vendredi 30 juillet 2010

Noir et blanc

La couleur de peau est un sujet, non pas tabou, mais scabreux. Nègre, noir, black. Nous avons changé notre manière de désigner l'homme d'épiderme foncé. La langue française est suspectée de racisme là où l'idiome britannique est innocenté d'avance.
L'épreuve reine de l'athlétisme se court sur un hectomètre où s'illustrent les champions noirs de Jamaïque et de Californie. Ils ont délimité un ghetto fondé sur l'excellence: la barre des dix secondes.
Or un jeunot à peau laiteuse, blanche comme la neige de Savoie, s'est invité au festin des hommes couleur de cacao. On l'appelle le maître. Comme de Gaulle ou Chateaubriand, il a hérité de l'exact patronyme. De la tête et des épaules, il domine la course. "Race". Oublions les boniments racistes pour nous fixer sur l'autre acception du mot: compétition. Ces championnats de la vieille Europe sont une fête des corps multicolores.

mardi 27 juillet 2010

Une sensation morte

La volupté évoque le charme suranné des douces luxures du passé. Jouir de la vie s'apparente aujourd'hui à un délit. La vitesse d'exécution tient lieu de civilisation. Temps de mauvaise éducation des émotions.
La volupté est une sensation morte. Les hommes bataillent au travail, flanquent des torgnoles aux choses, multiplient les coups de sang au détriment des contentements lents.
Le long terme du plaisir ne figure plus sur l'agenda des joies. Cette société en fuite, libérée des harnais, a perdu le secret des jouissances. Ces pannes de plaisir ont repeint les visages aux couleurs de l'ennui.
La volupté, frêle et sauvage, rouge écarlate comme le coquelicot des champs, n'appartient pas à cette société de morne mélancolie. Fatiguée de mal aimer.
La volupté soigne les corps cassés, délie les esprits blessés. Elle trace sur la peau sa longue rainure d'exquisité, sa ligne de risque et de délice. La volupté est la nostalgie d'un temps arrêté.

lundi 26 juillet 2010

Liliane et les banques

Liliane Bettencourt est environnée de vautours. Sa fortune et son âge favorisent le parasitisme à grande échelle. Cette femme de style, héritière de son père, jouit d'un patrimoine hors du commun.
On s'interroge sur ses retraits à la banque. On oublie un peu vite que cet argent n'est autre que le sien, qu'il lui est loisible d'en user comme bon lui semble. On s'étonne même que les établissements financiers lui mettent des bâtons dans les roues, s'opposent parfois à ce qu'elle puisse disposer de son tas d'or.
"L'argent des banques": l'expression est une impropriété de langage. Les banques ne détiennent rien. Leurs prétendus avoirs n'appartiennent qu'à leurs clients. Tout l'aplomb des établissements financiers réside dans cette manière de rendre leurs dépositaires étrangers à leur propre argent.


vendredi 23 juillet 2010

Steak

J'ai besoin de texte comme de steak. Mordre dans de la viande fraîche. Planter ses dents dans la phrase. Violent désir du chant des voyelles. Bouffée d'art pur. Je déchiquette un bloc de lettres. Je soigne mon corps de lignes sonores.

Il y a

Il y a cette goutte de pétrole qui fait déborder la vase au large du Texas. Il y a la joie d'Allègre à suspecter les travaux d'hommes intègres. Il y a Albert. Celui de l'actualité heureuse dans une principauté d'opérette à nom d'apéro. Il y a Alberto. L'héritier de Bahamontès ne dort que d'un oeil dans l'ombre de Schleck, nouveau Charly Gaul. Il y a Ribéry à l'affreuse bouille trop vue.
Il y a Chantilly, ville fleurie, son grand chauve de ministre, ses chevaux, le crottin et le gratin. Il y a les enveloppes d'une vieille dame qui rivalisent avec le trafic des plis de La Poste. Il y a Sarkozy qui vieillit, dont l'énergie s'use, et que le vélo amuse.

jeudi 22 juillet 2010

La politique du bazooka

L'usage des mots est libre au sommet de l'Etat. Or la liberté de vocabulaire ne garantit pas la justesse d'expression. Un mot, prononcé à dessein par le président de la République, chef des armées, s'est échappé de son contexte martial pour s'appliquer à la société civile.
Ce gros mot injurie le droit. Il désigne une réalité d'effroi. Bush l'a employé avant de pratiquer la chose en Irak.
Car la "guerre" est déclarée en France. "Aux trafiquants et aux délinquants". Ce mot banal a un impact de balle. Aucune guerre n'est bonne, juste ou salutaire. Elle squatte le terrain du droit et se déploie en lieu et place de la loi. Il n'est ni digne ni convaincant d'emprunter les mêmes armes d'intimidation que les hors la loi.
Le fameux "terroriser les terroristes" du vieux Pasqua était un abus de langage, une fanfaronnade méridionale. La "guerre" aux malappris des cités est une incantation sécuritaire de matamore. Ce disque rayé reprend du service. La méthode belliqueuse d'un chef de l'Etat ombrageux ne doit pas égarer les esprits fragiles. La politique du bazooka relève du mouvement de menton. Dans notre pays, il existe des institutions, chevillées à un corpus de lois, qui sont de nature à châtier les bandits.

mercredi 21 juillet 2010

L'argent et la drogue

Leur tunique est taggée d'entailles commerciales. Le sponsor imprime son nom en lettres d'or sur leur maillot de sport. Les forçats de la route hissent leur vélo au sommet des cols grâce à l'argent de cléments mécènes. Ils se dopent au pot belge et à l'oseille des entreprises éprises.
Les hommes politiques n'ont pas le corps scarifié des patronymes de leurs gentils bienfaiteurs. Ils exercent un métier de chien sans publicité visible sur leurs habits de lumière. Les donateurs des partis s'exécutent sans ostentation. Les coureurs de critériums électoraux se frottent à l'épreuve terrifiante du suffrage universel. Ils sont galvanisés par la drogue du pouvoir et les enveloppes de billets indifférenciés.
Armstrong a gagné sept fois la Grande Boucle. Sarkozy finit son premier tour de piste.

mercredi 7 juillet 2010

Ciel narquois

Avec l'été monotone et le soleil qui cogne, la solitude et les nuits, la fatigue se lit sur les visages défaits. Les vieux côtoient la déchetterie, s'attardent aux caisses vertes des trottoirs. Ils sont rangés des voitures, interdits d'éclat de rire, loin des ploufs des récifs.
Ils trottinent à l'ombre des cantines. Ils frôlent les rois et tendent la main au ciel narquois. Ils sont rayés des champs de vision, noyés dans l'épaisse rumeur, prisonniers de l'obligation du son.

mardi 6 juillet 2010

Madame Embêtant...

Trop d'argent empoisonne l'existence des maudits donataires. Madame Embêtant court le risque de nuire à ses protégés. La vieille dame en baskets, dans sa demeure de Bretagne, ne sait plus où donner de la tête. Les micros et les tribunaux ne lui laissent aucun repos.
On dit qu'elle remettait des enveloppes au nom de ses amis comme une grand-mère distribue à Noël des étrennes à ses petits enfants. A son âge, il lui arrive d'oublier parfois. Blanc, par exemple: elle a complètement zappé les cigares de Blanc. Elle ne peut pas penser à tout.

lundi 5 juillet 2010

Terzieff

Il est dans la cité des exemples à méditer. A soumettre aux regards des enfants. Laurent Terzieff déclamait ce qu'il aimait. Il jetait sa vieillesse par les fenêtres. Prodigalité et probité. Il montait des pièces, mot à mot, phrase à phrase. Il disait le bénédicité des enfiévrés. Rilke ou Neruda. Au seul nom d'Aragon, il sortait de ses gonds.
Aux tièdes, il enseignait la brûlure des poètes. Vieille gare d'Orsay: je me souviens du Christophe Colomb de Claudel. Terzieff endossait la majesté de héros comme nul autre comédien. Son regard d'aigle désignait l'infini comme le lieu de l'esprit. Il y traçait le rectangle d'une scène. Sa longue silhouette fléchait les planches. Une voix de rare précision, à ciselure exacte, respectait la scansion la plus pure. Il plantait des mots dans le coeur des gens sans bonheur.
L'acteur de Pasolini dérivait dans le huis clos des mots, préservait le sanctuaire des beautés littéraires. Terzieff était aussi sauvage que civilisé, jouant de la douceur comme d'une brusquerie. Violence de l'enfance. Il était nourri de Dostoievski, instruit de mille écrits et féeries. L'ultime syllabe de son nom claquait la vitesse d'une fulgurance, fouettait l'espace comme la signature slave d'une parole sonore. L'air autour de lui, l'air de Paris, devenait irrespirable. Cet homme admirable, hors série, a manqué d'oxygène dans un monde saturé de haine.

vendredi 2 juillet 2010

Les mots et les choses

Il fait chaud, mais ce n'est pas la canicule. On serre la vis, mais ce n'est pas la rigueur. On se trompe de choses avec de mauvais mots.
La canicule tue. Il faudrait l'écrire sur les chapeaux de paille et les bikinis. Nous sommes loin du coup de tabac. Zéro mort, d'après les chiffrages.
La rigueur n'est pas de saison. C'est l'attribut des mornes hivers. Elle gèle le salaire des fonctionnaires. Pas pour tout de suite.
Sans canicule ni rigueur, le Français vacancier peut dormir du sommeil du juste. Ou lire un bon livre aux mots appropriés. Si "La Princesse de Clèves" est déconseillé par l'Elysée, "Les Mots et les Choses" ne figure pas sur la liste des prochains autodafés. L'ouvrage est disponible en librairie: son auteur a le même nom qu'un animateur de variétés. C'est tentant.

jeudi 1 juillet 2010

Mauvais exemple

La valeur de mauvais exemple est d'usage immodéré. Championne de la désunion, la petite Belgique préside aux destinées de l'Europe. Jusqu'à Noël, elle enseignera la solidarité des nations.
L'inflexible ministre de la fraude sympathise avec une milliardaire en délicatesse avec le fisc.
Pourquoi pas un vaillant illettré à la tête de l'Education Nationale ? On me souffle que c'est déjà fait. Les circulaires de l'actuel titulaire seraient truffées de fautes d'orthographe.