jeudi 28 mars 2013

Le vent du Pacifique

Du côté de la mer où le soleil se terre. Je toise le ciel turquoise. Chute une étoile dans l'eau rouge. Le vent du Pacifique ploie les corps, les palmes et la vieille aurore.
J'ai le gosier chauffé d'alcool de cactus. Le soleil se noie comme le veut la loi. Moi je bois. Je ne vois qu'égratignures d'océan et royauté d'instant.
Au matin, je me réveille rue des Grands Magasins. Je reprends les récits de Flaubert, histoire de stopper l'hémorragie de rêveries. Je ne suis pas parti de Paris.

mercredi 27 mars 2013

La force d'un caprice

Le soleil chauffe ma nuque. J'ai remué la poussière d'un tiroir, retrouvé les crayonnés noirs d'une lointaine histoire. J'envie ces temps d'oubli où j'aimais dessiner.
Parfois encore, je suis démangé par le désir d'en découdre avec des contours, de laisser la main errer sur du papier grossier.
Avec les années, je cherche le lieu où crayonner. Je tourne en rond dans ma maison sans petit coin où rassasier le besoin de gribouiller. Je sais l'endroit où lire, sans réfléchir, moins bien où m'attabler pour figurer. A vaincre pareil embarras, je mesurerai la force d'un caprice.

mardi 26 mars 2013

Air Félicité

Avant de prendre l'avion, je ne néglige aucune précaution. Je verrouille mon horizon. Je veille aux provisions. Je bâtis des piles que je détruis selon ma fantaisie. Je soigne le concept de "livre de trajet".
Je pratique l'inégalité de traitement en toute impunité. Je privilégie Flaubert. "Trois contes" à cause de Félicité. Et La Correspondance pour l'agrément des sens.
Les deux bouquins, le gros et le mince, résultent d'un choix souverain. Ils ne sont pas négociables. A cela, j'ajouterai des textes secs de Chardonne, "Rodogune" de Mandiargues, de la lumière d'Italie aux ciels gris de Normandie.
Des textes courts pour ne pas m'exclure du paysage. A vrai dire, j'ai envie de percer le secret de Félicité, de déchiffrer les arcanes d'"Un coeur simple". Aux dernières nouvelles, indépendamment du ciel, je vais voyager sur Air Félicité.

lundi 25 mars 2013

Le bonjour d'Albert

On s'embrouille dans la carte. On sort de l'autoroute, direction Péronne. La fantaisie nous conduit à Albert, Picardie. Bourgade maussade cerclée de grisaille.
Les fossés sont tapissés d'une vieille neige ouvragée. On cogne les portières sur le parking gris souris. La joue des hommes ressent la froide piqûre de la nature. On s'agglomère à l'hôtellerie d'Albert. Au pays du coquelicot, la façade du ferronnier est criblée de scies à métaux.
On boit du champagne citronné. On banquète à la bonne franquette. On jouit des victuailles. On fête François, Emmanuelle et Yves, qui franchissent ensemble le col du demi-siècle. Les trois échappés figurent au palmarès d'une tendre gentillesse.
Yves est un garçon juste de ton. Il danse seul comme le faisait Philippe Clay, à moitié désossé. Les enfants lorgnent les ballons du plafond.
Le frère de François a soigné la pâtisserie. L'orfèvre excelle en vacherin au cassis. Emmanuelle sait qu'il fait beau quand on vit par défaut. Elle offre aux invités sa bouille ronde en soleil.
On parle de rien à ses voisins de destin. Le repas dure une bonne heure par plat. Il est tard sur les toits d'ardoise. On quitte Albert, sa fête éphémère, ses sourires d'anniversaires.

samedi 23 mars 2013

Vulgarité des exactions

Florilège des postures de privilège. Je m'aventure dans la recension des quotidiennes corruptions. Danse du ventre autour d'une vieille dame fortunée. Argent baladeur du ministre des rigueurs. Papabile d'Elysée englué dans une sexualité embrouillée. Vulgarité des exactions.
Une cheftaine de patronat réécrit la loi de sa boutique, s'échauffe pour son mandat de petite reine. Nos bons messieurs ont ses mêmes yeux, bleus ambitieux.
Un champion cycliste braque un peloton, lui extorque sept "grandes boucles", se bourre de potion magique. Au vu et au su des instances de vertu.
La corruption est l'herbe folle de la nation. Elle pousse dans nos labours comme du chiendent frivole. Nous vivons l'actuelle tourmente dans le terrain vague des gens qui mentent. La puissance se plaît à l'indécence. L'impudeur de faussaire impose sa terreur ordinaire.

vendredi 22 mars 2013

Boudoir du livre

On est enfourné dans un compartiment. L'accordéon de l'indigent déride peu le mortuaire wagon. La philosophie s'exerce dans le boudoir. Mais le livre se feuillette au salon, porte de Versailles.
Les mots se sont substitués aux bestiaux. La bande dessinée est aimée des stands. Le grassouillet Grasset soigne ses ouailles. On s'y rue pour un gobelet de champagne rosé.
Les ouvrages pimpants sont alignés comme des fusillés au petit matin. Je cherche Fata Morgana dans une botte de fracas. On serre trois mains. Je cède à la nostalgie du métropolitain.

jeudi 21 mars 2013

Les charcutiers de Pécuchet

Jour de mars, jour de marche. Je longe des corridors, gravis des escalators. Corps à corps. Le métro répand sa flaque de gens. Le froid claque, quai Mauriac.
Je me rends bibliothèque Mitterrand. Je frôle ses hauts totems de vieux poèmes. Les tours de verre appartiennent à notre préhistoire. Elles traduisent le délire pharaonique d'une république rangée des voitures numériques.
Une poignée de lettrés bavarde de "Bouvard et Pécuchet". Les manuscrits de Flaubert font l'objet d'un culte "généticien". Le loustic de Croisset est soumis à la "génétique" des textes. Les généticiens en l'espèce sont atteints d'ivresse des archives.
Je me souviens du coup de gueule du grand Gustave: "Ils sont mouchards faute de pouvoir être soldats". Les pions d'auditorium dissèquent la bête d'un air bonhomme. Je rassemble mes effets, fends la travée, transmets mes respects aux charcutiers de Pécuchet.

mercredi 20 mars 2013

Olga Georges-Picot

L'appartement sent la colle. L'ouvrier martèle, démangé par l'outil. J'ai envie d'admirer malgré la mélancolie du bruit.
Olga Georges-Picot m'aide à trouver mes mots. M'émeuvent le film de Resnais et la mort défenestrée. Olga squatte ma tête. C'est une renégate de cinéma, une anonyme fiancée sur la candeur d'un drap. C'est la radieuse compagne de Staël ou Deleuze.
La femme de "Je t'aime, je t'aime" excède la beauté des poèmes. J'ai besoin d'Olga comme de l'anniversaire de papa. J'ai hâte de voir son visage, de revenir à l'âge de mes premiers paysages. J'ai peur du noir au fond de ses regards.

mardi 19 mars 2013

Jeu frivole

Avant d'écrire, il faut répandre un peu de matière sur la page, des bribes de phrases, des bouts de mots. Puis, il convient de touiller, d'ajouter une pincée de brutale fantaisie. On laisse reposer. Vient l'heure de la ciselure, du rabot et des fines finitions. On n'en mène pas large outre mesure.
Lire à voix haute. Tailler à nouveau. Lacérer le papier. Refaire. On se brûle au jeu frivole. On est échaudé de s'être fourré tout entier dans le brasier. Les entailles des phalanges témoignent d'une souffrance. Les voyelles laissent des séquelles.

lundi 18 mars 2013

Max Gallo papal

J'écoute François, lecteur de Bloy. Je vois le visage oblong d'un rejeton du Piémont, entre ombre et lumière, sourire et masque sévère. Dans la physionomie de Jorge Mario Bergoglio, j'identifie une sorte de Max Gallo papal. On se souvient du porte-parole d'un président qu'on appelait "Dieu".
Bergoglio ne craint pas les bondieuseries, parle du diable sans cachotterie. Aux pires heures de la nuit, il ne s'est affranchi de Dostoïevski. On sent qu'il se plaît à la parabole.
François n'est pas un scribe de la loi mais un prédicateur de la foi. L'Evangile de la femme adultère nous révèle Jésus, traceur de signes sur la terre. L'écriture n'est alors qu'une contenance destinée à chasser la violence. Nulle part ailleurs, Jésus ne se penche pour écrire. Il n'use que de la parole et des mots qui s'envolent.
Les livres appartiennent à la seule théologie. François prêche "la vérité, la bonté et la beauté" à l'assemblée du péché.

vendredi 15 mars 2013

Un voyage de proximité

Un lent cortège d'hommes coquelicots chemine dans la chapelle Sixtine. L'effarante peinture des murs enveloppe les murmures. L'homme blanc claudique dans un corps cylindrique. Il insère sa ronde silhouette dans les fresques de chair céleste.
François se rit des rois. François se dépouille de soi, ne garde que la foi. Il ne lit pas l'homélie. L'homme de Jésus met les points sur les i. Il prêche avec ses yeux, convainc avec ses mains. Son menton donne le ton.
L'amour du Christ ne peut s'apparenter à quelque "ohennegeai" d'estimable secours. Le pape argentin exhorte à la marche des pèlerins. L'attention au prochain nécessite un voyage de proximité.

jeudi 14 mars 2013

Le pape de la Pampa

Au Vatican, on vaticine. La place du Bon Dieu est bondée. Bergoglio a démêlé l'imbroglio. L'homme de la Sixtine vient d'Argentine. Le pape François ne veut pas d'un nom de roi. Bergoglio évoque le Poverello. Il prie dans le sillage du petit pauvre d'Ombrie. Il parle le papal sans étole sur l'épaule.
Les yeux des moniales pétillent sous la pluie. L'anonyme de la loggia est un pape de la Pampa. Il appartient à la génération Y du crucifix sur la poitrine. L'Italie mobilise ses trompettistes de fanfare.

mardi 12 mars 2013

Les ronchons de Dijon

Sa première dame déplaît. Le gros François déçoit. Il sourit, fait la toupie dans la foule, ne sait plus où donner de la tête, serre des doigts au kilomètre, baise la joue des mères et des filles.
A Dijon, ils sont ronchons. On les dirait sortis de leur village comme d'un sondage. Le peuple demande du pain, le monarque tend sa main. Joyeuse nature, Hollande villégiature à la préfecture. 
Sa compagne est une erreur de casting comme sa campagne fut un bonheur bref de marketing. François distribue des louches comme Marie-Antoinette des brioches. La rogne gagne la Bourgogne.
A force d'entendre parler d'épousailles et de promesses pour tous, les Dijonnais confondent haies d'honneur et huées d'humeur. Ils innovent dans le slogan décapant. "Ne vous mariez pas, on l'aime pas !". Giscard aussi s'appelait Valérie. Fille ou garçon, c'est un prénom qui porte malheur. 

lundi 11 mars 2013

Je hais les ouvriers

Ils scient, rabotent, martèlent. Cassent et fracassent. Ils sont chez eux chez moi comme j'imagine voleurs et rois. Ils fabriquent des échauffourées. Ils dépavent, élèvent des barricades.
Leur chef est bref. Brouillon comme un papillon. Faux-jeton comme un petit patron. Il fuit devant les fuites, se planque quand on le sonne.
Les ouvriers vont au chantier comme des enfants à la crèche. Ils travaillent peu mais fort. Entrent et sortent comme au théâtre des portes qui claquent. Onomatopées de malappris, cris et grondements d'outils. Ils livrent une guerre d'usure dans un brouillard de sciure. On dirait le raid mécanique d'une bête sans tête, l'inexorable dandinement d'un canard frénétique.
Au fil des semaines, ils compressent l'espace, s'acclimatent au rythme de limace. Ils poignardent une demeure à longueur de torpeur. Je hais les ouvriers.

dimanche 10 mars 2013

Louis le preux

C'est lui. Louis. Le louis d'or du tournoi. C'est Louis qui s'y colle, qui jamais ne cale. C'est Louis qui plaque, brandit et aplatit. Lui Louis, c'est Picamoles, grande gueule, Picamoles tout seul. Louis Picamoles caracole quand quatorze dégringolent. Il s'est extrait du Quinze comme d'une mêlée peureuse, à la peine, emmêlée dans sa chaîne. Il n'aboie pas, il colmate, il attaque. Il supplée ses trois-quarts par ses trouées d'épopée.
Picamoles leur fait mal. Au Quatorze tricolore et au Quinze d'Irlande. Son grand corps se voûte à l'approche de l'en-but. Sa tête penche sur un buste où loge l'ovale de cuir blotti. Picamoles veille à sa balle comme un père sur un songe de petite fille. Il défend sa princesse de ses fiers biceps.
De un à quinze, au milieu, il y a le huit de Picamoles. Le huit de Dublin est au centre du terrain. Il pleut sur Louis le preux. Il cueille un ballon à la barbe de l'ailier félon. Le beau décathlonien, qui court, saute et lance, sauve la France d'un quatrième fiasco.

Ainsi soit Staël

J'ai retrouvé mes notes de la bibliothèque Sainte Geneviève. Je recopiais ce qui me plaisait de la littérature sur Staël. J'ai reproduit le dessin d'un visage.
Depuis trente années, le peintre loge à demeure dans mes pensées. J'ai fini ma prière. Ainsi soit Staël. La poignée de feuillets fait un bouquet. Je l'offre à qui veut.
Ce texte timide, au début je l'ai baptisé "Le dernier des idiots", en référence à Muichkine et Flaubert. Il figurait dans un recueil de chroniques composites dont j'aimais - et dont j'adore encore le titre - "La plus belle fille du monde".
Chemin faisant, d'autres noms de couverture ont troublé mon sommeil. Je gueulais leurs syllabes afin d'y voir clair: "Attention peinture", "Lettre à Staël","Le type d'Antibes", "Staël, ciel et toiles", "Lavandou, derniers jours", "Rouge Petersbourg", "L'amour sur les murs".
J'ai penché longtemps pour "L'amour sur les murs". Je considère qu'il s'agit d'une juste définition de la peinture.
J'ai lu les textes du peintre, des lettres sauvages, des pages de grâce. "J'ai besoin de cette fille pour m'abîmer". On ne sait si Nicolas de Staël parle de Jeanne ou de ses toiles. C'est le sujet du petit livre. J'ai rangé mon crayon à papier, ma gomme et mon cahier. Je suis sorti de la Bibliothèque Nationale, face au square aux allégories de fleuves. J'ai cherché un soleil. Ainsi soit Staël.

jeudi 7 mars 2013

Doigt dans l'oeil national

Le consensuel Hessel était d'instinct droitier. L'homme était droit dans ses bottes des droits de l'homme. Il était l'ami de la cité et de la publicité. Il guérissait les crapules de leurs pénibles scrupules.
On enterre une belle âme dans un détestable ramdam. On valide les points, les "smiles" de hall de gare, les sourires du pépère, au poinçonneur des Invalides. Tambours, discours. Tous les bons scouts écoutent en rang d'oignons. Gouvernement de cire ne saurait mentir.
Pourquoi diable refuser à Hessel ce qu'on accorde à Chavez: sept jours de doigt dans l'oeil national ?

Rue de Miromesnil

Sarkozy bâille quand on lui parle de politicaille. Dans sa grande bonté, l'Etat, bon prince, lui paie de somptueux espaces, rue de Miromesnil, pour ses causeries plein tarif.
Dans son gueuloir à conférences, Sarkozy jouit des ratages de la droite et des couacs de la gauche. Il prie pour la chienlit dans le pays. Il se délecte des futures calamités.
Hollande, qui n'est jamais que Blum III, s'empêtrera dans son électorat. Sarkozy sourit de l'expédition malienne. Il considère que sa traversée du désert, rue de Miromesnil, est indexée sur les sables du Sahel.

mercredi 6 mars 2013

Soixante ans

C'est la Sainte Félicité. Je pense à la brave fille d'Un Coeur Simple. J'ai soixante ans et de l'amylase en excédent. Avec soixante minutes, on fait une heure. J'ignore si soixante ans suffisent à faire une vie.
Proust est mort, il y a dix ans. Flaubert l'année dernière. Dostoïevski aussi.
Moi j'ai l'âge de Bernanos sur son lit de mort de Neuilly. Bernanos est tombé sur un os. Le fils de tapissier se savait condamné. Les sourires de grandes personnes l'avaient instruit.
"Certes ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus" (Les Grands Cimetières sous la Lune). Culottes courtes et carottes cuites. Chateaubriand nous enterrera tous.

L'autre idiot

A dix-sept ans, Flaubert écrit à Ernest Chevalier: "Je suis à moitié des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, c'est admirable. Voilà la vraie école de style" (11 octobre 1838).
Dix-sept jours plus tard, Flaubert persévère: "J'ai presque fini Les Confessions de Rousseau. Je t'engage fort à lire cette oeuvre admirable, c'est là la vraie école de style". Un mois après, il ranime une même ferveur, radote avec sa marotte: "Tu as lu Rousseau, dis-tu. - Quel homme !"
L'épistolier normand traite Ernest en premier communiant: "Tâche de croire à l'intégrité des ministres, à la chasteté des putains..., alors tu seras heureux et au trois quart imbécile". Flaubert est barricadé dans ses cahiers. Il se plaît à la félicité de l'été. Il trouve la pluie à Trouville. Il lit Rabelais, Corneille, Shakespeare.
Il y a deux variétés d'idiot: le prince Muichkine et l'autre, le crétin des Pyrénées. Flaubert obéit. Flaubert va voir à la cuisine s'il y est. Flaubert révèle une désolante crédulité. Le père s'exaspère, rédige le diagnostic: "Idiot de la famille". Sartre grabataire en fera un gros bouquin testamentaire.

mardi 5 mars 2013

Filochard au Mali

Belmokhtar ressemble à Filochard avec son oeil crevé de kamikaze du désert. Il appartient à une bande de cinglés, genre Pieds-Nickelés. C'est un produit dérivé de la bande dessinée Al Quaïda.
Sur l'image obligatoire de la télé du soir, Filochard a l'oeil noir du cabochard. Derrière lui, on voit des indigents qui sautent à la corde. Derrière encore, l'ocre d'un sable qui n'est pas de plage.
Le Tchad abhorre les tièdes. Belmokthar est mort. Foi des soldats de N'Djamena. A Paris, on se cantonne à l'indécis. Avec la guerre au Mali, on considère la transparence comme une anomalie de la démocratie. Les hommes périssent en secret, loin des greffiers.

lundi 4 mars 2013

Les dents

Ils parlent sans arrêt comme s'ils vivaient dans le noir et qu'ils avaient peur de la longueur du soir. Je songe à Ponge: "Il n'y a pas à dire: quand on parle, ça découvre les dents".
Les salons sont des lieux de causerie, des ateliers de tricots, de décrassage des pouces sur l'alphabet d'écran. Le langage est un désespoir de bête sauvage. Il tambourine le malaise animal. Il fait du bruit, sonorise la nuit. Il brandit la mâchoire comme un guerrier ses pierres. Il jette son énergie dans la bagarre des phonèmes.

dimanche 3 mars 2013

Le grand Gustave

Parler de Flaubert, d'amour, sans évoquer Madame Schlesinger, sans esquisser le bord de mer, Trouville, les roches noires, son atmosphère, c'est faillir grave à sa mémoire.
Au petit gueuloir du Luxembourg, l'académique Winock disqualifie sa biographie. Il confesse une paresse. Pas un mot d'universitaire sur la belle étrangère de Flaubert.
Les récits des autres vies s'apparentent à des coups de canif, sauvagement plantés dans la pierre de statuaire. Le frivole biographe essuie sa petite griffe sur le dos du grand Gustave.