mercredi 30 novembre 2011

A partir de janvier...

Maurice Lévy, le patron de Publicis, clame sur les toits, sur une demi-page du Monde, sa vertu morale, son humble désintéressement, sa discrétion vis-à-vis de l'argent. Pareille bonne conscience, semblable propagande éthique, est tout simplement confondante.
Le titre de l'entretien annonce la couleur. Il laisse songeur. "A partir de janvier 2012, je n'aurai plus de rémunération fixe". Dans le corps du texte, le président citoyen précise le sens du sacrifice: "Je veux "hypermériter" ma rétribution, quelle qu'elle soit".
Le vieux capitaine d'industrie ne s'abandonne pas aux délices du pédalo. Il risque sa légitimité. Ben voyons! Le généreux bénévolat de l'as de la publicité n'intéresse qu'un nombril hypertrophié, dévoré par l'exhibition de son meilleur profil. Je doute qu'il ne passionne le lecteur du Monde.
A partir de janvier, Lulu, senior rangé des voitures, aura perdu son métier. A partir de janvier, Lili, jeune diplômée, n'aura pas trouvé de travail. A partir de janvier, Lola, mère célibataire, ne pourra plus payer ses factures.
Moi-même, à partir de maintenant, j'aurai cessé de lire l'impudique discours de contentement de soi d'un prince frivole, à mille lieues du peuple, à des années-lumière de la crise. Si d'aventure M. Lévy mérite quelque chose, c'est le mépris.

Trop dur

La réalité ne se laisse pas faire. Elle ne s'imagine pas. Elle cultive la démesure comme aucune fiction ne saurait. Sa douce folie dépasse le champ des fantaisies. On ouvre le journal comme un missel selon Hegel. On ouvre le journal comme le livre des records. C'est arrivé près de chez nous.
Un garnement viole un jeune enfant: onze et quatre ans. No comment. Un homme se débarrasse d'un petit garçon de trois ans, l'essore dans un lave-linge. La société est bouche bée.
L'or s'arrache à coups de kalachnikov. L'arme de guerre est monnaie courante dans les ruelles de Marseille.
J'éteins le poste. Je me gratte la tête. Ma femme cherche son briquet. Les volutes de fumée ont déserté les bars-tabac. On enquiquine les clopeurs, qui ne font pas peur. Les étudiants boivent comme des trous. Tout le monde s'en fout. Vente libre dans une jeunesse libre.
On détourne la tête. On change de sujet. On se réfugie dans la parole. On s'abrite derrière l'image. On fait des films. On n'ose pas se mesurer à la réalité. Trop dur.

mardi 29 novembre 2011

Des cavaliers désarçonnés

Personne ne croit plus personne. Surtout les banques qui se regardent en chiens de faïence. Les cartes sont biseautées. On commerce entre menteurs. On interrompt l'échange. Avant la violence du vol.
Le crédit est un acte de foi, vite obsolète quand on toise autrui du coin de l'oeil. Les marchés sont un théâtre d'opérations, un champ de décisions où "l'homme est un loup pour l'homme". Hobbes est tapi dans l'ombre du capitalisme financier. Or la confiance ne se restaure pas comme un monument historique. La vertu des simples a depuis trop longtemps déserté la conscience des princes de notre temps. Leur cupidité n'a d'égale que l'envie du sort d'autrui et la haine des fortunes rivales. Girard a tout écrit sur la question du ressentiment.
L'Europe ment comme un arracheur de faux bilans. On maquille la vérité, un peu comme en France, beaucoup comme en Italie, à la folie comme en Grèce. Même l'Allemagne n'est pas plus fourmi que les pays de plein soleil. L'Europe s'est fardée pour séduire.
La tromperie circule dans l'économie comme un venin destructeur. C'est un serpent qui répand la peur et libère la violence. Si les pactes entre nations ne sont plus respectés, alors la loi ne contraint plus, ne fait plus obligation. La confiance n'est pas rétablie par l'autorité d'un décret. Elle a besoin d'un modèle convaincant. La foi du disciple se calque sur l'exemplarité christique.
Nos économies vivent au-dessus de leurs moyens, survivent en-deçà de leurs ambitions. La comédie se joue depuis des lustres. A guichets fermés. Cela sied à tous, peuples et princes. On y troque les suffrages contre l'Etat-providence. Jusqu'au jour où les marchés rabat-joie suspendent la représentation. Jusqu'au jour où "le prêteur en dernier ressort" renâcle, rechigne, refuse comme un cheval devant l'obstacle. Nous sommes alors des cavaliers désarçonnés.

Le Guépard

"Hectic" est le mot qui s'applique aux figures squelettiques des cités mécaniques. Dans les couloirs de transit, les corps se jettent au devant de leur mort. Ils se désaxent, se déboitent, se ruent à l'assaut du château des désirs.
S'arrêtent les branlants, les mendiants, quémandeurs de l'instant. Ces volontés impérieuses sont des coups de vent sculptés, sortis du couteau de Giacometti. Leur vitesse est une ivresse triste.
Du temps de Garibaldi, dans une Sicile aux âmes éclaboussées de majesté paysanne, j'ai reposé mes yeux au spectacle d'un prince. Les corps du "Guépard" sont lents et souples, leur allure indécise. Ils tournoient entre soi, jouissent d'une luisante décadence, exhibent leurs dernières griffes.
J'ai la nostalgie des fauves ensommeillés qui paressent au soleil. J'ai le goût des splendeurs, du secret des demeures.

Lynchage de l'Allemagne

L'actuelle débandade de la zone euro entaille la crédibilité de l'attelage communautaire. L'Allemagne est brocardée. On stigmatise son dogmatisme monétaire. La chancelière refuse toute politique inflationniste de la banque centrale, au motif d'une douloureuse mémoire, au nom d'historiques misères.
Pas un jour sans que le cercle des experts français ne lui fasse la leçon, ne lui administre un zéro pointé, n'explique que pareil réflexe est de nature à contrarier ses propres intérêts. Il m'est difficile d'imaginer qu'outre-Rhin on méconnaisse autant le sens du devoir national.
Sauf à considérer le peuple allemand comme fauteur de conflits pour l'éternité ou ses laborieux dirigeants comme des benêts congénitaux. Sauf à regarder la situation, du haut de notre arrogance proverbiale, en sermonneurs récurrents.
Je doute de la sottise germanique. Nous assistons à un lynchage de l'Allemagne des plus suspects.

lundi 28 novembre 2011

Nouvelles du front

Abandon de Borloo. Reddition de Villepin. Nullité de Morin. Les petits choses de la République ont ramassé leurs effets et débarrassé le plancher. Morin compte pour rien. Sarkozy a nettoyé l'espace à droite. Opération karcher réussi.
Sarkozy dispose d'un chef de parti un peu trop poli. Copé n'est pas son meilleur copain. Copé colle à son sourire fourbe de traître idéal. C'est le pire adversaire de Sarkozy.
A longueur de journées, à chacune des tournées, Hollande serre des mains. Il réenchante le rêve d'un mouvement de poignet. La foule se lasse un peu de ses yeux de hibou. Joly et Mélenchon jouent aux fléchettes sur ses premières affichettes de campagne. Bayrou amorce son troisième tour de piste en vieux briscard, doyen du scrutin. On connaît sa musique.

vendredi 25 novembre 2011

Jouer sur le central

C'est écrit dans le ciel. A la saison des présidentielles, Bayrou sort de son Béarn natal et remonte sur son cheval. A dos de percheron, il quitte l'hibernation pour les suffrages de la nation.
Bayrou vieillit comme tous les vieux de son pays. Il radote, ressasse, sermonne. L'âge est à la vantardise. Il raconte ses guerres, exhibe ses balafres. Méridional triste, méridional quand même.
Bayrou s'aime au centre. Veut jouer sur le central. Il s'aimerait davantage président. C'est un rêve d'enfant bégayeur et batailleur. Le hic, c'est que Bayrou a toujours raison d'avance. Le peuple, un peu retardé sur les bords, ne le vaut pas. L'autiste du centre est un autocrate dans le sang.

jeudi 24 novembre 2011

Un scribouillard du dimanche

Chevillard se paie la tête de Giscard. Il épingle l'indigence littéraire du poète entêté. L'absurde opuscule appartient à la catégorie des textes destinés à la casse imaginaire, selon Beckett: celle "des livres qui faudraient pas". On ne sait si les lire n'est pas pire que les écrire. Pour ce faire, on s'arme du rire "hénaurme", jubilatoire d'un homme de gueuloir, Flaubert.
Giscard n'a aucun complexe, peu de culture, une vanité illimitée. Il méconnaît le travail en toute ingénuité. Cet homme n'a pas honte de sa médiocrité. Il exerce un droit d'écrire dans une démocratie participative. Il a son fauteuil, quai de Conti. N'en déplaise à l'Académie, c'est une faute de français.
Giscard est un scribouillard du dimanche, dans toute sa misère. Il pratique son dérivatif sans nègre, ni plagiat. Avec courage. Il rédige de la camelote éditoriale sans aide d'aucune sorte. Giscard à la barre est fier d'accomplir son oeuvre en solitaire.
Et vlan pour Rama Yade, Alain Minc, Jacques Attali et quantités de sous-ministres contrefacteurs, saisis par la débauche des belles lettres !
Chevillard salue la "brièveté" du roman de président. C'est un encouragement de trop. Car Giscard poussera son avantage. Ce futur centenaire n'a pas fini de noircir les pages de ses petits bouquins, sorte de coupe-faim de la langue française.

mercredi 23 novembre 2011

Noir

Noire est la nuit. Dense d'un silence à mille cris. Noir absolu loin des rues. Noir comme un grand soir jeté sur les épaules de l'espoir. Nuit noire d'une main sans bougeoir.
Corps de noyé dans l'espace enterré. Hors du luxe, des zébrures du jour, du murmure des sourds.

mardi 22 novembre 2011

La politique du mentir

Yannick Noah n'y va pas de main morte. Ce guerrier de la terre battue baisse les bras, accepte le fait accompli, tolère la tricherie. Finie la résistance au mensonge. L'Obama du sport français choisit la collaboration avec l'ennemi de la santé. Il se frotte les mains au spectacle de la fraude. Piteuse reconversion d'un senior de la compétition.
Noah rate la balle de match. Il nivelle son discours sur l'abdication de la vertu. Il balaie d'un revers de raquette l'autre nom du courage. L'air ambiant se prête à pareils renoncements. On dirait les nations d'Europe, dopées au surendettement. Nations délinquantes en contravention manifeste avec leurs engagements contractuels.
La politique du mensonge éhonté conduit au sort de la Grèce. La stratégie de la tricherie généralisée mène au désarroi de la zone euro. Noah et l'Europe en disent long sur l'usure morale contemporaine. La politique du mentir est la politique du pire.

lundi 21 novembre 2011

Splendeur d'apparition

Vieux rose, vieux vert, pénétrés de lumière. La vigne vierge imprime ses doigts fourchus sur la vitre au soleil. Les boiseries sont piquetées de lucioles intérieures. Visage des couleurs dans l'éclat des heures fauves.
La splendeur d'apparition est une scansion de phrase. Elle poignarde dans le dos des choses. Elle scelle le réel comme le pointillé des paupières. Quand je serai mort, j'aurai le temps de lire.

Ma plaine

Je regarde sans rien épingler des détails du paysage. Ces formes usuelles qui barrent le ciel reposent les yeux des plus vifs tumultes. Ma plaine est de la pierre ravalée au blanc cassé d'hiver. Je sais que je suis mon père, par chemin détourné. Même bout de chair à trimbaler dans les mystères. Le ciel habitue l'oeil au réel de grandeur.

vendredi 18 novembre 2011

Eoliennes en folie

Eva Joly prend du champ. Tiraillée par des vents contraires, ballottée par des éoliennes en folie, Eva Joly saute dans sa montgolfière, choisit la hauteur, s'exile en altitude. Stratégie d'aigle nordique avant de fondre sur sa proie. Leçon de parachutage pour Duflot à Paris.
Il faut lire les panneaux. Les circonscriptions de la capitale sont des chasses gardées. Le moindre pigeon étranger est ajusté à la carabine. Malgré leurs dossards verts fluo, les écolos se font tirer dessus s'ils chevauchent les terres du seigneur du palais. Delanoë devient violet, sa voix enrouée.
Flamanville n'est pas un paradis de flamands roses. Il y a beaucoup d'intox autour du mox. Hollande, en bon capitaine de pédalo, réenchante Areva.

mercredi 16 novembre 2011

Hopi

Houppette blême. Un cocker, rue du Vieux-Colombier, réfractaire à l'ordre piétonnier. C'est un chien boudeur, mal instruit des velléités de son propriétaire. Il apprécie moyennement les errements. Mal réveillé, il joue de sa grogne ordinaire en artiste de rue. Il se flanque dans les pieds, s'immobilise avec délice, stoppe net la négociation de fond. Le cocker est un chien bergsonien qui s'adonne à l'observation intérieure, à l'intime examen.
Retour à la maison de mes débuts, dans l'amitié d'un bon chien roux. Hopi, du nom d'une tribu peau-rouge, imposait sa bougonnerie, son veto chronique d'animal indocile. Son poil de crâne en bataille annonçait la couleur. Sa patte un peu pataude jetait un défi aux franges du tapis. Nous nous amusions de la même balle. J'inventai une chansonnette qui scanda notre ping-pong de plancher. Mes voyelles agissaient comme les ailes d'un excitant.
Hopi n'aima que papa. Il mordait l'intrus. Ce chien taiseux, au naturel ombrageux, chassait les bêtes à plume avec une rare sûreté. Papa l'adorait. Maman l'exécrait.

Je suis fichu

Triple A perdu, Sarkozy fichu. C'est lui qui le dit. Off, à l'adresse des journalistes du sérail. Foutues agences de notation. Le sort de nos princes est subordonné à leur bon vouloir.
Dans le désarroi du "je suis fichu" présidentiel, c'est la mise en scène du moi qui gêne. La crise de la dette impose la diète des ego. Que Sarkozy soit fichu, groggy, KO debout, on s'en tamponne le coquillard.
Par contre, le destin du pays intéresse autrement. Dégradé, le pays est-il pour autant fichu ? C'est la seule question qui vaille.

mardi 15 novembre 2011

Fichu de paysanne

C'est l'heure où les yeux pactisent entre eux. Se fixent sur le haut des deux faces. Feu mystique du Maroc. Visage émacié de Janine. Fichu de paysanne.
Foutu pour foutu: écho d'une toile du Greco. La vie, les peintres n'en voient pas la couleur. Mais la joie des gueux, des derniers rois de l'Atlas.

De Gaulle et le "triple A"

Notre sacrosaint "triple A" est en sursis. Nous le cajolons comme un trésor béni. Mais gare aux prophéties auto-réalisatrices ! La seule évocation d'une dégradation est synonyme de haute trahison. Les pions de la notation nous observent.
Or nous disposons d'un atout considérable, négligemment occulté. Il s'agit de la République léguée par de Gaulle. La Cinquième. Avec sa Constitution en béton et ses institutions pérennes. Bref, notre "chose publique" assure stabilité et continuité au pouvoir exécutif. Depuis plus d'un demi-siècle, elle a résisté à mille épreuves. C'est notre bouclier national.
Imaginons le régime d'assemblées d'avant 1958 confronté à la crise actuelle de l'endettement public. La brièveté de ses gouvernements s'apparenterait au modèle italien. Notre crédibilité sur les marchés ne vaudrait pas tripette. Le "triple A" serait perdu depuis belle lurette.
Nous vivons toujours sur les acquis décisifs de De Gaulle. Il en va de même dans un autre domaine, éminemment stratégique: la politique de l'atome.

lundi 14 novembre 2011

Cadavres debout

Il est embringué dans une peinture d'éternité. Il a l'âge du Christ et davantage. Il saute en fils du crucifix. Il s'emmêle dans les barbelés du ciel. Les arbres sont des cadavres debout. A l'extrêmité de la mer, on sent la cruauté de l'hiver.

Seniors dehors !

Dans un monde qui va vite, les pouvoirs sont confisqués par des vieux agrippés aux manettes. A Rome, Monti le sexagénaire se substitue à Berlusconi le septuagénaire. Guerre de seniors. En Grèce, Papademos n'est pas de première jeunesse.
Le Vieux Continent s'emploie à ressembler à sa désignation. La gérontocratie politique n'augure rien de neuf. Dans les gouvernements, on ne vire pas les seniors, pourtant dépassés par les événements. Les vieux crabes se cramponnent aux balustrades. Caste masculine à tempes grises. Les femmes gardent les enfants. Plan d'urgence en Europe: rajeunir et féminiser.

Trou bleu

On partageait des souvenirs comme des biscuits trempés autour d'une tasse de thé. La mémoire sortait de l'enfer.
Dehors, une déchirure d'azur incisait le monde en dur. Trou bleu en plein front cotonneux. Le ciel griffonne ses brouillons, fignole ses tourbillons. Le ciel ôte un masque irréel. Le bruit des lèvres se dissout dans la lumière du parquet.

dimanche 13 novembre 2011

Visions et prévisions

Nos sociétés croulent sous les prévisions chiffrées. La science sondagière produit de la prophétie rabougrie. Faute de projet, on échafaude des plans à répétition. L'horizon se borne aux oracles des commissions. Les technocrates jonglent avec des ballons de statistiques. Leur métier est de se damner aux données.
Paul Valéry a réglé son compte aux experts de tout poil: "L'expertise, c'est l'art de se tromper dans les règles". On ne lit plus le poète penseur de Sète. On écoute le clan des techniciens. L'Europe ovationne MM. Papademos et Monti. Ils appartiennent à la caste des praticiens d'institution, manipulateurs de boulons.
On est abreuvé à satiété de données. Dans ce monde, il y a trop de prévisions et pas assez de vision. A l'heure où les Papademos sont légion, les de Gaulle font défaut.

mardi 8 novembre 2011

Le Fillon de la faillite

Visage glabre, regard morne, Fillon débite ses notes comme on égrène un chapelet. La rigueur exige un decorum de croque-mort.
Fillon prend date avec un mot plus gros que dette: faillite. Fillon exploite le filon de la faillite. C'est un mot destiné à raviver les mémoires. Il y a quatre ans, il le prononçait déjà, à contre-courant, en plein sarkozysme béat.
Fillon a jeté un caillou, dessiné un chemin pour ses ambitions. Fillon a trouvé son positionnement. Fillon n'est pas un homme d'image mais de vision. Il a vu la déconfiture. Il traîne le même masque livide depuis sa découverte des caisses vides. Premier de cordée, il a vu l'abîme sous ses pieds. Désormais, il cherche à capitaliser sur ce secret éventé.
Il peaufine son personnage d'éclaireur de la faillite dont il fait son fonds de commerce politique. Le mot faillite n'est pas le lapsus d'un homme fatigué. Il accrédite sa lucidité, assied sa carrure de futur papabile présidentiel. C'est un sésame pour la mairie de Paris, le statut de chef de l'opposition après 2012, la candidature élyséenne en 2017. A moins que ce ne soit que le grigri d'un homme ravagé par la mélancolie, dévasté par la frénésie Sarkozy.

lundi 7 novembre 2011

Chevénement, le diable probablement

Chevénement sort du rang, devance l'appel: il est candidat. Il a l'âge du De Gaulle des accords d'Evian. Celui de Mitterrand à l'aube du deuxième septennat. Chevénement se réclame de l'un et de l'autre.
Or, à la croisée des deux, se trouve la nation. C'est le bien le plus précieux d'un peuple. Elle lui donne un cadre et des mots pour s'exprimer. Là où l'Europe échoue à lui léguer une langue.
Chevénement, maurassien de gauche, refuse que la nation française soit confisquée par la droite extrême. Il pourfend les élites qui se réjouissent qu'elle se délite. La nation n'est pas plus la guerre que l'Europe n'est la paix. L'irénisme bruxellois ne conduit qu'à la haine de soi.
Dans "La France est-elle finie ?", Chevénement médite sur le destin du pays. Vrai livre d'homme d'Etat. Pas courant. L'ardente obligation de la nation - dernier abri de la démocratie - se conjugue à l'idéal calculateur de l'Europe.
Chevénement est à nouveau en lice dans le tournoi présidentiel. Il ne mâchera pas ses mots. Il va hisser le débat à bonne hauteur. Panache et brio manquent cruellement dans le désert des projets politiques. L'intelligence de Chevénement rehausse le niveau d'une compétition où se neutralisent déjà tant d'idées tièdes.
Chevénement n'est jamais le bienvenu dans le cercle des popotes partisanes. Le centrisme n'est pas son fort, la médiocrité non plus. C'est l'homme de trop qui parle haut. "Le diable, probablement", en écho à Robert Bresson.

Quartier louche

La mémoire se destine à l'enfance. Elle chemine à l'arrière des distances. La peau tailladée est son chant d'amitié. Les ronces piquent les sens à mi-jambe, fouettent les genoux en faux marbre. La mémoire a les joues rouges des premiers carambars, squatte un quartier louche d'allure à s'émouvoir.
Elle radote des histoires de vieux chnoque, stocke, magasine les rimes les plus fines. Elle tricote un vêtement de sensations, boutonné de moqueries, bariolé de griffures.
Parole d'Anglais: "Le plaisir, c'est la vertu sous un nom plus gai".

vendredi 4 novembre 2011

Les crachats du Golgotha

Se moquer des puissants est signe de santé morale, voire de finesse intellectuelle. En revanche, flétrir de sarcasmes et de quolibets les petits pauvres des rues est révélateur d'une morgue méprisable. Jésus de Nazareth incarne pareille humilité raillée. Il expose sa chair à la risée d'une foule électrisée. Les crachats sont ses seuls compagnons de Golgotha.
Rire du Christ crucifié est un sport de confort, un doux émoi des docteurs de la loi. Humilier le plus humble est une privauté de rassasiés. J'ignore si l'alléchant "Golgota Picnic" vise la même cible, lynche le même bouc émissaire. J'admire l'esprit rieur, le verbe gracieux de Jean de La Fontaine qui s'attaquaient au roi, mais pas à l'enfant sans toit de la Nativité. Génie d'écrivain, courage d'un homme sage.

La Chine et Guérini

Le parti de Jaurès est l'otage de Guérini. L'infréquentable notable des Bouches du Rhône se cramponne à son conseil général. Au grand dam des vertueux hiérarques de la rue de Solférino.
L'Europe est l'otage de la Chine. Les cigales du "petit cap asiatique" (Paul Valéry) vivent grand train des créances de l'empire communiste.
De Gaulle, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Mais la mondialisation des déficits se moque éperdument du visionnaire général et de son indépendance nationale.
Guérini, le malappris, empoisonne la morale des pieux socialistes. La Chine fournit la trésorerie du capitalisme. Monde manichéen où le diable tire son épingle du jeu. A ses risques et périls, le Bien mange dans la main du Mal.

jeudi 3 novembre 2011

Boum !

Les mots sont de la dynamite. Les dessins sont des bazookas. Les bombes sont des phrases incendiaires. "Charlie" écrit, dessine l'air du temps. L'hebdomadaire est expert en dérision. Il fait commerce du rire et du sourire.
"Plastiquage à Charlie: pas de mort". La violence a du sens tout autant qu'un texte et son illustration. S'ils froissent certaines sensibilités, les mots du moqueur "Hebdo" ne détruisent pas leurs cibles. Ils les disqualifient un peu. Ils les raillent avec zèle professionnel. C'est un métier.
Les poseurs de bombes s'expriment dans un patois fruste, doté d'un vocabulaire rudimentaire: "Boum !". La violence signifie malgré tout. Elle vise à intimider les esprits, à terroriser la liberté. Les bombes sont de brutaux avertissements, des alertes péremptoires, des injonctions impérieuses à se taire.
Or le droit de blasphémer ou de déconner définit le champ illimité des libertés. A préserver coûte que coûte. Dans le même temps, il convient de regarder la violence droit dans les yeux. Les mots sont des balles perdues qui peuvent s'égarer dans des esprits friables. Les mots sont des drones. Les mots peuvent faire mal. A l'occasion, ils tuent au coin de la rue.

La rue est nue

Pointillisme de la pluie. Griserie des taches. Flaques confettis sur les trottoirs mouchetés. Les arbres rouillés s'animent à regret. Pantomime de la défaite. Le jour s'y prend à plusieurs fois avant de se lever. La rue est nue comme un roi aux abois.
L'oeil est fléché sous un ciel sans bandeau. Une clarté de paume quémande un sourire d'immeuble. La pierre est prisonnière de sa paroi. Le renoncement à la couleur vive est une expédition punitive. La rue est barrée pour cause de cécité. On badigeonne les murs d'une couche de grogne envieuse.

mercredi 2 novembre 2011

Epiphanie

Visage de Leïla Bekhti. Visage d'éclaircie, de doux noir regard. Visage d'Algérie, mordu de rouge, cerclé de lumière caramel. Visage libre aux yeux enroués, aux murmures impérieux.
Visage aux imprécises ruades, aux songeuses incartades. Visage d'une intuitive présence.
Leïla Bekhti est un visage surgi, une embellie de la vie, une épiphanie.

Songe et mensonge

A quoi ça sert d'être insincère ? A publier des comptes falsifiés. Menterie ordinaire des pays d'Europe latine. A quoi ça sert d'être insincère ? A déchaîner la colère de Luther, l'ire des pays à morale plus sévère.
L'improbable union des cigales méditerranéennes et des fourmis nordiques vire à la foire d'empoigne. La technocratie européenne avait joué la comédie, avait fermé les yeux sur l'incurie d'Athènes. La construction de l'Europe était divinisée au point de justifier le mensonge le plus éhonté. Le mensonge servait la cause d'un songe. Il a rongé la confiance entre les nations du "petit cap asiatique".
La confiance, les professionnels de la finance connaissent: c'est leur métier. Ils sont échaudés. Le crédit est discrédité. Les boniments des contrées insouciantes ont insinué le doute dans la conscience bancaire. Hobbes resurgit du fond des bois antiques: "L'homme est un loup pour l'homme".
La peur paralyse l'échange. On redécouvre la fragilité du pacte économique entre les hommes, faute du minimal consensus fiduciaire. La vérité de l'économie éclate au grand jour dans sa nudité scientifique: moins exacte, plus humaine.