mercredi 30 juin 2010

Rosserie de carrosserie

L'incivilité règne sur la cité. Elle monte en gamme. Elle tue au coin de la rue. L'argent s'y gagne dans la violence de la vitesse, dans la démence du stress. La lenteur de la paix entrave l'impulsivité de vainqueur. Nous vivons "la disparition du silence" annoncée, dénoncée par Cioran.
L'économie est l'envers du soin prodigué. Elle s'alimente du low cost de guerre, se nourrit de brutalités ordinaires. On claque du fric, on vire un mec, on tabasse un connard. Pareille vulgarité vient d'en haut. Bing sur le cortex, c'est l'effet du bling-bling !
La bagnole est le lieu de la couardise maximale. La haine s'y déploie en privé sur la voie publique. Elle concentre vitesse, tas de tôle et mâle bravache. La machine à moteur tue les émotions, terrorise les derniers îlots de civilisation. Le combat d'autos est un sport d'idiots qui s'en tamponnent le coquillard. "On va le tuer devant sa mère !" ordonne la petite bande de meurtriers autoroutiers.
Au motif d'une éraflure de carrosserie, Mohamed succombe à la rosserie. L'incivilité franchit le cap de la sauvagerie. Les hommes ont peur dans une société fracturée de barbarie.

Vuvuzela d'honneur

Anelka avait enjoint Domenech d'aller se faire voir ailleurs. Se faire disputer par les députés. Huis clos. Tribune vide. Peur des hooligans, des gredins de gradin. Débâcle du tacle. Degré zéro du foot.
Domenech a fait beaucoup de ramdam pour un jeu de balle sans âme. Tintouin et trompettes de la renommée. Raymond mérite une distinction. Je propose qu'il lui soit décerné le "vuvuzela d'honneur" pour l'ensemble de son oeuvre.

In memoriam

Il a vécu en dispersant ses fêlures comme on jette sa jeunesse par les fenêtres. Il a garé son scooter devant la boutique d'un prestigieux sellier. Il nous a distraits des longueurs de la vie. Il n'est pas rentré et nous n'en sommes pas revenus.

mardi 29 juin 2010

Rigueur

Rigueur est un mot qui fait peur. On l'abandonne à la rêverie des mathématiques, à l'insouciance de la science. Dans le monde réel de la communication politique, on l'applique au train de vie ministériel. Sous le faux nez de la vertu. Mesure d'économie. Règle de justice. Principe d'Etat irréprochable.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. L'hôte de l'Elysée - premier parasite de la République - s'exonère du plan d'austérité des gommes, crayons, limousines et palais. Roi soleil, il doit briller en pleine lumière dans son logement de fonction et conserver le salaire de trader qu'il s'est d'autorité attribué. Le président voit juste: le terme de rigueur n'est pas approprié.

lundi 28 juin 2010

Violence d'Etat

La désunion ne fait pas la force. La débandade des puissants annonce de grands tourments. Ce G20 de l'été mérite un zéro pointé. Les pays nantis du globe - ou à forte démographie - ne jouent pas plus collectif qu'une bande de footballeurs sans projet d'avenir.
Leurs gouvernants ont abdiqué devant les caprices des marchés. Ils n'exercent d'autorité que sur leurs populations intimidées. En effet, les Etats jouissent du monopole de la violence légitime, au sens de Max Weber. Ils usent et abusent du droit de cuissage fiscal. Car tout le reste file entre leurs doigts. Ils se cramponnent à leur ultime pouvoir. C'est pourquoi ils confisquent l'argent pour combler les trous d'une finance de casino. Ils bottent en touche, sous-traitent les décisions nationales aux banques centrales. Les marchés se rient de nos démocraties. C'est la leçon de la capitulation de Toronto.

Photos de Toronto

Celui qui rit en permanence, c'est Berlusconi, toujours le plus proche d'Obama sur la photo. Obama s'amuse des gaudrioles de Silvio, dévoile des dents chevalines à la Fernandel. Sarko ronchonne. Il grogne, il est doublé par l'Italien. Il est de dos, face au lac Ontario. L'altier Cameron ne cache pas ses origines patriciennes.
A Toronto, il y a des marches groupées, des randonnées à la manière mitterrandienne de la roche de Solutré. Le Français est lâché. Il chemine en queue de peloton, devise avec l'Allemande. Il est toujours très gestuel.
Le G20 est une collection de clichés. Strauss-Kahn lit ses mails. Les photographes s'en donnent à coeur joie. Les petits devant, les grands derrière. La photo finale rappelle le temps des écoliers, des blouses et des encriers.

mercredi 23 juin 2010

Allez les Rouges !

"Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge". La parole de Picasso s'impose à Laurent Blanc. Le peintre voisine avec le jeu de balle depuis que le génial Cantona s'affubla du nom du maestro.
Car la faillite des Bleus nécessite l'urgence du rouge. Désormais, on laisse l'azur aux grands ciels d'été, les mots bleus aux voyous des vestiaires, la bleusaille à sa grisaille.
On pare au plus pressé. On bâtit l'équipe avec du rouge. Rouge désir de mouiller le maillot. Rouge désir de réhabiliter le plaisir du jeu. Rouge désir de mettre le feu. Qui mieux que Blanc peut convertir le Bleu en Rouge ? Allez les Rouges !

mardi 22 juin 2010

Le président Escalettes

Le président Escalettes devrait prendre la poudre d'escampette. A moins qu'il ne s'entête. Au football comme en politique, on s'attache à la douceur des mandats. Un bon président endosse un pardessus mastic et s'assied dans la tribune. C'est son bureau de fonction. Il est interdit de pelouse et de vestiaires. Il patiente à la mi-temps. Il n'est responsable ni du fiasco ni des gros mots des joueurs.
Le président Escalettes ressuscite le temps des cartes postales sépia et du cinéma à gueule rurale des années Gabin. Physique de jardinier, chemise à gros carreaux retroussée, parler de vieille rocaille.Il ressemble comme deux gouttes d'eau à Rellys, comédien marseillais, acteur de Pagnol.
Dans l'une de ses inénarrables conférences de presse, le président Escalettes posa sa paume, en père de la nation foot, sur le bras d'Evra, capitaine furibard. "Trouver le traître" ne l'inspirait guère. Le président Escalettes n'appartient pas à la génération télé-réalité. Son regard de belette ne semblait penser qu'à une seule chose: trouver la sortie.

lundi 21 juin 2010

Vive la presse !

A quoi sert la presse ? Les rieurs le savent. Les journaux sont juste bons à emballer le poisson. Or il a suffi qu'un vilain canard dévoile les doubles émoluments d'une ancienne ministre et les poly-pensions de plusieurs membres du gouvernement pour que ce petit monde renonce à ses privilèges. Tout au moins temporairement.
De même, la manchette d'un grand journal sportif, en révélant la voyoucratie ordinaire des vestiaires de football, a provoqué illico presto l'exclusion d'une star du ballon rond.
Politique et football s'abreuvent aux même sources de mensonge et d'hypocrisie. Dans l'opacité la plus noire, on y tolère les pratiques les plus discutables. Au grand jour d'une presse libre, les masques tombent. Les uns et les autres - serviteurs de l'Etat et dirigeants de football - rivalisent alors de bons sentiments, se livrent à un pitoyable concours de vertu. A ces as de la transparence, il convient de décerner la palme de l'exemplarité, l'oscar du courage, le "vuvuzela" de la République reconnaissante. La France d'en haut se moque du monde, sermonne le peuple et s'affranchit de règle morale. Vive la presse !

vendredi 18 juin 2010

Agenda

16 juin: douche des retraites. 17 juin: fiasco des Bleus. 18 juin: sursaut gaullien. 19 juin: remake Villepin. 20 juin: fête des pères de la nation. De Gaulle encore. 21 juin: ouf, c'est l'été ! Fini les histoires d'honneur, de résistance, de héros, de gloire, de compétition. Le calendrier souffle un peu. L'agenda s'humanise. On oublie les devoirs. On passe aux vacances. On exige la garantie de ses droits. On zappe sur la crise, les retraites et les grands hommes. On ne se prosterne plus que devant l'hypothétique soleil.

lundi 14 juin 2010

Pronunciamento

Un général de brigade vient de s'emparer du pouvoir à l'issue d'un pronunciamento. L'insurrection a évité le bain de sang. L'homme au képi a débarqué le président élu. Charles de Gaulle - c'est ainsi qu'il se dénomme - a d'emblée pris le contrôle des ondes.
On ne connaît pas encore le lieu d'exil de Nicolas Sarkozy. On parle d'une fuite à bord du navire d'un riche industriel. Le putsch de l'audacieux militaire a été rondement mené. Du jour au lendemain, la presse, la radio, la télévision, Internet ont été squattés par le général et ses sbires. Des hagiographies du factieux sont imprimées à la vitesse de l'éclair.
Sa haute silhouette hante les esprits: elle est placardée à tous les coins de rue. La France a peur car elle demeure sans nouvelles du locataire légal de l'Elysée.

La boulette de l'athlète

Le portier anglais s'est accroupi sur la balle que ses doigts n'ont pas saisie, ont laissé échapper vers le fond des filets. A terre, le gardien jette un regard, de derrière la tête, vers cette sphère de cuir au ralenti qui franchit la ligne de but inscrit. Il donne le sentiment d'être pétrifié, incapable de commander à son corps, trop court pour colmater la trouée, pour infléchir l'infortuné destin du ballon.
C'est une main de nageur qu'il lance dans le vide, comme un remords inutile, loin de la paroi du bassin. Ce geste inabouti souligne le fiasco du gardien étourdi. La "boulette" de l'athlète consacre les débuts réels du Mondial. Premier coup de théâtre. Mieux que la main d'Henry: la molle menotte de Green.

mercredi 9 juin 2010

Dette et jeux sur Internet

L'argent se raréfie dans les caisses. L'endettement massif supplée au déficit des comptes. L'Etat montre le mauvais exemple, fait la morale, sermonne le peuple.
En cette période de longue disette, le même Etat dispendieux libère les jeux d'argent sur Internet. C'est une pédagogie de la gabegie. Les gens se serrent la ceinture. Ils se saignent pour boucler les fins de mois. Ils empruntent pour subvenir à leurs besoins élémentaires. La machinerie du désir fonctionne à plein pour qu'ils consomment davantage, histoire de ragaillardir une demande défaillante.
Or, dans le même temps, l'Etat désinvolte les encourage à jouer avec l'argent, à parier sur Internet comme on se distrait avec des allumettes, à imiter les fringants traders qui anéantissent des sommes folles d'un revers de clic.
L'Etat cynique substitue à la dureté du réel, l'imaginaire du rêve, l'insouciance de casino, le paradis artificiel des addictions. Devant pareille indécence, on se pince. Précisément, on croit rêver ! Les princes modernes périront d'un surcroît de morgue à l'endroit du peuple.

mardi 8 juin 2010

Nababs de la balle

Les Bleus séjournent dans un palace de l'océan indien, assorti à leurs Ferrari, à leur train de vie de nababs de la balle. La jolie secrétaire d'Etat aux sports s'en offusque à tort. Les Bleus ne sont pas des fonctionnaires de ministère bien que leurs derniers matchs aient révélé un entrain de traîne-patins.
L'argent privé n'appartient qu'à ses détenteurs. S'il est jeté par les fenêtres, il n'appauvrit pas pour autant la collectivité. Libre aux autorités du ballon rond d'user de leurs picaillons à leur façon. Au risque d'un luxe émollient, d'une préparation dans le coton, de nature à fragiliser nos guerriers tricolores.

jeudi 3 juin 2010

Grand apéro géant

Dans l'entretien du Monde (daté du 4 juin 2010), Manuel Valls évoque curieusement les primaires socialistes. Il implore ses coreligionnaires de ne pas les transformer "en grand apéro géant". On sent bien que son esprit est un peu tourneboulé par les décisions d'appareil, par le choix d'un calendrier qui lui déplaît. Reste qu'on ignore pourquoi il associe les votes de la rue de Solférino à un "grand apéro géant".
Qu'au parti socialiste, il y ait à boire et à manger, tout le monde le sait. Inutile de le souligner. Mais il veut signifier autre chose. Pense-t-il à une sorte de beuverie collective entre candidats éméchés ? A vrai dire, le concept de "grand apéro géant" terrorise le sens commun. Qu'est-ce qu'un "grand géant" ? Rien d'autre qu'un gigantissime pléonasme. Il est élémentaire de demander à un homme politique de s'exprimer convenablement. La démocratie souffre de pareilles confusions de langage.

Les coiffeurs

Dans le mode de désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle, on assiste à la formation d'un cartel d'anciens ministres. Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal ont signé une sorte de paix des braves. Bref, l'organisation de primaires se résume à une entente de hiérarques, maîtres du calendrier, destinée à museler la concurrence, à se débarrasser des seconds couteaux.
Hors du trio discriminant, Hollande et Valls devront se satisfaire de candidatures de témoignage, se cantonner à des rôles de figuration. A vrai dire, ils sont sur la touche, assis sur le banc des remplaçants. Ils jouissent du statut de réservistes. En jargon "footballistique", on les appelle des "coiffeurs". L'usage veut qu'ils jouent entre eux un match de consolation, histoire de se dérouiller les jambes.

mardi 1 juin 2010

Nous ne sommes pas émergents

Nous ne sommes pas émergents pour un sou. Nous allons de plongeon en plongeon, prenons des bouillons, manquons de picaillons. Les BRIC montrent leurs crocs. La Chine s'échine. L'Inde, le Brésil et la Russie se moquent de notre vieux PIB à croissance riquiqui.
Nous ne sommes pas émergents mais gravement sommeillants. On s'est endormi sur des lauriers sans réactivité. On a défendu bec et ongles le vénéré "temps libre", ce nom de ministère d'un gouvernement de changement, il y a trente ans. On s'entête sans trêve sur les retraites.
Mais nos plages d'oisiveté font de l'ombre à la compétitivité. Les sociologues tournent casaque, n'écrivent plus de savants traités sur "la civilisation des loisirs".
Elle est loin la douce insouciance des joyeux temps morts de la vie. Au travail aujourd'hui, on choisit d'y mourir.
Nous ne sommes pas émergents, nous buvons la tasse dans le stress, nous déclinons pour de bon. La ligne Maginot de l'euro est en train de se briser en morceaux. Le décadent droit à la paresse de Jules Laforgue, relayé par l'imagination au pouvoir de 68, finit sa course dans le mur mondialisé des échauffourées économiques.

Brrr

Brrr rime avec l'Etat hébreu. La mer est toujours bleue pétrole. Les enfants braillent, de Gaulle appelle. Les mères font la fête le jour de la dette des pères. Il y a peu de silence mais tant de solitude. La croissance arrache les dents du président. On crie tout bas dans la bande de Gaza. On vend des tablettes riches en silicium. Le Fmi justifie les moyens.