vendredi 16 mars 2012

"Corps-nerf"

C'est un mot d'énarque promu jadis par le bouillant Villepin. De même confrérie, Copé, l'actuel aigle de Meaux, use au combat du percutant vocable: "corps-nerf". En latin moderne, en anglais de cuisine, ce terme de caste s'écrit "corner". Le peuple footeux est sommé de s'initier vite fait. Ce mot grand chic signifie "cul-de-sac". Il désigne le pugiliste politique "acculé dans les cordes". A l'évocation sonore du "corps-nerf", le peuple footeux s'émeut, songe au coup de pied de coin.
Le légendaire Kopa avait inventé "le corner à la rémoise". Le non moins glorieux Copé expérimente aujourd'hui "le corner à la meldoise". Du match Copé/Hollande à la télévision, du pugilat chez Pujadas, j'ai retenu ce mot nouveau qui enrichit mon vocabulaire trop centré sur le Robert.

Raconter

Le candidat des coeurs n'est pas un conteur. François, le champion - George Sand eût écrit le Champi -, s'occupe de ses oignons. Il cultive sa stature normale de "tueur" de Tulle. A Copé, le sournois, qui raille sa manière de "raconter", Hollande confesse combien les récits sont le cadet de ses soucis.
Le "story telling" se déglingue. Fiasco des scénarios. "Surtout pas d'histoires !". Parole de Godard. Surtout pas d'histoires avec ses voisins de comptoir. Pas de racontars de candidats vantards. L'électeur est son propre narrateur. Que de temps perdu dont il est à la recherche ! L'électeur s'insère dans un scrutin proustien. Il jouit du monopole de la narration. Narrer nuit grave au candidat. Hollande, regard noir, le rappelle à Copé, qui se marre. Maintenant, on arrête de narrer !

Reine d'un jour

"Il appartiendra au peuple de décider". Les papabile d'Elysée rivalisent de générosité. Ces messieurs sont trop bons. Bref, le peuple mange son pain blanc. Il n'a jamais possédé autant de vertus. Il est riche de tous les possibles. Or la prospérité du peuple se limite au bail précaire. Elle ne dure que le temps d'une campagne.
Les lendemains de scrutin sonnent le tocsin du déclin. Le peuple a voté. Le suffrage est dans l'urne. Il s'est dépouillé de ses biens. Plus rien ne lui appartient. Il n'est plus propriétaire de son avenir. Finie la kermesse aux promesses, finie l'euphorie. Le peuple a la gueule de bois.
Vient alors le long temps mort de sa souveraineté. Le peuple rentre dans le rang. Il baisse la nuque sur ses petites économies. On lui a dérobé son suffrage. Il n'était qu'une créature de rêve, reine d'un jour.

jeudi 15 mars 2012

Sale race

Le concept de race est historiquement daté. Il résulte des ratés d'une science défaillante, écartelée entre la croyance et l'idéologie. La biologie moderne a tordu le cou à pareil mythe.
La couleur de peau peut varier sans pour autant fragmenter l'unité du genre humain. Au nom d'une race hypothétique, des hommes de civilisation germanique ont théorisé des délires, systématisé la barbarie, produit l'effroyable "solution finale". Le mot race est entaché du démonisme nazi. Sale race. Trop de maux pèsent sur ce mot sans référent. Il n'est d'aucune nécessité dans notre loi commune. La justice se nourrit de justesse. Au diable, la race !
Mais, pour faire bonne mesure, il convient de se conformer jusqu'au bout à cette logique d'exclusion lexicale. Il faut, dans la foulée, rayer les mots "racisme", "racial", "racé", du dictionnaire des écoliers. Pas plus que la race, le racisme n'existe. En revanche, l'intolérance et le fanatisme, si.

mercredi 14 mars 2012

Pouah !

Feuillets sans beauté. Travail bâclé. La hâte du mot de journal contamine la petite plume de volume. L'ouvrier malhabile assemble ses voyelles comme un bloc d'automobile.
Il concasse les chromes sans souci du bas de casse. Un bruit d'usine exécute la phrase. Les cadences sont une offense au silence. On ne lit que des délits. La langue d'ici baigne dans son cambouis.

lundi 12 mars 2012

Faire président

Quoi faire ? Quoi faire de sa peau ? Quoi faire dans la vie ? Quoi faire sur la terre ? "Faire président". Sarkozy est du genre rentre-dedans. Il répond "président" comme il dirait "présent" à l'appel d'un adjudant. Il répond "faire président" comme un marmouset rêve de "faire pompier".
Faire président, c'est faire le job ou faire le show. C'est massacrer la langue française. Mais au delà du mal parler, on peine à discerner les ressorts à vouloir se hisser au rang de chef parmi les chefs. On imagine au temps des culottes courtes un petit garçon, dans la mêlée de la récréation, qui songe au glorieux horizon. Serment d'ivrogne pour les moins aguerris. Au pays de Marianne, le désir d'être roi est l'implacable loi d'une poignée de garnements à l'ombre des préaux.
On imagine mal ce qui réunit de Gaulle et Sarkozy, Giscard et Hollande, Mitterrand et Pompidou. Ces hommes ont souhaité gouverner un peuple. Certains l'ont voulu dès la petite enfance. Ils se sont regardés dans la glace dès leurs premiers boutons sur le visage. Ils ont conversé avec leur reflet. "Faire président". "Maître du monde". Ils annonçaient la couleur. Narcissisme converti en destin. Une solitude rêvait à une autre solitude.
D'accord pour de Gaulle, Giscard ou Sarkozy. Peut-être pour Hollande et Mitterrand. J'en doute pour Chirac et Pompidou. Chirac fut un enfant chef de bande qui caillassa, plus qu'il ne caressa, l'idée d'Elysée. Pompidou s'est retrouvé par hasard dans un film écrit par de Gaulle. Chef de classe, Hollande dévoila son ambition, révéla sa promesse de servir un collectif à visage de nation. Complexe est Mitterrand: sa haine de De Gaulle ravive à chaque instant son besoin d'en découdre, de se mesurer au grand homme, de régner plus longtemps.
Restent les appelés de toute éternité. De Gaulle songe plus haut que les autres. Autre chose à faire que président. Il embellit son enfance de sublimes rêveries. A l'épreuve du miroir, il était chef de guerre, sauveur d'une princesse de légende. De Gaulle s'enterra vivant dans l'Histoire. Il créa sa légitimité de toutes pièces, convoqua le peuple après coup.
Giscard est né perché. Il surplombe le commun des mortels. Il est doté d'une supériorité patricienne. Il figure l'exacte adéquation du produit d'école au profil de la fonction. L'échec lui était interdit. L'erreur en incomba au peuple ignorant.
Sarkozy situe sa présidence dans une longue impatience de reconnaissance. La revanche se lit dans son mouvement de hanches. On lui doit une nouvelle manière d'être roi. "Faire président" comme on fait de l'argent. Faire comme si c'était vrai. Emerveillement d'un enfant-président.
Voilà pour notre République. Il est pourtant des chefs dont la parole importe peu. L'anthropologue Pierre Clastres nous rappelle que les indiens Chulupi du Paraguay ne confie à leur chef qu'un pouvoir nul, celui de discourir et pas plus. Personne n'écoute la parole du chef. "Le chef qui veut faire le chef, on l'abandonne" (La Société contre l'Etat, page 134, Les Editions de Minuit, 1974 ). Sagesse de société primitive.

vendredi 9 mars 2012

L'Octave de Proust

Entre un Sarkozy hors normes et un Hollande bonhomme, le peuple sonné s'interroge. Il toise l'un et l'autre chef de bande: le boulimique et l'empathique. On juge d'un bilan. Fond de roulement du tambour Sarkozy. Hollande est dispensé de présenter ses papiers. Pas de passé. Ronds dans l'eau d'un moniteur de pédalo.
Harpagon et sa cassette. Sarkozy et son bilan, c'est Octave et ses raquettes. "Car il ne pouvait jamais "rester sans rien faire", quoiqu'il ne fît d'ailleurs jamais rien" (A la recherche du temps perdu). Cioran précise Proust. "N'avoir rien accompli et mourir en surmené" (Aveux et anathèmes). Leur visage vaut témoignage. Hollande est aux anges, Sarkozy dans les choux. "Moi ou le chaos ?" tonne Jupiter à terre. Moi, chaos, sont des mots gaulliens pour ne pas dire néant.

mercredi 7 mars 2012

Morne campagne

Les temps sont durs. Austères sont les candidats. Ciel bas du débat. Le brouillard de l'avenir est à couper au couteau. Ennui provincial de la campagne. Dans les tourbes de la crise, s'enlisent les promesses. Rien à dire au peuple.
La grisaille du constat a déteint sur les candidats. Les couleurs vives d'un prochain été sont remisées au grenier. Les discoureurs n'éveillent aucune espérance. Cette élection est la saison morte d'une quelconque séduction. Les matins blêmes de la campagne sont sans lendemain. Dans la pâleur des projets, on peine à discerner une ferveur. Ségolène nous manque comme une lumière de scène.

mardi 6 mars 2012

La phrase

Je me cale dans le fauteuil. Je m'installe dans la phrase. C'est un dessin sinueux qui se grave dans les yeux. Il m'accueille dans ses cercles et savantes arabesques. Je cède à ses prestiges. Je me laisse vivre à train de calèche.
Je suis bien dans la phrase. J'entends sa voix contre moi. Inutile d'en forcer le timbre. Elle se lit d'après la pente, sans contre-penchant. Elle rayonne de précision. Elle jette un sortilège à l'amateur. Elle l'enveloppe dans une charmante douceur, un long bonheur d'incarcéré. Rien ne la ponctue, sauf les yeux d'un intrus.

Scrutin consanguin

Meetings et marketing. Ils haranguent des troupes électrisées. L'exaltation fonctionne en vase clos. On mime l'émoi de la victoire, on s'exerce au scrutin consanguin.
Le candidat déclame ses poèmes de campagne. La Marseillaise ponctue la quinzaine commerciale. On se méfie de l'étranger. On a peur du regard de l'autre. On craint la liberté de filmer. L'image maison est préférée à celle de télévision. Avant de "produire français", on fabrique partisan.
La géographie des meetings donne le tournis. Le tour de chant des prétendants vise le seul tympan des sympathisants. "Panem et circenses". Le cirque précède le pain. La chanson édulcore le quotidien. Les fauves confisquent les micros et les singes crient bravo. On songe à Flaubert. On est terrifié par "la bêtise à front de taureau".

lundi 5 mars 2012

Le sanglot du tsar

Poutine triche. Poutine pleurniche. Il truque les urnes. Il craque en public. "C'est le vent !". Le sanglot du tsar n'émeut guère. L'ami de Bachar est insensible aux tueries de Syrie. Le sanglot du tsar n'est qu'une larme de crocodile, l'abject clin d'oeil au sanguinaire Bachar. "C'est le vent ! ". Parole de despote. Un jour viendra où le vent de l'Histoire balaiera sa figure de plâtre.

samedi 3 mars 2012

Proust

On n'échappe pas à sa phrase. Proust se sert des mots comme d'un lasso. Il nous ficelle à son missel. S'y célèbrent la cérémonie du temps, un rituel des signes essentiels, l'opaque étrangeté des ciels, une lente appréciation du règne des sensations. S'y mêle la règle des choses.
Dans sa tumultueuse immobilité, La Recherche est fugitive. La vie n'est qu'une question de secondes. Elle se sauve dans un silence d'hémorragie. Proust est fait comme un rat. S'il écrit, c'est qu'il cède à la panique. Des décombres de la durée, il préserve la majesté d'être né.

jeudi 1 mars 2012

Les riches

Haine des riches. Amour des pauvres. Le manichéisme soulage la conscience. L'accès au paradis est interdit aux salauds de riches, aux gros chameaux des Ecritures.
A la vue du riche, le fisc reprend du poil de la bête. Le fisc confisque. Fait le job. Les riches sont impardonnables. Ils trichent avec l'égalité. Ils se fichent de la fraternité. Ils s'entichent de la seule liberté. Ils n'appartiennent qu'à une République low cost.
Le sourire des riches ternit la figure de la société. La jouissance heurte la décence. La jalousie décide alors du sort des riches. Raid punitif du fisc. Les riches sont incorrigibles. Les gens d'argent traînent leur désabusement sur un visage sans contentement. Ils sont séquestrés dans des prisons dorées. Ils manquent d'amour, ont soif de reconnaissance. Ils sont honnis comme les prix d'excellence de jadis. On ostracise les riches. On leur dénie toute humanité. Ce sont des bêtes blessées qui dérivent dans l'arène. Le fisc leur donne l'estocade.