vendredi 29 septembre 2023

La femme sur du papier dessin

Elles s'adossent au mur, peu bavardes sur leur histoire. Les toiles sont mortes par nature, s'endeuillent de couleurs. La peinture est une mémoire, le conservatoire des traces, l'empaillement d'un sentiment, la fixation d'une émotion. Le commissaire a tranché la vie de Staël en rondelles, biographié son imaginaire, périodisé son séjour sur terre. Mais le peintre se fiche de chronologie. Staël se soigne comme il peut avec la peinture qu'il veut. Il absorbe la lumière comme un arbre millénaire. Il a les siècles pour croître, grandir, croire en l'avenir. Il peint la sensation du temps, le sentiment de l'espace. Sauf que le commissaire travaille à l'envers, pour des prunes, répertorie les styles de Staël. J'observe les dessins tracés d'un trait succinct. La fulgurance révèle l'instinct d'une main levée, la solitude du premier jet. Staël est fidèle à ses querelles, à sa grande violence, réfractaire au toupet de commissaire, attentifs aux seuls dessins de son destin.