jeudi 31 décembre 2020

Mauricette

Retranché dans son fortin varois, Humble 1er barbote dans une pataugeoire. Il reconstruit une estime de soi. Le chef de guerre a été secoué par le virus délétère de Chine. Il peaufine une revanche en catimini. Il parachève une stratégie d’encerclement, d’asphyxie de l’ennemi. Pour ce faire, la vaccination sera le glaive de la nation toute entière. Humble 1er supplie Diafoirus. Il veut remonter sur son cheval. Même Angela, la grosse cavalière, n’en était pas tombée. Mais Diafoirus est un toubib inflexible, insensible aux pressions. Il lui interdit de lancer l’assaut, lui prescrit piscine et les ronds dans l’eau. Les communicants du palais s’impatientent. Ils sont consultés. L’un d’entre eux connaît Mauricette, la soldate de Sevran, rangée des voitures depuis belle lurette, une idéale Jeanne d’Arc d’opérette. Humble 1er la désigne d’office première de cordée. Mauricette se jette à l’eau, lance l’assaut. La transparence exige qu’on placarde son effigie dans les mairies, les pharmacies, les Monoprix. Mauricette est gonflée à bloc. La première vaccinée déclare au journal télévisé, comme une jeune épousée à l’heure du baiser nuptial : « Même pas peur ». La caméra authentifie l’exploit. La seringue enfoncée dans la chair s’apparente à un drapeau tricolore planté en terre hostile. Mauricette nous délivre d’une disette. Le féministe Humble 1er a bien choisi sa reine d’un jour, sa lampiste d’hospice. La vaillance de Mauricette touche le cœur des midinettes, mille fois mieux que le parler en dialecte de Castex. L’effet mimétique de la star de Sevran ne se fait pas attendre. En trois jours, l’attaque éclair de Mauricette a convaincu 138 pékins. Au diable les mots, rien ne vaut l’exemplarité. Des esprits chagrins s’en offusquent. Au palais, on maugrée. On lit et relit le JDD. « Avec Pernaut, premier piqué, on aurait doublé le score. »

jeudi 17 décembre 2020

Théodule Delfraissy

La bestiole caracole, sait d’instinct que l’Elysée est une auberge espagnole. Le virus y circule à son aise comme un espion russe en mission. L’Elysée est ouvert comme le Grand Rex ne l’est pas, comme l’Opéra Garnier ne l’est pas, comme le routier du coin ne l’est pas. Restaurateurs et saltimbanques se produisent dans des clusters sans foi ni loi sanitaire. On met d’autorité les scellés sur l’outil de travail. La loi est bonne fille pour certains, scélérate pour d’autres. Elle ment en même temps. Le président impose la géométrie variable comme science souveraine du quinquennat. Et le comité Théodule Delfraissy dans tout ça ? Il n’est jamais à court de fantaisies. Il laisse faire. Il laisse faire son commanditaire. Le palais présidentiel est un bien essentiel. De deux choses l’une. Ou bien le président n’a mis de masque, n’a pas respecté les gestes barrières élémentaires, ne se lave plus les mains depuis belle lurette. Ou bien c’est le sympathique Jérôme Salomon qui a raison : le masque ne sert à rien. Et ce sont les affreux complotistes qui ont la bonne intuition : les gestes barrières et le lavement des phalanges, c’est du bidon. Bref, quand le chef de guerre est touché en pleine tête, c’est que la stratégie a du plomb dans l’aile. L’ennemi marque des points symboliques. Une ligne Maginot autour du Château ? L’Elysée doit fermer sa boutique de conseillers techniques. Illico presto. L’Elysée doit boucler ses volets sine die. La troisième vague est tapie derrière les sapins, va déferler sans crier gare sur le Château ouvert à toutes grandes marées, ne fera qu’une bouchée des derniers chargés de mission valides. Théodule Delfraissy, roi des téléconférences, sauvera ce qui reste du palais de son prince.

mardi 8 décembre 2020

A défaut d'écho (L'interview)

Quoi dire d’ « A défaut d’écho » ? C’est un livre qui s’est déclaré comme un incendie, sans le vouloir, qui a calciné la routine, au hasard d’un cheminement sur Linkedin. D’un gentil « j’aime » recueilli, suivi d’un commentaire sensible, érudit, à un texte d’hiver, à des mots de moi évoquant une rêverie dans les neiges, procéda une correspondance dans l’urgence, l’échange fatal de deux solitudes. Se produisit une flambée du désir, le rougeoiement d’une imagination, la fièvre d’une passion. « A défaut d’écho » relate cet embrasement, accole des mots sur de violents sentiments. Le livre juxtapose les mails, les offre pêle-mêle à l’étrangère du bout du monde, à la rouquine voisine de Linkedin. Il s’écrit à sens unique. Car les réponses se sont perdues au montage. On en pressent la teneur, on en devine ce qu’elles expriment. Il appartient au lecteur de les restituer, de les inventer. A vrai dire, le récit se situe à la croisée de trois genres littéraires : la lettre d’amour, le journal intime, le monologue de théâtre. Lettre d’amour impossible, bouteille à la mer, bien sûr. Journal intime, littéraire de surcroît, sans doute égotiste. Monologue intérieur, dans le noir d’un regard, qui vainc la peur. Mais il faut ajouter autre chose. « A défaut d’écho » se réclame de l’art de la carte postale. Le livre s’est écrit en juxtaposant des dizaines et des dizaines de photographies de plage, en accolant des petits mots charmants d’un temps de désœuvrement. Le titre du livre ressuscite un bouquin que j’aime bien, de fin de vie de son auteur. En son temps, j’ai admiré « A défaut de génie » de François Nourissier. J’ai voulu ce coudoiement dans l’écriture d’un roman, cette complicité pour dire la beauté du métier, exalter la noblesse artisane. J’ai souhaité que le lecteur se sente bien dans ce style de littérature, s’éprouve bien chaussé dans un soulier, agréablement ressemelé, d’honnête cordonnier. Se souvenir que le premier mot du texte est un mégot d’incendiaire. D’un geste fortuit s’ensuit la fantaisie du récit, s’impose l’obligeante nécessité d’écrire. Que vous a appris ce travail inédit d’écriture ? « A défaut d’écho » est le fruit d’une alphabétisation, le produit littéraire d’une appropriation personnelle des réseaux sociaux. D’une certaine manière, j’ai voulu tester la ressource imaginaire des nouveaux médias numériques. Par le biais du réseau social, Linkedin en l’occurence, mais Facebook aurait fait pareillement l’affaire, j’ai joué le jeu des complicités, des frottements, voire des intimités virtuelles, j’ai expérimenté un mode d’expression nouveau pour moi, avec ses usages un peu dépaysants, ses us et coutumes particuliers. De cette pratique, j’ai tiré le fil littéraire, l’animant, le coloriant des péripéties de ma propre vie. Je me suis plu à une certaine vitesse, à une certaine spontanéité de rédaction. J’ai joué le jeu d’une écriture à la diable, moins tenue, moins boutonnée. « A défaut d’écho » témoigne d’une pareille fraîcheur dans le maniement des mots. C’est une sorte de bluette, une parenthèse guillerette. Un mot encore sur le choix du titre … « A défaut d’écho « ? Le titre s’est imposé. J’ai dit pourquoi. Sauf, qu’à la dernière minute, à l’heure du bon à tirer, j’ai hésité, ma main de scribe a tremblé. Ce livre aurait pu s’intituler « L’Eau du Soir », comme une évidence, celle précisément du parfum de la jolie rouquine de Linkedin. Sur les lèvres, j’avais aussi un autre titre, d’ailleurs évoqué dans le récit : « Entre nous et les lignes ». Mais je suis, je reste toujours fidèle, voire obéissant, au premier mouvement. « A défaut d’écho », c’est un titre allégorique qui désigne une solitude, un cri dans le désert. La forme du roman épistolaire qui l’exprime s’apparente à une bouteille à la mer, à un hurlement dans l’océan. Aucun écho. J’écris des ronds dans l’eau. Vos projets désormais ? J’écris la suite de « Fred ». Je me consacre au « livre de ma mère » qui en est le pendant naturel, nécessaire. C’est une prière qui s’adresse à une mère, les mots sans écho d’un marmot. C’est un travail terrible, un labeur d’une infinie difficulté, mais d’un genre, d’une facture très classique. C’est un roman qui ne transige ni avec la vérité, ni avec la beauté, puisque les deux se décalquent sur une même page. J’y manie le rabot des mots à ma fantaisie. J’y sacralise la phrase. J’y pratique la littérature comme le culte secret des plus hautes ciselures. « Tita Missa Est » sera un texte test, l’ambition de réaliser une prouesse : j’écris un livre que je ne sais pas écrire. C’est pourquoi j’ai peur, fouetté par l’enjeu, je suis dans mes petits souliers. Avec « Tita Missa Est », je rentre à nouveau dans le dur. La phrase est une torture. Je passe des heures sur chacune d’elles. Je reviens à mon écriture d’origine. J’avais fait le mur. « A défaut d’écho » est un livre d’école buissonnière. Votre souhait le plus cher, ce serait quoi ? Mon rêve ? Je réfléchis. Oui, prendre un bout de phrase, la première venue, n’importe laquelle, un peu comme on arracherait une touffe d’herbe ou comme on torderait un fil, comme on sectionnerait un morceau de ferraille. Et d’un détail de la nature, d’une pareille miniature des arts, ou encore d’un petit fragment d’artifice, j’aimerais modeler une forme pure, aussi imprévisible qu’une humeur, aussi indécise qu’un caprice d’écriture. Avec un bout de ficelle, je voudrais inventer une forme qui tienne, créer un ciel qui m’appartienne.

jeudi 3 décembre 2020

A défaut d'écho

Les livres se suivent et ne se ressemblent pas. Mais les péripéties se poursuivent, se précipitent dans la fièvre, écrites d’une même main, l’une des deux miennes. Au mois de décembre, je publie un roman d’amour, le récit d’une passion, « A défaut d’écho », le septième ouvrage de ma composition.