jeudi 16 février 2017

Chefs de projet

Fillon s’arcboute sur son projet comme Harpagon sur sa cassette. Il le défend bec et ongles, avare de son mémoire d’étudiant. Macron parle sans notes, cause d’action mais ne s’aventure guère à un travail de ratures. Son programme est dans sa tête, jamais dans un texte. Il vend sa bonne tête bien faite. Aux braves gens sans entregent, il martèle qu’il est intelligent. Il horripile le peuple.
Marine Le Pen a une carrure de cheftaine, des postures de guerrière, une gouaille de poissonnière. Elle tonne contre un système concussionnaire. On sait de quel bois elle se chauffe. Un peuple insatisfait subodore qu’elle sait « cheffer ». A comparaison, Fillon fait figure de petit garçon. Son projet est un crachat, une sorte de déchet, exprimé par la haine de l’étranger.
Les meetings de Mélenchon frisent les bouffonneries d’histrion. L’homme confond l’art oratoire et les raccourcis de l’histoire. Il aime les bons mots comme il s’aime un peu trop.
Hamon loge au septième ciel depuis qu’il discourt de revenu universel. On lui sait gré de nous avoir débarrassé d’une gabardine à épaulettes, d’une sorte de perroquet obsolète, débiteur mécanique des répétitives « valeurs de la République ». Hamon s’emmitoufle dans un caban, à la recherche du « désirable », s’enivre d’un projet à goût de sirop d’érable. 
Bref, ils sont chefs, pontifes, comme d’autres en boutique sont patrons de leur rayon. Ils ont bâti, ou non, un projet auquel ils attachent un nom, comme on dépose un brevet. Ils disposent d’un monopole de parole comme d’anciens chefs d’école. Les parleurs sont des parlementaires qui remuent beaucoup d’air. Je souffle une hypothèse. Cette grande querelle présidentielle appareille «  au vent de l’éventuel » (André Breton, La confession dédaigneuse).

lundi 13 février 2017

Un rugby sans folie


Je me demande si l’exposition prolongée à l’information continue ne me donne pas la berlue. Je vois partout des signes bizarres d’une campagne hallucinatoire. Je confonds un match de rugby avec une empoignade de mairie. Pour me désennuyer du morne France/Ecosse, petite partie sans joie du Tournoi, j’ai laissé vagabonder mon regard sur des détails dérisoires. Mes yeux se sont contentés de peu.
Macron est partout. Il nous rendra tous fous. Moi, je suis sérieusement atteint. Je me suis frotté les yeux. Macron patronnait l’équipe du chardon. Son nom était floqué sur les beaux maillots d’Ecosse. Sous l’épaule droite des quinze vaillants visiteurs, il était placardé comme un ultime rappel publicitaire.
Côté tricolore, j’ai pris le capitaine Guilhem Guirado, fonçant comme un taureau d’arène, pour Xavier Bertrand, un temps plan B de son camp, égaré parmi les gros bébés du rugby.
J’aime l’élégance un peu surannée de Guy Novès, son timbre de voix précipité, son humanité burinée, un brin désenchantée. Il parlementait en fin de match. A sa place, j’ai cru voir le secrétaire d’Etat Vallini, certes, un peu plus marqué par la vie. J’ai compris que Macron, Bertrand et Vallini étaient aux premières loges à Saint-Denis. Je déraille grave. 
Le médecin, dépêché en urgence, m’a prescrit l’abstinence de scrutin. Il est formel sur les dégâts présidentiels. La folie me guette. A cause d’un rugby, précisément, sans folie. Il est temps que je me désintoxique de la politique. J’ai des visions à la télévision. J’ai repris mes esprits avec un whisky.

jeudi 9 février 2017

Le Candidat

Le Candidat est un échec cuisant pour Flaubert. L’ermite de Croisset se distrait d’un gros chantier – Bouvard et Pécuchet – en s’exerçant aux tirades de comédies, en composant une sorte de poème politique. La pièce est jouée quatre soirs sous les sifflets et quolibets. On aurait dit du Ionesco, venu trop tôt. Car, avec le bourgeois, Flaubert s’en donne à cœur joie.
Rousselin souffre d’une ambition. Il prétend à la députation. C’est un candidat d’élection. Au deuxième acte, scène XI, il se définit sous les traits d’un Macron d’aujourd’hui :
- Pourquoi toujours ce besoin d’être emporte-pièce, exagéré ? Est-ce qu’il n’y a pas dans tous les partis quelque chose de bon à prendre ?
- Sans doute, leurs voix !
Murel, son conseiller, capitaine d’industrie, opine du chef, impose sa loi. A ne se revendiquer d’aucune identité, Le Candidat de Flaubert est d’une extrême modernité. Rousselin a faim, mange à tous les râteliers. Il est aussi légitimiste que Bouvigny et libéral que Gruchet, l’un et l’autre rivaux.
L’argent de Murel finance L’Impartial, journal qui exhorte à ne pas voter mal. Murel fourgue au passage ses éléments de langage : « Il faut bien que je rebadigeonne votre patriotisme ! » (Acte deuxième, scène XII). Rousselin cause au peuple comme à des orphelins sans fifrelins : « On doit, autant que possible, démocratiser l’argent, républicaniser le numéraire » (Acte troisième, scène II). Or, du numéraire au numérique, il n’y a que quatorze décennies d’histoire, le temps de rafraîchir Rousselin, d’en extraire un Macron magicien. 
Au dernier acte, Pierre, le domestique de Rousselin, se fiche comme d’une guigne de la commission de contrôle des comptes de campagne : « Rien ne coûte, vu la circonstance ! Ce soir l’élection, et la semaine prochaine, Paris ! » Rousselin est l’ange annonciateur de notre Emmanuel marcheur : « Il est absurde d’avoir des opinions arrêtées d’avance » (Acte quatrième, scène II). Candidus veut dire blanc en latin. Le candidat est la somme de toutes les couleurs, y compris politiques.

mardi 7 février 2017

Un Tour à la Walkowiak

Hollande, au style très quatrième république, ressuscite la figure de Walkowiak. Le président normal a conquis la timbale élyséenne comme le cycliste oublié s'est octroyé le maillot jaune, au milieu des années cinquante. Lauréat du Tour, dès sa première participation, Roger Walkowiak n'a jamais confirmé son coup d'éclat. Il a réintégré le peloton, puis l'anonymat de Montluçon. François Hollande, au terme d'un mandat, rejoindra la rue Cambon, sa cambuse d'origine.
François Hollande prend mal la lumière. Il est banal à la manoeuvre. On ressent un vide, un manque d'incarnation, une panne de présence, un déficit d'autorité. Son défaut de popularité résulte d'un excès de normalité. Walkowiak avait bénéficié des gracieusetés de la destinée. Il s'intercalait entre Anquetil et Bobet. Après le bouquet d'arrivée, il s'endormit sur ses lauriers. Il fit fausse route, quitta le vélo, ne construisit rien de pérenne avec la petite reine.
Hollande a enfourché le vélo de De Gaulle. Il touche à peine les pédales. Il a joui du forfait de DSK et de la méforme de Sarkozy. L'un a préféré la noce au sacerdoce. L'autre a été hué durant toute la course. Coup de chance. Au début, Hollande récupère le bonus du Mali. Il cible une poignée de terroristes, sonne l'hallali, retrouve ses joues de trompettiste. Il succombe à l'ivresse du feu. Il engrange de la sympathie. Il confie son bonheur au pays: "C'est le plus beau jour de ma vie".
La population partage peu l'émotion. Elle goûte moyennement le forcing fiscal. Hollande taxe à tout bout de champ. L'impôt est ressenti dans son étymologie. Le mot voisine avec imposteur, pour qui le collecte. Hollande, percepteur de la République, nous joue un Tour mineur, à la Walkowiak.
Comme l'obscur pédaleur, il risque de finir patron de bar à La Chapelaude, capitaine de menthe à l'eau à la buvette de la Cour des Comptes.


dimanche 5 février 2017

Louis le preux

C'est lui. Louis. Le louis d'or du tournoi. C'est Louis qui s'y colle, qui jamais ne cale. C'est Louis qui plaque, brandit et aplatit. Lui Louis, c'est Picamoles, grande gueule. Louis Picamoles caracole quand quatorze dégringolent. Il s'est extrait du Quinze comme d'une mêlée peureuse, à la peine, emmêlée dans sa chaîne. Il n'aboie pas, il colmate, il attaque. Il supplée ses trois-quarts par ses trouées d'épopée.
Picamoles leur fait mal. Il enraie la mécanique britannique. Je me souviens d’un match à Dublin. Je me remémore son port souverain. Son grand corps se voûte à l'approche de l'en-but. Sa tête penche sur un buste où loge l'ovale de cuir blotti. Picamoles veille à sa balle comme un père sur un songe de petite fille. Il défend sa princesse de ses fiers biceps. De un à quinze, au milieu, il y a le huit de Picamoles. Le huit de Twickenham ne veut pas rendre les armes. Le Quinze tricolore rate la victoire d’un cheveu. Il pleut sur Louis le preux, jusque dans ses yeux.

mercredi 1 février 2017

Une légitimité

Le prêchi-prêcha de candidat était une menterie de meeting. Son profil d’homme intègre a viré au vinaigre. 
Fallait-il être myope comme une taupe pour ne pas voir Pénélope, la Galloise, biffer d’un trait doctoral les impropriétés de discours du discret François ? Le goût de l’argent est une vulnérabilité, l’indice éclatant d’une médiocrité. Les gâteries d’homme d’assemblée déconcertent une opinion ahurie. L’impéritie de sa défense ajoute au sentiment d’un juste mépris. Qui d’autre ? Il convient de consulter l’oracle, d’interroger Chirac. En l’espèce, il est formel. « Le meilleur d’entre nous, c’est Juppé ». La récente dénégation du maire de Bordeaux n’est que stratégie de provisoire retrait. Car rien ne peut résister à l’ardente sollicitation d’une nation. 
De Gaulle, retiré à Colombey, a fini par céder aux manifestations répétées d’affection. L’orgueil du chef s’est alors satisfait de la sarabande des nuques courbées. Il suffisait de lui demander poliment, voilà tout. Il acquiesça sans se faire violence. La situation l’exigeait. A Juppé de jouer désormais. Il dispose d’une légitimité.