vendredi 30 décembre 2011

Casse-pib

La crise nous mène au casse-pib. On ne produit plus grand chose d'intérieur dans un monde de brutes. La croissance n'était qu'un mauvais rêve d'écologiste. Les voeux sont démonétisés d'avance. La nouvelle année est déjà surannée.
La récession casse l'ambiance de réveillon. On est à deux doigts de perdre notre triple joie. Le flouze s'est absenté de deux mille douze. Faux dieu qui se cache comme le vrai. Du coup, on cantonne les souhaits à l'ascèse et à l'intime richesse.

mercredi 28 décembre 2011

Le grand album

Face à face d'assiettes. Derrière le carreau, la rue dessine les silhouettes. On ouvre le grand album. On est accosté, hors du tumulte, accoudé, aussi peu attentifs que deux convives.
La parole tournoie dans l'entre-deux, surplombe carafe et vin jaune. Nous mordons aux mots comme dans un pain de communion. On ferme le grand album. On commande à l'indocile. Le temps s'arrête par fraternité, stationne à l'angle, à deux pas de l'éternité.

mardi 27 décembre 2011

Le pouvoir et la mort

Ne plus gouverner tue. Les murs du pouvoir sont placardés d'un même avis de gros temps. La fin d'un règne n'annonce rien de bon. De Gaulle et Mitterrand meurent dans l'année qui suit leurs adieux élyséens. Chirac se détraque. Il s'éteint à petits feux.
Ces trois présidents ont rêvé de dominance dès leur plus jeune âge. Ils ont fait le vide autour d'eux au terme d'un impitoyable processus de sélection darwinienne. L'exercice du pouvoir a conforté leur santé. L'autorité est une pharmacopée. Mitterrand y puisa de quoi soigner son mal.
Il est pourtant un contre-exemple. Dès ses premières culottes courtes, Giscard songeait à couronner sa naissante calvitie. Giscard est un cas. Il n'est pas mort d'avoir été congédié par le peuple. La drogue du pouvoir a maintenu ses effets longtemps après. L'actuel vieillard est persuadé qu'il n'a jamais dételé. Il persiste à considérer ses successeurs comme des imposteurs. Il possède comme personne le fiel présidentiel. Sa méchanceté l'a préservé.
Seul Pompidou n'a jamais rêvé d'être président de la République. Sa biographie bute au chapitre de "l'enfance d'un chef"."Le normalien qui sait écrire" s'est retrouvé un beau jour le dauphin d'un général irremplaçable. Dans les cours de récré, il oublie de se forger la volonté d'un petit père des peuples. Il entre à l'Elysée. Il n'en sort pas vivant. Lui manquait sans doute l'obsession revancharde, cette pathologie des premières années. Jamais il ne partagea pas la maudite jalousie des apprentis tyranneaux.

jeudi 22 décembre 2011

A cause du rouge

La peinture vire au carnage, trop dure pour l'antique carcasse. Staël, que rien n'apaise, se jette dans la fournaise. A cause du rouge, il se donne au feu d'une mauvaise fée.
"J'ai besoin de cette fille pour m'abîmer". La lumière, il n'en voit pas la couleur. La main en perd son latin. C'est une sorte d'idiot que tente "le galet d'Agrigente".
A cause du rouge, il s'incarcère dans la prison du père, dans un concert d'instrumentale Russie, désert d'ici où rien ne bouge. A cause du rouge, de Jeanne qui passe, d'Antibes à Grasse, entre deux caprices.
Dieu ne sait pas compter. Encore moins diviser. Il est nul en calcul. Dieu n'additionne ni ne retranche. Au besoin, il multiplie les pains et les matins. Il procède par nuées, guette l'heure oblique, donne et pardonne en bloc.
A cet instant, Staël est cerné par la gloire d'Amérique. Il est cerclé d'un amour chimérique. Il peint en merveilleux bûcheron du vermillon. A cause du rouge, il peint Jeanne, la femme accidentelle, comme un paysage de steppe.
"Je réglerai les choses doucement et d'une façon très clairement définitive".

mercredi 21 décembre 2011

La mort de Dieu

"Il est né le divin enfant !". On est loin d'une ambiance de naissance. Les cantiques de Noël sonnent faux. L'argent roi pourrit l'obligatoire rendez-vous du calendrier.
La fin de l'euro évoque la mort de Dieu, ressemble à la chute du monothéisme. Retour à la drachme, à la lire, à la peseta, au mark, au franc et au florin. Refleurissent les dieux païens. Surabondent les divinités locales. Le paganisme reprend du poil de la bête. Le polythéisme garnit d'idoles ses nouvelles étagères.
Ces dieux de l'Olympe vont se quereller, les monnaies multiples dévaluer à leur gré. La liberté revient, et son esprit guerrier. C'est juste un songe que l'avenir hésite à démentir.

mardi 20 décembre 2011

Privilèges de Noël

Il y a Noël. Mais pas seulement. Viendra Mardi Gras, puis Pâques. Avant les grandes vacances de juillet/août. Ils sont journalistes, éditorialistes, animateurs, bateleurs de métier. Ils parlent au peuple, le distraient de ses tracas. Que les fêtes soient républicaines ou chrétiennes, ces figures familières désertent l'écran de notre imaginaire. La télé déstocke alors ses florilèges. Les rediffusions font partie des us et coutumes. Elles meublent la vacance de l'antenne.
Les journalistes, éditorialistes, animateurs et bateleurs de métier sont rémunérés comme des pédégés et jouissent de mirobolants congés d'enseignants. Leurs privilèges s'étalent sans vergogne sous nos yeux habitués. L'iniquité est démasquée derrière les visages préservés de la télé.

lundi 19 décembre 2011

Triples buses

La France souffre d'un lancinant désenchantement. L'acédie du pays vient du sentiment d'inexorable déclassement. On est bras ballants, faute d'un destin emballant.
C'est une maladie orpheline qui stoppe la vitalité des usines, qui déjoue la science rudimentaire de mandarins héréditaires. On ne définit pas un projet d'avenir sur la seule sueur des travailleurs. On ne dessine pas les contours du futur sur la seule peur du lendemain. On ne construit rien sur la seule crainte de l'étranger.
L'économisme n'insuffle aucun vent de jeunesse au peuple en détresse. La scie du "triple A" abrutit les énergies. C'est le charabia d'un Etat sans aura. La morale du "triple A" ne vaut pas tripette. Elle nous enlise dans un marasme sans cap. C'est une invention de triples buses obsédées de bonus/malus, friandes de petites ruses, sans la moindre idée d'une commune destinée.

dimanche 18 décembre 2011

Roi d'autrefois

Ce temps lent que je m'approprie en ami des vains espaces, j'eus souhaité le rompre au bras tremblé d'un père à secret préservé.
Comme un pain tiède dont nous goûterions la saveur de blé, l'âcre poussière des moissons. Ce temps lent, à mille nuées d'éternité, je me l'octroie sans réserve comme un roi d'autrefois.
Manquent les largesses d'une sagesse à couleur capucine, la muette interrogation du bâton de vieillesse. Manque une syllabe chuchotée au creux d'une oreille.

samedi 17 décembre 2011

L'Europe de Raskolnikov

Nous méditons notre forfait. Nous sommes des nations déterminées à nous affranchir de l'odieuse usurière. Nous sommes des Rodion Raskolnikov résolus à en finir avec ce tutorat de fer. L'heure est venue de quitter notre galeuse mansarde pour aller poignarder l'ignoble agence de notation et subtiliser le mirifique pognon des marchés.
Nous méditons notre forfait. L'idée s'impose de nous débarrasser du mont-de-piété des marchés. Nous sommes dans un sale état. Endettés jusqu'au cou. On prend l'oseille et on tire des chèques sur le soleil. On nationalise à l'échelle du monde. On s'approprie les milliards.
Sans autre crime que l'effacement du paysage du dernier prêteur à gages. Sans autre châtiment que la perte à jamais du satanique "triple A".

vendredi 16 décembre 2011

Carlos et Jacquot

Années 1980. Il est maire de Paris. Il est terroriste international. Des dizaines d'emplois fictifs à l'hôtel de ville, autant de poids morts sur la conscience. Trois attentats sur le sol français: 11 morts, 190 blessés.
Verdicts du 16 décembre 2011: dix-huit ans ferme pour Ilich Ramirez Sanchez, dit "Carlos"; deux ans pas ferme pour Jacques Chirac, dit "Jacquot".
Le Vénézuelien s'en tire beaucoup moins bien que le Corrézien. Il y a deux poids, deux mesures. Une justice entravée a fait preuve d'un favoritisme éhonté.

jeudi 15 décembre 2011

Chirac condamné

L'homme à l'anosognosie est le sosie d'un autre, l'évocation lointaine d'une grande figure élyséenne. Dans l'année qui vient, il fêtera ses quatre fois vingt ans, l'âge où mourut de Gaulle, un long soir de novembre.
Chirac est condamné. Par la vieillesse qui altère sa mémoire, fait vagabonder ses idées, amenuise sa mobilité. Chirac est condamné. A la popularité, loin devant les vedettes éphémères des palmarès politiques.
Chirac est condamné. Aux travaux déjà faits. Chirac est condamné à figurer dans les livres d'histoire. Comme un homme debout qui refusa net les aventurismes de Giscard, Mitterrand, Le Pen et Bush junior.

Zorro des oraux

La réforme du dispositif de sélection de Sciences Po jette le discrédit sur la composition écrite. Elle préconise le tri des candidats sur la base d'une prestation orale.
Autrement dit, l'école privilégie l'émotion au détriment de la raison. La parole expressive se substitue à la réflexion discursive. Les temples du savoir recherchent des bateleurs à bagout ravageur. On veut des grandes gueules à gouaille sympathique, des Bernard Tapie aux concours académiques. L'écrit, dans son humilité de plume, est jugé trop rigoriste. On incrimine l'écrit de discriminer. On hisse l'oral sur un piédestal qui n'est guère équitable.Voici venu le temps des Zorro des oraux. Voire des zéros des oraux.

mardi 13 décembre 2011

Dieu velléitaire

Staël ne finit pas l'ouvrage. L'artiste est un dieu velléitaire. Staël est un diable que l'ouvrage anéantit. Comme Marthe, il a peint dans tous les recoins, flanqué la couleur sur les murs. Il récidive. Il crée à la craie, fait crisser le cri des coloris. Comme Marthe, il s'oublie dans le désespéré d'un art, le bénédicité des gestes qui ne sauvent pas.
Jeanne. Il s'assied dans l'angle de fenêtre. Attend, contemple le vide comme Marie. Il est lié à l'atelier. Rongé par les songes. Entre Marthe et Marie, il rate le grand écart. Son corps est fendu à la hache, tomahawk d'Apache. La terre d'ici-bas ne recolle pas les morceaux. Staël se tue au septième jour. Il jette son double mètre par la fenêtre.

Le chat

Elle s'inquiète du chat. Les rafales font claquer les volets. Il ne maraude plus aux abords des vitres. C'est un chat roux qui étire son corps bicolore, miaule de manière muette, fixe la lumière de maisonnée. Chat de gouttière, solitaire sur ses terres.
Le vent ploie le valentonia. Maman n'a pas dormi. Les rafales érodent les choses dans le catimini de la nuit. Les rafales corrodent l'esprit, embrouillent le jour, se mêlent au tacheté de la pluie. Entre ses draps, elle s'inquiète du chat. Elle me le dit. "Je me casse la tête avec le chat".

Septième jour

Vacuité du septième jour. Se détacher du faire. Dieu s'absente dans un septième jour d'éternité. Le monde est un dernier mot. Pas de fignolage. Pas de rajout à la perfection de premier jet. Certitude de la béatitude.
A rapprocher du texte de Luc où Marthe s'active et Marie contemple. "Marie a choisi la meilleure part: elle ne lui sera pas enlevée". On ne peut dérober le rien glorifié d'une prière psalmodiée.
Marie est pleinement divine dans son retrait, dans sa vacance fervente de septième jour. Le désoeuvrement est un accomplissement de souveraine sainteté.

lundi 12 décembre 2011

Jeanne et la peinture

Jeannine, Françoise, Jeanne. Marina, Olga. Anne, Laurence. Lubov, Kolia. Madeleine.
La vie de Nicolas de Staël est striée de femmes aimées, de soeurs, de filles, de mères amères. Elle croise la lumière, fixe l'éclat de lèvres peintes, ranime une chair dans sa couleur.
Staël cale devant l'étoile. Les nus sont des abrégés de ciel. Jeanne est couchée, cachée dans l'atelier. C'est un nu perdu, un corps éperdu, trop vêtu de bonheur. Staël s'est échappé du regard de Jeanne. Il fait nuit. Il est inondé de rouge. La toile géante est maculée d'une musique pleine de sang. Sonne l'heure, tonne la couleur. Il fait nuit. Staël se jette dedans. Il troue la toile, cède à l'étoile.

L'Appel de Villepin

Il fonce dans l'arène sabre au clair. Avec gourmandise. Ce mousquetaire de la République ravive la mémoire du général de Gaulle. L'Appel de Villepin est un cause perdue comme son flamboyant discours de l'Onu.
C'est un geste suicidaire comme l'exhortation de juin 40 du grand Charles. Villepin n'est rien qu'un renégat au verbe haut, sans écho dans le désert d'une nation "humiliée". Il cherche une grande querelle à sa mesure. L'homme aime ferrailler, tonitruer, hausser la qualité des idées.
Avec Chevénement, il est la deuxième bonne nouvelle d'une campagne jusqu'alors sans panache. On souhaite qu'il secoue les mornes candidats, qu'il élève le niveau rhétorique du débat.

vendredi 9 décembre 2011

Le centre national

Le centre de Bayrou n'est pas le nombril du monde. C'est un milieu douillet, un petit local préservé, où il fait bon se retrancher. C'est une terre opiniâtre où l'on produit français. C'est une contrée militante où l'on achète français.
Volets clos sur la mondialisation. Le centre de Bayrou n'est jamais qu'un recentrage national. On se recroqueville sur son lopin de terre. Déjà imaginé par Maginot.
Retour aux bonnes vieilles recettes du protectionnisme guerrier. Cela évoque les slogans patriotiques d'antan, les mots d'ordre communistes et la franchouillardise frontiste.
Fin d'un centre européen pour deux, fin de l'euro, fin des haricots. Le centre cède à ses vieux démons: tiédeur et médiocrité.

jeudi 8 décembre 2011

Un rire de délire

Quand la liberté s'affranchit de la limite, elle dépérit dans la tyrannie. Quand le rire ne sait pas s'empêcher, il cède au ricanement totalitaire.
Quand Cavanna revendique un rire total, une sorte de "jouir sans entraves" soixante-huitard, il se réclame d'une dictature de la dérision. Ce dévergondage absolue du rire fait froid dans le dos.
"Le rire est la cruauté à l'état pur". "Nous riions de tout et de tous". "Le rire s'en fout". Les sentences de Cavanna glorifient l'insensible indifférence du rire. Elles sacralisent la bête et monstrueuse méchanceté d'un rire de délire.
Se moquer des puissants est signe de santé morale, voire de finesse intellectuelle. En revanche, flétrir de sarcasmes et de quolibets les petits pauvres des rues est révélateur d'une morgue méprisable. Rire du Christ crucifié est un sport de confort, un doux émoi des docteurs de la loi. Humilier le plus humble est une privauté de rassasiés.

mercredi 7 décembre 2011

Le bidule

Nous sommes environnées de bidules qui se reproduisent comme des bestioles. Ils nous embringuent dans leur délire de quincaillerie. C'est la démocratie participative des machins à boutons et des ustensiles à fils.
Ces fléaux à lasso se répandent dans les maisons comme une rumeur, un tourbillon, une force d'occupation. Ils bougent quand on les touche. Le corps abdique, se soumet aux parasites à cliquetis. Il s'abandonne au bidule, cède à ses clics.
Les machines rient, s'expriment à l'envi selon leur fantaisie. Elles briguent plus d'un quart d'heure de célébrité. Elles confisquent le temps du corps mutant.

mardi 6 décembre 2011

Dans ma tête

Il n'y a que dans ma tête que l'espace est infini, que le monde s'accomplit sans rareté ni pénurie. Il n'y a que dans ma tête où j'ai la sensation de ne me cogner à rien, de jouir des libertés et des largesses du temps.
Ailleurs que dans ma tête, les biens sont contingentés. Je suis cerné par les limites. Je me blesse aux encoignures de la nature. Je me heurte à l'étroite matière. Je vivote dans un couloir, un corridor, un réduit où mes genoux ne cessent de saigner. Il n'y a que dans ma tête que se dématérialisent les jambes de plomb des fortunes mal acquises. L'homme est un oiseau qui vole en son for intérieur.

lundi 5 décembre 2011

La stratégie de l'extrême

Sarkozy a fait une croix sur le centre. De Gaulle moquait en son temps le marais. "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Il fustigeait une tradition de démocratie chrétienne, aussi poltronne que tiédasse. Sarkozy laisse le centre à Hollande et Bayrou. Il déserte le terrain d'un milieu bien-pensant, à forte respectabilité et multiples notabilités.
Inutile qu'il s'aventure sur des terres aussi morcelées. L'ectoplasme Morin ne sera qu'un pâle ramasse-miettes. Il compte pour du beurre.
Sarkozy ne dispose d'aucunes réserves pour le deuxième tour. On a beau tourner autour du pot, refaire les additions, il est loin de rassembler une majorité sur son nom. Reste le Front National.
Le parti de Marine Le Pen réunit des bataillons autrement plus consistants que les troupes dispersées du Modem. Idéologiquement parlant, un tabou a été levé: d'anciens barristes comme Alain Cotta ou d'anciens gaullistes comme Paul-Marie Coûteaux ont rejoint un mouvement longtemps ostracisé. Le Front National parle au peuple, s'adresse aux ouvriers dans une langue appropriée. Ses idées simples réhabilitent un lourd bon sens aux apparences de vérité.
Bref, Sarkozy et Marine Le Pen ont vocation à s'entendre. Sarkozy pour gagner en 2012, Marine Le Pen pour enfin gouverner. Sarkozy sent bien l'opportunité stratégique d'un revirement. La droite "pop" et Guéant préparent soigneusement le terrain. A l'international, on converge vers l'Allemagne. Au plan national, on se recroqueville sur la droite extrême.
Pareil changement d'alliances tombe à pic. Le Front National a rompu avec sa politique de vaine protestation. Marine Le Pen, à la différence de son père naguère, souhaite être ministre, exercer sa part de pouvoir. Sarkozy n'a pas d'autre choix pour conserver l'Elysée. Il lui faut pactiser avec la diablesse. Côté publicité, il rajeunit et féminise.
Le souverainisme radical de Marine Le Pen surfe sur les peurs. La crise de la zone euro arrive à point nommé. Ce nouvel étatisme protecteur s'accorde assez mal au libéralisme versatile de Sarkozy. Qu'à cela ne tienne: Mitterrand a bien gouverné avec un quarteron de communistes autrement plus regardants sur la doctrine du parti. La victoire euphorise. Elle sait rapiécer l'inconciliable.
Car Sarkozy, fervent admirateur du leader socialiste, souhaite calquer son deuxième quinquennat sur le premier septennat de l'avocat charentais. Il veut faire plier le Front National au gouvernement, l'exposer à l'épreuve de la réalité, l'user au contact des nécessités.
Mitterrand a éliminé le parti communiste du jeu politique. Il l'a broyé de la manière la plus démocratique. Sarkozy désire asphyxier Marine Le Pen avec un maroquin. Il veut que l'extrême droite trahisse ses convictions au pouvoir.
Au-delà d'une victoire sur une gauche un peu trop sage, la stratégie mitterrandienne de Sarkozy - même goût pour les coups tordus - est destinée à vider de l'intérieur le Front National de sa substance protestataire. Sarkozy joue son va-tout.



dimanche 4 décembre 2011

Miss Alsace

La chancelière et le président ne se quittent plus. On dirait le frère et la soeur. Angela est la nouvelle Marianne. Carla est éclipsée. L'Allemagne et la France prennent l'euro par les cornes. Ils taillent dans l'héritage de la famille. Les petits pays du bout de la table n'ont pas voix au chapitre.
La bonne entente exige de transiger. Sarkozy ne mégote pas sur la convergence rhénane.
Les symboles sont forts: Miss Alsace est sacrée Miss France. La bonne volonté est évidente. Il faut se souvenir qu'on vient de loin. La dernière Miss sortait du Finistère, du fin fond de la Bretagne. On se fourvoyait du côté de l'Atlantique. Demi-tour à triple vitesse et cap vers l'est.
Avec Miss Alsace, la France a déjà fait la moitié du chemin vers l'Allemagne. Avant que Miss Bavière ne soit élue Miss France. Le plus tôt serait le mieux. Sauvetage de l'euro oblige.

samedi 3 décembre 2011

C'est quoi l'histoire ?

Pour faire du cinéma, fabriquer des images, il ne faut pas grand chose, simplement un regard. Le cheval galope de traviole, fouetté par les rafales. Les sanglots de Turin mêlent aux siens la sueur de ses crins. Il a senti l'écurie. Les arbres faméliques sont des cadavres debout, des fils barbelés telluriques.
L'homme de la terre partage ses heures entre écuelle à patate et verre d'eau de vie. Le vent ravage la cervelle, désole le ciel. La masure est plantée dans une nature essentielle. Les bruits claquent comme des intimidations. La fille veille sur le vieux aux yeux troués. S'y dessinent les patientes plissures de bête arrêtée.
Les jours s'égrènent comme une genèse sans éden. La prière n'est plus dans les doigts mais sous le toit du monde. Le cheval se dérobe sous leurs destinées. Visage de bête emmuré dans sa minéralité, veto frontal d'extrême nécessité. L'animal est figé dans sa stalle. Derrière la lucarne, la fille imite la vieille carne, le regard vers la vitre.
Les rafales chassent la lumière, assèche la terre. La cérémonie s'achève sur la fin du boire. Natures mortes. Dernière bougie. Se taire comme Tarr.

jeudi 1 décembre 2011

Liberté égalité fraternité

On est embringué dans l'Europe. C'est un machin compliqué, aussi lointain qu'un dieu, nuage ou destin. On s'est fourré dans une cordée désaccordée. Le Nord tire à hue. Le Sud tire à dia. Les peuples tirent la langue. Si on tombe dans le ravin, ni l'Américain, ni le Chinois ne nous prêteront un coup de main. Personne n'est plus prêteur.
Connaissance par les gouffres, dirait Michaux. C'est une escalade de malades sur une montagne de dettes. On est dépendant, accro, addicted. Pas du tabac, mais des coups de tabac. Assuétude à la machinerie communautaire. On est libre de rien. Pas égal dans la débâcle. Fraternel, pas trop dans la querelle. La République a du plomb dans l'aile. Faut revoir la liberté, corriger l'égalité, réviser la fraternité.