jeudi 31 décembre 2015

Un maître à vieillir


L’année se ferme comme un établissement condamné. L’habitation n’est plus à la norme des hommes. Elle s’étiole, exige qu’on la rafistole. L’étourdi qui cogne à la porte est éconduit sans escorte.
Pourquoi la musique ? Le bouquin d’Etienne Wolff m’a laissé davantage orphelin, sans rien dévoiler d’un ciel étoilé. La gloire sonore est le trou noir d’un corps. J’ai fait taire en moi les tourments d’un mystère.
Je crois en la phrase parfaite. Je lis Chardonne comme je prie la Madone. C’est un maître à vieillir disait Morand, un autre dur à cuire. Edmond Jaloux parla d’une prose argentée. « On ose à peine lire, à peine toucher ces pages, de peur de disperser cette poudre irisée » (Avant-propos de Femmes, Albin Michel, 1961).
Mitterrand aura cent ans. Les fils de vinaigriers jalousent les fils de cognacquiers. Derrière l’envie ou l’élémentaire sociologie, perçait une adoration de rejeton d’un même canton.
Mais demain, sacré bonsoir, qu’on m’épargne les éloges d’un triste sire, d’un homme médiocre, d’une arsouille, comme seul l’étiqueta le grand Ponge. Je veux jouir d’une fraicheur de neige, je veux lire Chardonne sans me dépêcher. Lentement, illico presto.

mercredi 30 décembre 2015

Une préférence matinale


Au moment de clore, quand décembre expédie sa dernière heure, j’observe le couchant sans remords. Je revendique un droit de fuite, d’en finir au plus vite. J’exerce une préférence matinale.
On se réveille à l’aurore pour la naissance d’un corps, « revoir une jeunesse »comme s’impatientait de Gaulle.
L’éclat des commencements ne ment pas. C’est une lumière qui ne vise qu’à satisfaire. Une plénitude qui dissipe la brume. Le début ne prétend à nul autre but. 
Le calendrier grégorien évoque l’épiphanie d’instinct. Il parle d’autorité. Je me cale dans l’axe du soleil. Je guette le bond du fauve.

dimanche 20 décembre 2015

Une république en toc


La république est en mal d’identité. Elle n’est invoquée que par des perroquets ânonneurs de chants guerriers. Elle ne parle que sous la terreur. Un linge tricolore sèche aux fenêtres depuis déjà trop d’heures.
La Corse s’extrait de la légion des régions. Elle déserte le bataillon sans la moindre sanction. Elle est dispensée de la classe de français. Un petit patron d’assemblée impose à la nation le démon d’une division. Il fait d’une collection de cantons l’arme d’une pression.
Talamoni, figure paroissiale, se rit de l’unité nationale. L’Etat de piètre urgence révèle l’étendue de son indigence. L’Etat se tait malgré les méfaits, l’assassinat du préfet. La république ne sait plus où elle habite.
A vouloir supprimer les aides au mérite, la république ne sait plus où elle habite. Les bacheliers peu fortunés étaient les premiers ciblés du renoncement républicain à l’endroit d’une certaine forme d’excellence, d’un style d’exemplarité, d’un modèle de société. Qui veut d’une république en kit, d'une république en toc ?

mercredi 16 décembre 2015

Une perquisition


L’ordre sécuritaire traque la terreur, là où elle se terre. Les maisons sont matière à soupçon, chair à perquisition. La violation de domicile est une grâce du ciel. La fracture de serrure mesure une bonne dureté d’Etat.
La vigilance se pratique à outrance, réalise l’idéal de transparence. Elle satisfait un prurit intrusif, cherche des puces au fils Fabius. Le joueur est une rancœur de percepteur.
Le zèle de brigadier révèle d’inédites vérités. Il assimile au besoin le catholique romain à un homme de main salafiste. Il identifie la trogne à barbe d’un poster à l’icône d’un imam sanguinaire.
_ Qui c’est cette bouille ? questionne le chef de fouille. 
_ Léonard de Vinci.

lundi 14 décembre 2015

L'adresse du domicile


La politique est un métier de blabla qui obéit à un seul postulat : la gauche gâche, la droite rate.
Le week-end avait bien commencé puisque la gauche avait gagné sa première coupe vingt et un. Hollande caracole dans les nuages des sondages. Le climat lui fait un bien fou. Abaaoud lui avait donné un coup de pouce. Avec Coulibaly et Kouachi, fins stratèges de l’Elysée, il a redoré le blason de sa maison. Les trois meilleurs conseillers du Château ont fait le boulot, lui ont même sacrifié leur peau.
Dimanche, la droite, qui ne comptait qu’un seul régional de l’étape leader de scrutin, a placé sept de ses coureurs dans l’échappée victorieuse. Elle sauve les meubles sans recueillir pour autant la franche sympathie du peuple.
La gauche rétrécit au grand lavage des suffrages. Son chef hors sol confie à son premier adjudant le soin d’occuper le terrain. Le Drian fait la démonstration qu’on peut être champion de région sans quitter son porte-avions. C’est l’un des cinq requinqués du nouveau découpage des contrées.
Le premier parti du pays n’obtient même pas les félicitations du jury. Pas d’accessit pour une formation dynamite.
L’élection est bonne fille car tout le monde gagne sur le fil. Le scrutin est pervers puisque chacun sait qu’il perd. Le peuple des régions bouscule sa représentation, dérègle les esprits, vide de sens les mots d’échec et de succès. Lundi, les partis encore groggy s’interrogent sur l’adresse de leur domicile.

dimanche 13 décembre 2015

La foire au climat


A cent quatre vingt quinze, on s’entend comme larrons en foire. Par contre, on se neutralise à vingt-huit. A sept fois moins, on se tord la main.
La construction européenne n’est pas assez généreuse dans son recrutement. Elle est étriquée dans sa conception d’un tour de table. L’Europe est une petite Cop qui s’emmêle dans ses querelles de peuples. Si d’aventure elle multipliait les nations qui la composent, on s’accorderait plus à l’aise sur quantité de choses.
L’euphorie du grand gala du Bourget ne vaut pas que pour les contrariétés du climat. Les beaux sourires carnassiers faisaient plaisir à voir. On filma l’émotion de Fabius pour un degré Celsius. Plus on est de fous, plus on s’étourdit les joues. Il faut que l’Europe s’élargisse dans une même allégresse.

samedi 12 décembre 2015

L'aveugle


Je dîne face à l’aveugle. Il ôte ses lunettes, dévoile ses yeux. Il baisse sa garde, pose un regard comme s’il jouait cartes sur table. L’homme est disert, faute de lumière. Je suis sourd à son discours.
Sa main choque un vin, cherche l’entame d’un pain. Il narre une vie, parle avec brusquerie; rare est sa fantaisie.
Il est tiré à quatre épingles, n’a pas bougé d’un iota; à peine une boursouflure sur la figure. La serveuse s’enquiert des désirs de gourmandise.
Avant qu’il ne se taise, la brune oranaise évoque ses déboires de coiffeuse. La confidence déblaie le chemin d’une connivence. Jean l’exhorte à lire La Peste.

jeudi 10 décembre 2015

Nos héros


Un samedi d’hiver, j’ouvrais les grandes grilles d’un ministère, sur les lieux mêmes de l’ancienne école polytechnique, au pâle Bartolone, serré dans sa pèlerine. J’accueillais un conférencier de rechange. Il était petitement arrogant comme il sied à un manant saisi d’embourgeoisement. Il s’exprima avec une pontifiante médiocrité. Le député n’épata pas. Barto n’imprima pas dans la mémoire de nos labos. Une erreur s’était glissée quelque part. Il grimpa jusqu’au perchoir. Quatrième d’une république qui me peine.
Je me souviens d’une petite boulotte, mandatée par l’Elysée, sur une péniche des bords de Seine où Amazon fêtait en fanfare l’ouverture de sa succursale parisienne. Son père peu expert, voire sommaire, m’avait enseigné des rudiments d’approximative économie. 
Pécresse n’évoque pas les grands espaces, Barto n’a rien de nos héros nationaux. Je me demande bien pourquoi les hasards de la vie m’entraînent au plébiscite d’une reine et d’un roi pareils. 

lundi 7 décembre 2015

Sang impur


La Marseillaise a pris comme une mayonnaise.  On la chante dans les mosquées, les minarets et les dancings sonorisés. Le ministre premier a une mine de crevé. Les grandes mâchoires entonnent leur chanson de guerre, l’hymne au sang impur des belles étrangères. Le ministre premier a une figure de déterré.
Il est disc-jockey, chef de chorale, agitateur de drapeau national. Il est blanc comme un linge, leader de bleusaille, moins rouge que les rougeauds patriotes qui votent faux. Il tremble dans un petit corps tricolore à la grand’messe du vingt heures. Le ministre premier donne une consigne d’orientation comme un évêque sa bénédiction. 

dimanche 6 décembre 2015

La bête pantelante


La nation est charcutée en grasses régions bouffies. On dirait le jeune continent d’Afrique tranché au couteau, délimité à la règle. La bête pantelante est faite de treize quartiers numérotés. La région tricolore est une songerie de colon géomètre, une fantaisie de boucher dépeceur.
La démocratie se dégourdit les chevilles à l’intérieur d’un arbitraire bornage. L’électeur jogge, vote dans son parc. On interroge les urnes d’un peuple en treize morceaux. La géographie de cadastre est un latin de cuisine. Il n’est parlé que par ses curés mal lettrés. Chaque chef d’un bout de puzzle sourit à sa parcelle de peuple.
Vite on vote. On dépose un bulletin mais pas les armes de poing. L’adjudant catalan ceinture son imper à épaulettes. Il braille national, exhorte à la guerre totale. Le président du Bourget, gai comme un pinson, pilote un porte-avions. Il jubile au large de la Libye. Les batailles sans merci sont les plus beaux jours de sa vie. 

jeudi 3 décembre 2015

Et bagdadi et bagdada


J’embrouille ma tête avec des épithètes. Je note mes rêves patriotes. La politique de mon pays est un merdique gribouillis. Nos soldats débarquent à Obama Beach. Et bagdadi et bagdada. Les premiers communiants nous mènent au néant.
De Gaulle, c’était bien. L’histoire n’était pas une marque blanche, dénuée de sujet, verbe, complément. On ne se requinque pas avec des corps quelconques.
Dominique de Roux s’adresse au grand sachem : « Général de Gaulle, avec votre gueule d’éléphant du quaternaire, vous étiez l’homme providentiel, parce que vous n’étiez rien si ce n’est, jusqu’à quarante ans, votre propre disciple » (La France de Jean Yanne, Calmann-Lévy, 1974).
De Gaulle était un baobab millénaire. Hollande est un arbre à guirlandes. L’homme sans style dissuade les stèles. Il traîne ses bajoues de dignitaire, s’émeut de Barbara, reine d’un jour des barbares.

mardi 1 décembre 2015

Le militaire Noël


Après novembre, ses saints de jour férié, ses cimetières fleuris, son soldat inconnu, ses victimes identifiées, ses tueries nazies et son Medrano écolo, voici décembre et ses vitrines, ses cadeaux obligatoires et son sapin dérisoire, ses guirlandes et son double gueuleton à l’horizon.
Les enfants délurés touchent les fusils baissés des militaires postés. Cette année, le Père Noël s’est déguisé comme ils aiment. Le soldat d’état d’urgence l’a frappé d’obsolescence. On oublie la tunique rouge coquelicot. La panoplie kaki est dernier cri.
Des rares balcons, où le drapeau d’injonction s’éternise, pendouillent désormais de petits alpinistes de maison. Ils ornent les fenêtres patriotes de gnomes à capuchons, distributeurs de songes creux. Le chef des armées souhaiterait qu’ils soient bariolés des mêmes trois couleurs du mois dernier.
Bref, le militaire Noël a relevé de ses fonctions le vieux pépère tombé du ciel, encore rouge d’un sang qui coule. Pour de vrai. Sinon, les enfants feront des rondes, un peu comme des manifestations.