanc de l'oeil de Pierrot, il y a le matin blême des vieux clowns.

mercredi 13 mai 2009

Ectoplasme

On fonce vers l'élection en regardant ailleurs. L'Europe est le cadet de nos soucis. Les peuples savent bien que l'Europe pèse peu, passe à côté de la vie des gens de peu. Ils n'ont d'horizon que la proximité de leur destin, le paysage local d'un labeur quotidien. Pour nous autres Français, Bruxelles est une cité désincarnée, un magma de bureaux en vase clos, une sorte de super-capitale administrative et punitive, une doublure de Paris sans autre légitimité qu'un pareil mépris des terroirs.
On fonce vers l'élection, tombeau ouvert, les yeux bandés, les urnes vides. L'Europe redoute la grandeur. Hitler et Napoléon - un autre couple franco-allemand - ont traumatisé les chairs, intimidé les mémoires. Avec l'apaisement, l'Europe s'est cantonnée à l'insignifiant, s'est choisie un profil d'ectoplasme politique. Elle s'expose à la routine d'un droit de voter dont l'usage précautionneux renvoie à l'ennui des vieilles démocraties.  

lundi 11 mai 2009

Lire, relire

S'approprier un livre, c'est le lire, le relire jusqu'à la lie, jusqu'à plus soif. Scarifier les pages. Solliciter les ressources de sa tête. Eprouver son corps au contact du texte. Car "Ecrivains, savants et philosophes font le tour du monde" chemine en soi comme un feu de joie. Il célèbre les noces de l'homme et de la nature, les accordailles du monde et des civilisations. 
Il n'est pas facile de s'extraire du séduisant ouvrage, de quitter Flaubert, les arpenteurs de la Terre et autres inventeurs de savoirs. A Philippe Descola, Michel Serres emprunte la typologie des quatre visions du monde qui peuplent l'imaginaire des hommes, qui saturent leur conscience. Il croise le dissocié avec la dextérité du geste jardinier. Il rafistole un homme que ses frustes idées mutilent. En nous, meurtris du découpage naturaliste, prisonniers du dualisme sujet/objet, subsistent les prestiges du vitalisme animiste, les vertiges du totémisme animal et les miracles de l'analogisme, d'un réel cousu de relationnel. De fait, nous sommes frères. Avec bêtes et plantes. Avec la Terre entière. Inutile, entre nous, de revendiquer le truchement d'une morale. Nous sommes frères, par delà le droit.

mardi 5 mai 2009

Sauver le savoir

Les enseignants n'enseignent plus. Les étudiants n'étudient plus. La jeunesse perd son temps, leurs parents leur argent, la nation son rang. Si d'aventure, le mot "rupture" revendique un sens, alors il est urgent de rompre avec le dévoiement accéléré de l'université. Nous ne sommes plus dans la séquence "travailler plus pour gagner plus", mais bien en deçà. Il faut repartir de zéro. Sauver le savoir. Il faut étudier sans tarder, "étudier d'arrache-pied pour travailler un jour".

jeudi 30 avril 2009

Grandes peurs

Les grandes peurs reviennent. La grippe mexicaine ressuscite le spectre de l'ennemi invisible. Ben Laden semble bien loin. La main invisible du marché accomplit son travail de sape. Les corps sont menacés comme les emplois. Nul ne voit le visage des périls. La mobilité des hommes est entravée. La maladie et l'économie les épinglent comme des papillons. 
Reste la grande marche du premier mai qui assure la pérennité du monde. Marie-Ségolène défile à Niort. Le coupable est trouvé. Il ne se voile pas la face. Il est même très voyant. Sarkozy est un adversaire en or, calé dans le viseur des protestataires:  visible, en vue, trop visible.

lundi 27 avril 2009

Inconduite

Ils conduisent la grève en état d'ivresse. Ils la reconduisent en excès de vitesse. Les universités sont en arrêt-maladie. Les médecins du travail distribuent des certificats de complaisance, des journées de repos sans fondement. Les universités vivent dans le culte de la pathologie. Or la santé intellectuelle de la jeunesse exige qu'on l'exerce à l'étude, qu'on l'aguerrisse au travail. Le couperet des grèves est une guillotine, un outil de terreur qui brise l'échine des travailleurs anonymes. On mesure mal les dégâts, la gabegie, l'injustice de pareille inconduite.