dimanche 19 février 2023

Le culte du vent

La voix d’Eole a supplanté le vieux message de Jésus. La croix de chemin a disparu du quotidien des carrefours. Elle ne coche plus la case des paysages. A la place, le culte du vent, d’essor récent, produit d’immenses crucifix soumis à la dévotion des grosses berlines d’autoroutes. Jadis, la croix mémoriale témoignait d’une mort brutale ou d’un coup de chance fatale. La charmante éolienne environnementale exprime aujourd’hui la gloire des sectateurs du vent. L’éolisme est une religion du souffle, dont le gigantisme des épouvantails vise un ciel universel. Il exalte les saintes bourrasques, le vent qui court, ondoie comme un blabla de discours. A défaut de décorner les bœufs, on prête au nouveau monothéisme le pouvoir de créer de l’énergie ex nihilo, de réveiller la morte économie. Ces racontars d’un autre âge nuisent à l’authenticité d’une foi pure et sincère. Les champs d’éoliennes, tels des défilés de modèles de Tour Eiffel décentralisées, contribuent à la majesté de nos contrées, à la beauté joliment industrielle d’un sol à gueule d’enterrement.

dimanche 5 février 2023

Une glace bleue

L’instant d’avant, l’éternité, la gloire d’été, le temps défait rayé d’un trait. Sur l’oreiller repose une joue, un derrière en bataille, le froid fou d’un amour. Dans l’embrasure du ciel vert, les couleurs sont des flèches. Les brûlures d’une chair ciblent une aile indocile, ici-même un mail indicible. Le jour se noie, noircit sa joie dans une date écarlate, la ligne de sang d’une mer. Je garde, regarde à deux fois, le secret de mon roi. J’ai lu Beckett et les dévolus qu’on jette. Quoi d’autre, si ce n’est, si ce nez en l’air, le temps d’un visage. Sur son front manuscrit commencèrent les baisers d’un père. Rude est la ronde, le vieux pneu d’une solitude. La nuit je mens, j’entends un cri kabyle, je sens la soie du soir, j’oublie la ville, les horreurs du quai de gare. Je veux une glace bleue de la couleur des yeux du monsieur.

samedi 4 février 2023

C'est comme ça

Bon prince, le gouvernement Borne propose la semaine de quatre jours, aux fonctionnaires, la semaine des quatre jeudis. Brave type, le peuple en berne suggère un quinquennat de quatre ans. L’altesse du Touquet calerait l’agenda de son mandat sur une cinquième année de sabbat. Délassement à Borme-les-Mimosas, plongeons dans la pataugeoire de Brégançon, mais sans Borne pour l’éclabousser. Pourquoi diable forcer les seigneurs à travailler jusqu’à pas d’âge ? Le seigneur méprise le labeur. Par définition. Il en dédaigne les horaires. Le travail n’est pas de son ressort : il est dévolu à la valetaille. Le seigneur s’abstient de pareille horreur. On parle d’indexer l’âge de la retraite sur l’espérance de vie. Question de justice. Grimace des femmes. La quille des filles, c’est soixante-dix ans, aux dernières jonquilles, six ans de plus que les garçons, même déconstruits. « L’âge légal n’est pas négociable ». C’est comme ça.