mercredi 29 décembre 2010

Train de sénateur

La SNCF défaille. Pépy déraille. Les trains se languissent à quai, musardent en route. Le tortillard de Strasbourg a charreté ses voyageurs jusqu'aux Pyrénées à la vitesse d'une bicyclette. Pépy le chef, au mandat pas très bref à la SNCF, agite le mouchoir de la repentance et brandit le chéquier de l'Etat. Il distribue à la volée des billets gratuits aux infortunés usagers.
Bon prince, il gère le train de sénateur avec une générosité d'emprunt. Il colmate l'incurie de l'entreprise avec l'argent public. La SNCF semble ne travailler qu'à mieux creuser les trous de son budget. C'est facile l'économie selon Pépy.

mardi 28 décembre 2010

Bilan

On fait le bilan des égarements et des tourments, des colères et des sueurs froides, des faux mouvements et des temps morts, des beaux-arts et des grands airs.
On fait le bilan des années à bonnet d'âne, des ruptures et des ratures, des chantages et des ratages, des vivants et des morts.
On fait le bilan des misérables et des comptables, des peurs et des rumeurs, des hôpitaux et du loto, des songes et des mensonges.
On fait le bilan pour rien, puis les soldes pour trois fois rien. On reprend le traintrain Strasbourg/Perpignan, le quotidien tous feux éteints.

lundi 27 décembre 2010

Erreur de casting

Alain Juppé s'illustra au Quai d'Orsay. Le job lui allait comme un gant. Il campa provisoirement, droit dans ses bottes, à Matignon. En coup de vent, il passa au Ministère de l'Environnement. Aujourd'hui à la Défense, il manifeste une certaine nonchalance. Les images de sa nuit de Noël à Kaboul montre un ministre en col roulé de cadre à la campagne, en week-end chez les autres, traînant un impérissable ennui sur une figure de plâtre. Dans la famille des palais républicains, Juppé a pioché l'Armée. Maldonne, erreur de casting.
Juppé, modèle de mécanique intellectuelle, n'exprime pas une empathie naturelle pour la gente militaire. A son corps défendant, il lui témoigne "cette forme durable de la fatigue qu'on appelle le mépris" (Roger Nimier, "Histoire d'un amour", Folio, page 9) .

Illuminations

C'est un livre, couleur miel de missel. Avec de petites plumes soyeuses en guise de marque-page. On ouvre au hasard comme on tranche une pomme. On feuillette le bouquin robuste. On lit la distribution des parties de chasse, la colonne des rôles de la comédie humaine. En bas de page figure le tableau, le nombre de perdrix et lièvres. De temps à autre, une caille, un pigeon se glissent entre les carreaux.
Je cherche ce livre d'écriture manuscrite, rédigé de main de père. Il est perdu. Abandonné à la poussière. Je le suis tout autant sans ce grimoire aux odeurs de cartouche.
Si d'aventure je mettais la main dessus, je retrouverais la bougie des années fichues, le goût des illuminations.

jeudi 23 décembre 2010

Beaujolais

Dans le Beaujolais - Morgon, Brouilly, Saint Amour -, il y a un goût éraillé, nourri d'humanité. Vins de misère disent les délicats du parfum, les snobinards du pinard, les aristocrates du picrate.
Vins de rapicolante nature, bien dans leur chair, à l'ivresse buissonnière, exquisément canaille. Le Beaujolais entretient la camaraderie de verre, la franche amitié des bouts de nappe. La rasade de comptoir, en forme de bourrade, est un pacte sensuel avec le ciel. Le Beaujolais donne des ailes aux bouches indécises, des armes aussi à la traîtrise.

mercredi 22 décembre 2010

L'habit de député

Le corporatisme parlementaire noue les complicités d'un bord à l'autre de l'hémicycle. Reste à bien maquiller les privilèges de fonction, à ne pas dépasser les bornes, sous peine d'être légitimement questionné sur sa vertu républicaine, interpellé sur son exemplarité citoyenne.
Ni vu, ni connu - le peuple a d'autres chats à fouetter avec la neige et Noël -, la chefferie UMP du Palais Bourbon a tenté une provocation sociale sans complexe, à la Sarkozy, dans le registre indécent du Fouquet's ou des émoluments d'emblée revalorisés du nouveau président.
La solidarité du couple Jacob et Copé s'exerce comme les deux doigts d'une main protégeant son portefeuille. Le duo "Jacopé" a projeté d'exonérer la gente parlementaire des pénalités communes en matière de fraude sur la déclaration de ses biens. Comme si l'habit de député ne faisait pas le patrimoine. Un parlementaire menteur - disons "parlementeur" - mérite non pas opprobre mais pardon.
La France d'en haut, celle qui se rassemble autour du perchoir, a perdu de vue le champ d'application de ses propres lois. Elle pérore en vase clos sur le meilleur partage de ses avantages. De Gaulle, en son temps, souhaita qu'on préservât Jean-Paul Sartre, vendeur à la criée de la sulfureuse "Cause du Peuple", des inconforts du cachot. Au motif élitaire "qu'on ne met pas Chateaubriand en prison."
Nos intouchables députés se prennent sans doute pour de glorieuses figures au point de s'affranchir des règles communes. A mille lieux, le peuple vaque à ses urgences quotidiennes. L'élu dans sa bulle s'adresse aux membres de sa confrérie. On peine à savoir qui s'éloigne le plus de l'autre.

Je compte

Je compte en étés, en Noëls avec elle. Ma richesse est de saison, jusqu'à ma dernière heure, mon dernier euro de bonheur. Je compte sur mes doigts, touche du bois, n'en mène pas large outre mesure. Je compte en étés comme on égrène un chapelet. Je compte les billets fripés et la monnaie frappée. Je compte en devise qui ne va pas jusqu'à dix. Je compte le temps qui se décante. Je compte par coeur la leçon d'équinoxe.

lundi 20 décembre 2010

L'oblat du chocolat

Presque en cachette, il s'accoude à la table, écume la fine surface du luisant chocolat, savoure lentement le précieux aliment. "Les toqués du chocolat" sur France 3 vaut par cette séquence d'une rare puissance évocatrice. Michalak, pâtissier de palace, a la dégaine en jean d'un nabab du Web. Il ne s'embarrasse pas de manières. Décoincé des convenances, il jongle en cuisine avec les arômes de cacao. Il confectionne une bûche de Noël en marches d'escalier dentelées. Michalak, nom de rugby, fait l'impasse sur la pédanterie de confiserie. On se fiche de savoir si l'exquise sensation est d'origine "criollo" ou de facture "trinitario". Les mots gâtent les mets. Michalak fait silence, recadre sa langue. Il goûte son chocolat amer comme l'oblat récite une prière. Il est quasi couché sur la coupe tentatrice. Le nez dans son verre de chocolat, Michalak est sorti du scénario, s'est échappé vers l'extase. Rien n'est plus grave que le plaisir.

Amitié, oeuvre

Les mots maltraités renseignent sur l'état dégradé des moeurs de la société. L'amitié, l'un des plus référents du lexique, renvoie à la tradition de la philosophie, non seulement par l'étymologie, mais aussi par sa douleur de chair entre Montaigne et La Boétie.
Or l'époque balaie la pudeur d'un revers de main, d'un clic désinvolte. Elle dégringole dans un dévoiement systématique à la Warhol. Les amis grouillent dans la mare à nénuphars des réseaux sociaux. L'opportunisme de la relation fixe la règle de l'exposition des intimités. A Web ouvert. L'ami est comptabilisé comme un signe extérieur de richesse Internet. Facebook organise le marché planétaire de la surenchère de l'amitié ustensilaire. L'ami est une monnaie d'échange, pas même vivante à la Klossowski, mais une sorte de dollar d'un Far West imaginaire. L'ami file entre les doigts.
L'oeuvre de l'esprit est pareillement trivialisée. Les marchands des médias la désignent désormais du nom brut de contenu. L'oeuvre nue, soumise à la question incessante du marché, est taillée au format minimal du contenant. Le contenu est dépossédé de ses singularités plurielles C'est une marchandise stockée en vrac, une commodité au sens anglo-saxon, dont le flux s'indifférencie dans les tuyaux comme l'eau des lavabos.
Nous sommes abreuvés de contenu, cette denrée nourricière sacralisée par le marché. Nous sommes rassasiés d'écrits, de sons et de lumières, sur les écrans bien nommés qui font barrage au réel. Le contenu est produit dans des fermes appropriées avec un zèle industriel suivant la méthode intensive appliquée aux champs de céréales. Exit la patience de l'oeuvre. Exit le souffle de l'esprit.

Episode neigeux

Le feuilleton des flocons nous tient en haleine pour de bon. Les épisodes neigeux se succèdent en rafales, multiplient les rebondissements. Impossible de s'en soustraire. A tête reposée, on aimerait revoir la saison complète en DVD. A moins de les télécharger, ni vu ni connu de l'Hadopi.
D'un épisode à l'autre, les réalisateurs se relaient. Hortefeux a cédé la caméra à Mariani. Ses scènes d'aéroport sont très réussies. Les séquences de glissades routières, pourtant sans grande trouvaille, véhiculent toujours une émotion nouvelle. Le génie de la série résulte du mélange des bons et des méchants. On ne sait pas à qui se fier. Dans un épisode déjà ancien, la production avait ciblé le pouvoir maléfique de Météo France. Dans l'épisode du dernier week-end, Mariani corse le récit en introduisant British Airways dans le rôle du traître. On en a froid dans le dos.

mercredi 15 décembre 2010

Petits soldats

Boulevard des Italiens, je me suis souvenu de sa figure en forme de ballon dégonflée, de sa bedaine à bretelles et de son franc sourire au sortir de l'église. Il collectionnait les timbres. Il croisait papa au hasard de l'amicale des philatélistes.
Je revois les albums saturés de couleur. Les timbres dentelés n'étaient jamais que des papillons épinglés. Ces pacifiques petits soldats reposaient en bon ordre dans leur cimetière de papier. Papa jouait avec une joie sérieuse, taquinait le temps fixe des vignettes postales, bricolait des images d'enfant sage. J'ai serré la main du jovial compagnon, encore ivre de Dieu, juste après la communion.

mardi 14 décembre 2010

Zéro papier

Journaux ajournés. Kiosques dénudés. Kiosquiers désertés. Les coins de rue inaugurent l'ère du zéro papier. Le sensuel cérémonial du journal est une sale habitude. L'addiction au papier est prohibée. Opérations mains propres. L'encre de l'imprimé ne tatouera pas les doigts. On boira son café sans la mouillette symbolique des encombrants feuillets.
Bref, les quotidiens absents divorcent de leurs clients. Faute au méchant syndicat. Faute de trop qui célèbre le nouveau dieu numérique, la mise au net Internet et ses tablettes de Noël.
Les braves grévistes accélèrent la grande braderie du papier. La mort des journaux imprimés hante les trottoirs comme les vagabonds couchés sur la chaussée, en panne d'espoir. On les balaie par pelletées. Leur non-développement n'est plus durable. Avec ses dernières feuilles d'automne, la démocratie rit jaune.

lundi 13 décembre 2010

Heureux dans ses yeux

Je me lance par les rues, loin des désirs d'antan, à la recherche des vaines richesses à donner, le moment venu, aux visages aimés de ma destinée.
Me manquent l'élan de convoitise, l'esprit de gourmandise qui embrouillaient mes pas au temps exquis des jolis emballages que la main de papa délicatement froissait. J'ai perdu la flamme, un père, ses repères, le plaisir méticuleux d'être heureux dans ses yeux. Dans les rituels aussi usés qu'une corde, il est des gestes de compagnon gravés au plus profond.
Lentement, il avait gravi les sentiers de bienveillance qui mènent au doux sommet de la bonté. Mes doigts s'agenouillent dans un silence bleu de froid perçant.

jeudi 9 décembre 2010

Le Fillon nouveau

Fillon n'a pas bougé d'un iota. Il traîne son même profil bas loin des caméras. Ni touriste béat, ni vendeur baratineur comme son vrai faux mentor en Inde, Fillon fait un saut à Moscou pour se distraire, sans le moindre barouf. Il rase les murs gratis. Bref, le Fillon nouveau n'est pas arrivé comme le Beaujolais. Il garde son non-style d'hobereau triste, son imper morose et ses rêves d'autos fusant tombeau ouvert. En attendant, il tourne en rond dans son petit circuit de premier ministre. Il neige sur le quinquennat. Plus rose que jamais, le glacial Hortefeux nie en bloc. L'exécutif est ailleurs.

mercredi 8 décembre 2010

Dolce vita

Au sommet de l'Etat, l'intermittent du jogging évoque "la dolce vita" d'après-mandat(s). La misère crie sous ses fenêtres. Les mendiants s'enracinent sur nos trottoirs. On dirait des mouroirs à ciel ouvert. La crise des moyens de subsistance s'installe au-delà de la seule rudesse de l'hiver. La pauvreté relève du développement durable. Elle se terre dans sa douleur. Elle se mure dans son murmure. Or l'indécent président, au parler si violemment vulgaire, se soucie des souffrances de France comme d'une guigne. Il appartient au monde enchanté du caprice princier. Il parle de son bon plaisir à l'heure où les gens désespèrent de l'avenir.
A même enseigne que le privilégié de l'Elysée, le malletier Vuitton - lit-on - est épargné par la crise du pognon. Il organise avec minutie le rationnement des articles. Pas plus d'un sac en crocodile par cliente. L'offre est bousculée, brutalement chahutée par la demande. Pareille rupture des stocks de luxe choque autant que l'infantile dolce vita des Sarkozy-Bruni.

mardi 7 décembre 2010

Transparence

La transparence de l'information est le degré zéro de sa valeur. L'éclairage obscène de la vie publique dégrade la capacité d'imaginer. Jamais l'étalage d'un huis clos ne construira une vérité. Car la transparence ne vise pas la vérité mais l'égalité. Il s'agit de niveler l'accès au prétendu savoir.
Cette civilisation de la transparence - que WikiLeaks anticipe - s'arrange, sans grand dommage, avec le mensonge et la tricherie. La corruption n'est guère inquiétée par la démangeaison actuelle de clarté, le prurit contemporain de pureté. Elle vit même grand train sa vie.
Reste que la demande frénétique de transparence - qui rejoint l'intense déballage d'intimité des réseaux sociaux - traduit le besoin d'en finir, une fois pour toutes, avec l'aristocratique secret.
Car le secret est conservateur, par essence. Il se garde. C'est pourquoi il excite l'imagination, il avive la jalousie. Le secret vaut à ne jamais s'éventer. Il attise ainsi le feu du désir.
A vouloir découvrir le pot aux roses, la société s'expose aux déceptions moroses. Sans secret, les passions s'étiolent. La transparence coupe net l'élan de la volonté de savoir. Elle montre un roi nu, des rois nus, des flux de rois nus. La rage de dévoiler escamote le réel. La transparence s'accompagne d'une livide inconsistance. A ne plus savoir quoi désirer, les hommes sont alors guettés par une égale indifférence.

lundi 6 décembre 2010

Miss France

La Côte d'Ivoire compte deux présidents. Nous avons trois Miss France: l'officielle, l'officieuse et la vraie. Si la légale est Bretonne et l'élue de Madame de Fontenay Provençale, la seule légitime est Poitevine. Elle s'appelle Ségolène Royal. Elle prend la lumière mieux que personne. Elle ne rêve pas de passer la nuit au Crillon mais au moins cinq années à l'Elysée pour exercer sa fonction. Ségolène Royal cumule les mandats: Miss France, Marianne et Présidente. Ceux qui font encore semblant de l'ignorer sont des jaloux congénitaux. Maintenant, il appartient aux trois imposteurs de démissionner: pas seulement les reines d'un jour, Sarko aussi. A eux de bien réfléchir car ce serait insultant que l'ONU dépêche un émissaire pour veiller au respect de la démocratie dans notre pays.

Jeanne et Jean

Il est des jours où la coulItaliqueeur fait mal aux yeux. Trop de stridence chromatique casse les oreilles. On se réfugie alors dans un passé de luxueux films aux ombres ouvragées. Le noir et blanc repose des cris de couleurs vives. Il apaise jusqu'au son des dialogues.
On entre dans La Baie des Anges, l'oeuvre de Jacques Demy, comme dans une église. Le mot est de Jeanne Moreau, alias Jackie, à moitié paumée, blonde créature rejetée de la vie, égarée sur la Riviera. Il évoque le rituel des salles de jeu aux heures sans soleil. On se décoiffe dans un casino:pas besoin d'écouteurs, de casque ou de fils pour jugulaire. La liturgie de la roulette enivre comme le goût persistant d'un vin voyou. Demy s'applique. La tête du (télé)spectateur tournoie comme la bille des rouges et des noirs. C'est un film à la Rimbaud qui fixe des vertiges. La litanie des numéros sortis rythme le récit telle la ritournelle d'un jeu de marelle. La maladie du jeton est peinte avec une juste affection, un charme secret pour les embellies du hasard.
On s'émeut de Jeanne et de son addiction, de Jean et de son improbable diction. Mais le plus beau réside dans le "Jean !" panique, cri de chair de Jeanne, détonation finale en plein coeur, dans le bleu du ciel aveugle. La suicidée du tapis vert dépose son arme, se convertit, rentre dans les ordres, s'enfuit du Négresco.
L'admirable fin rappelle La Peau Douce, le coup de fusil de femme trahie, à bout portant, sur Desailly, ou l'explosion solaire de Pierrot le Fou. Autant de derniers cris. C'est l'histoire de Jeanne et Jean, gens sans entregent, adonnés aux jeux vénéneux d'autres salles obscures, dans une ronde infernale ponctuée d'alcools forts.
Bouleversante soirée sur Arte. Dimanche à marquer d'une pierre blanche. Avec la joie de croiser la silhouette nonchalante d'un grand acteur de théâtre, Paul Guers, immense comédien si oublié depuis tant d'années.

jeudi 2 décembre 2010

Débandade

Chez les socialistes, l'homme est absent: il est à Washington. Les femmes sont restées au foyer. Martine à Lille dans sa famille. Marie-Ségolène, chez elle, au pays du chabichou. Comme les veuves de guerre ou les femmes de marin, elles gèrent le quotidien, élèvent seules, avec les moyens du bord, une marmaille effrontée. A vrai dire, la maison, rue de Solférino, est tenue par les grands frères, Harlem et Razzy. On ne se pose d'ailleurs même plus la question de Laurent: Qui va garder les enfants ? C'est la débandade. Les petits veulent ramener leur fraise, faire l'intéressant devant les caméras. Manuel et Arnaud, les plus turbulents, revendiquent déjà un statut de chef de famille. Manière de dealer par avance un peu de respectabilité. Il est temps que leur père rentre et remette de l'ordre à la maison. Dominique ne s'occupe pas assez de ses enfants.

L'allant des souliers

Regard blanc du ciel. Froid qui pique les peaux opaques. Le trottoir mazouté est déserté. L'allant des souliers martèle les destins contrariés. La lumière des aveugles interdit l'éclat de voix. L'heure est au recueillement des corps, aux gisants du dehors, au temps mort des grondements sonores.

mercredi 1 décembre 2010

A la Royal

Marie-Ségolène ne tourne pas autour du pot. Elle s'affranchit de la rue de Solferino. Elle prend au mot les brumeux oracles du calife du FMI. L'attentisme ne sied guère au genre de beauté de la diva du Poitou. Les primaires se joueront à la Royal. Autrement dit, dans son for intérieur: à la loyale. Marie-Ségolène piaffait d'impatience d'en découdre, de ferrailler en première ligne avec la droite indigne.
Marie-Ségolène insuffle une bouffée d'oxygène, donne un grand coup de pied dans le jeu de quilles politique. Elle garde sa fraîcheur intacte, son effronterie béate de première candidate. Elle sonne l'heure du ralliement à son panache blanc. En ces jours sans couleur, Marie-Ségolène fait rayonner son sourire de marchande de bonheur. Elle bourre sa hotte de ses meilleurs chabichous. Marie-Ségolène, reine de bravitude, est le petit soldat téméraire qui rompt le rang délétère du bal des hypocrites.

lundi 29 novembre 2010

Etrangères au rugby

La furia australienne n'a fait qu'une bouchée d'un Quinze de France égaré, d'une cohorte de premiers communiants éparpillés sur la pelouse, d'une bleusaille en culottes courtes infichue de faire front.
A droite, à gauche, au centre, sur les ailes, le bateau tricolore a fait eau de partout. Les vifs Wallabies alignaient les essais comme autant de bêtes à plumes à leur tableau de chasse. En deux temps, trois mouvements, dans une moitié d'heure, la brave équipe de Liévremont a été châtiée sans pitié.
Le public des gradins de Saint Denis écarquillait les yeux. Il criait son indignation. "Traille", lourd numéro dix, est alors affublé d'un patronyme à sens britannique dérisoire quand, chez les Bleus, il y a disette d'essais.
Au plus fort de cette mi-temps calamiteuse, la caméra de France 2 épingla deux supportrices à large sourire, mondainement désinvoltes, absentes au jeu, loin, très loin du drame national. La déroute tricolore semblait une affaire très étrangère à la ministre du Quai d'Orsay. Sa voisine des sports riait aux éclats. Les ministres d'en haut se souciaient comme d'une guigne du désarroi d'en bas. Cette félicité patricienne mesurait la distance entre les honneurs républicains et le labeur du terrain.
Ce samedi de froid novembre, le deuil de notre rugby interdisait à ces visages privilégiés de pétiller comme un champagne étoilé. Question de décence.

mercredi 24 novembre 2010

Le quinquennal chanoine

Il est peigné comme un fils. Il manie la bonne volonté comme un préjugé d'éducation, un devoir d'opiniâtreté. Il ennuie d'emblée, sans audace ni artifice. D'une voix atone, il s'applique dans un monde cantonal. Debout, le quinquennal chanoine récite le bénédicité, la litanie des flagellations de la nation. Le pays voudrait s'asseoir pour manger. Au bout d'une heure, il s'attable sans grand chose à se mettre sous la dent. L'homme de Matignon modère ses émotions, n'est pas peu fier de ses galons.

Vieillesse

La légèreté d'une fin d'été, l'apesanteur des dernières heures, la simple joie des jours, l'émerveillement d'un regard lent, la prière d'une vieillesse que rien ni Dieu ne presse.
C'est la liberté d'une femme de foi. Elle sourit à la vie. Les bonjours sont des fêtes de l'espoir. Dans sa nudité de peau, le temps déploie son torse. Il trimbale devant soi la vacuité d'un roi.

mardi 23 novembre 2010

Un drôle de zigomar

Julien Guiomar était un drôle de zigomar. A la Sainte Cécile, il a choisi l'exil. C'était un comédien au jeu piqueté de gourmandise, à l'oeil étoilé d'une suspecte folie. C'était aussi une trogne renfrognée, mal réveillée, une présence clandestine, un charme vénéneux, une gaieté ambigüe.
Il se prénommait Julien, presque Jules. Car il y avait du diable boîteux, du Jules Berry, dans la figure du trouble et facétieux Guiomar. C'était un acteur balafré d'humanité, exquisément secret.

jeudi 18 novembre 2010

Gregario de Sarko

Dans le Tour de France, les géants de la route ne sont pas égaux parmi le peloton des champions. Les gregarii, ces équipiers modèle, besognent à vélo pour la seule gloire du leader. Dans la formation Fillon, on note le débauchage des porte-paroles de chefs ennemis. François Baroin, longtemps voix de son maître Chirac, et Marie-Anne Montchamp, première attachée de presse de Villepin, ont changé de maillot. En langue cycliste, on traduit "gregario" par "porteur d'eau".
Le nouvel attelage Sarkozy/Fillon, redoutant d'avoir grand soif pour le restant de la course, a recruté de fringants livreurs de bidons, experts en bonne parole potable.

mardi 16 novembre 2010

Le marais

Le centre est un archipel d'îlots mal répertoriés sur la carte politique. Borloo, dindon de la récente farce élyséenne, souhaite fédérer ce territoire composite. A l'heure où l'Europe - son cheval de bataille favori - se délite dans les grandes largeurs, le centre éclaté rougit de son allure décousue, rêve d'une hypothétique unité. Les bons pasteurs, guides éclairés du centre, ne font pas défaut. Les chefs se bousculent. Manquent les petites mains. L'irraisonné Villepin lorgne sur l'électorat modéré. Morin, le bel insignifiant, règne sur un petit bout de centre. Bayrou l'opiniâtre s'est enlisé à cheval sur son Modem. Jadis, on parlait à juste titre de "marais" pour désigner le magma du centre.
A l'approche d'échéances décisives, Royal, Hollande et DSK ne seront pas nécessairement fâchés avec le centre. Ils tendront la main à un absent. Tous se figurent que le centre est partout. A moins qu'il ne soit nulle part. Sarkozy semble s'en être persuadé. Le centre est la voie de transit des suffrages volatiles. Petit affluent, il se mélange au grand fleuve, généralement la droite. A l'occasion, la gauche reçoit un peu d'eau. Pas beaucoup. La querelle de chiffonniers qu'il suscite ne devrait qu'un peu plus l'assécher.

Rougissure

Pénombre du souvenir, entre parquet de bois bruni, vigne vierge dentelée dont la rougissure étirée barre la trouée du jour. Ce bruit de lattes qui craquent embrouille la mémoire, hisse la marche d'escalier à mi-hauteur d'un vain bonheur. Lumière vermeille de jolie feuille, joue contre pierre, dans l'isolat splendide d'une vitre moqueuse.

lundi 15 novembre 2010

La cérémonie du remaniement

Ils se serrent la main sur le perron du palais. Ils ont topé comme deux maquignons à la foire de la nation. Ils sourient d'avoir réussi à s'accorder. L'émail des canines brille dans la pluie d'automne. Le remaniement commence par ce jeu de mains ostentatoires. Ils ont marchandé durant des semaines avant de mêler leurs doigts. Le quinquennal premier ministre ne lâche rien. La poignée de mains politique figure au rang des genres photographiques. Elle est figée dans un cliché.
On attend la liste des ministres comme le palmarès du festival de Cannes. La distribution des maroquins s'invite à l'heure de meilleure audience, en plein dîner, au milieu du Jité. Les chaumières sont réquisitionnées d'office, installées aux premières loges. Les chaînes d'information rivalisent d'ingéniosité pour peupler la longue attente, entre crissements de pneus et mouvements de grille clandestins. BFM TV s'illustre en révélant la composition du gouvernement avec une bonne heure d'avance. Les journalistes ont l'oeil luisant des soirs d'élections. Ils s'en donnent à coeur joie. Ils sont de mèche, partagent l'excitation du tandem du perron. C'est jour de fête pour les "professionnels de la profession", leur Noël des nouvelles. Le rideau se lève: en pleine lumière, le récitant à pommettes asiatiques ponctue la cérémonie du remaniement.

vendredi 12 novembre 2010

Houellebecq et Fillon

Ni Houellebecq, ni Fillon ne sont gais comme des pinsons. Le succès ne les grise que moyennement. Fillon sait la mélancolie du désoeuvrement. Houellebecq sent bien l'inanité de ses démangeaisons de bic. Fillon trouve le temps long. Il sera veilleur de nuit, gardien à vie de la maison Sarkozy. Houellebecq n'invente rien. Il tourne le dos à la joyeuse vitalité des mots.
Fillon use d'un style de premier communiant. Style est un grand mot. Il sifflote dans ses bottes. Il s'enquiquine en attendant que le quinquennat passe. Houellebecq, calfeutré dans sa pelure, a marabouté le comité de lecture. Littérature et politique sont en fin de cycle.

Pénélope

Borloo a sans doute eu la berlue. Il s'est imaginé grand vizir de Sarkozy. Or Fillon verrouillait de l'intérieur l'accès à Matignon. Sarkozy modifie la consigne. On rature la rupture. On continue dans le connu. Exit Borloo, ce zozo à bords flous. Mais Sarkozy pèche par manque d'audace.
Dans la famille Fillon, j'aurais choisi Pénélope. Remanié avec Pénélope aux manettes. A l'heure des embrassades franco-britanniques, la vaillante Galloise disposait d'atouts majeurs. A commencer par un talent supérieur à celui de son François pour "inaugurer les chrysanthèmes".
Renvoyé à ses chères études de Formule 1, François se serait coincé les vertèbres dans l'habitacle des bolides du Mans. Il aurait pu arpenter ses terres sarthoises, chasser la perdrix, claquer des cartouches derrière ses roux setters fous.
Non. Fillon est indéboulonnable. Il ne détellera qu'à 67 ans, l'âge de sa retraite pleine. Il lui faut du temps pour ne rien faire. Car, sous Sarkozy, on se la coule douce à Matignon. Et le job est correctement payé.

mercredi 10 novembre 2010

Croc-Matignon

C'était son heure. Il avait renoué avec son coiffeur. Il rêvait de multiplier les Grenelle.
Patatras ! Sarko l'abandonne en route à ses cauchemars de raffinerie. Sarko exploite le filon Fillon jusqu'à la corde. Borloo montre ses crocs. La menace du centre vient de l'ingratitude du ventre. Mais l'homme de croc-Matignon, le vrai, l'unique, c'est le notable de la Sarthe, le fêlon Fillon. Sarko a décidé de le remanier de l'intérieur, de lui apprendre à sourire en inaugurant les chrysanthèmes. Manque pas de souffle, le quinquennal Fillon.

lundi 8 novembre 2010

Pensum du Rhum

Barnum du Rhum. Des coques font des ronds dans l'infini. Les hommes du Rhum s'inventent des palmarès sur l'océan. Ce Dakar des eaux colonise la vaste nature pour ses jeux de hiérarchie. Au classement des éclaboussures, l'argent roi gonfle les voiles.
Bravoure et baroud d'honneur font gentiment rêver les fonctionnaires de la terre. L'empoignade des hommes à dossard élargit encore davantage l'homérique "sourire innombrable" des eaux. L'Atlantique se fend la gueule. Le pensum du Rhum prend fin dans un délire de petits fanions et de vin pétillant.

Aujourd'hui à midi

Temps de novembre. La pluie égratigne. On dérive sur l'asphalte dans un monde noir et blanc. On évoque la mort de De Gaulle. C'est son heure publicitaire. Nul ne songe à écailler sa mémoire. La grisaille est hissée sur les murs de Paris, manière de se recueillir aux couleurs de Colombey.
Je suis dans mon élément. Je grogne à la première approximation du premier expert en grand Charles venu. Oui, de Gaulle affectionnait les référendums, soucieux du peuple et de sa légitimité. Le ratage du dernier n'entama pas sa bonne humeur. Il sifflotait dès le lendemain nous instruit son aide de camp. J'enrage à voir mon "Sur les épaules de De Gaulle", interdit de publication.
Je voudrais qu'on sache que le génial général était un artiste monstre. La manière dont le grand homme congédie le président est sublime. L'adieu politique est irrévocable, pareil à la prise d'habit religieux: "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi". Facile à retenir, simple comme bonjour.

jeudi 4 novembre 2010

Election, contrition

Obama se repent. Battu aux élections, il fait acte de contrition. L'Amérique est une nation religieuse où bondieuseries et communication s'entendent comme larrons en foire. Obama pratique un mea culpa de bon aloi.
La repentance s'apparente à une sorte de droit à l'erreur revendiqué. L'imploration du pardon du peuple évoque aussi la relation de clientèle, l'exigence de service du monde marchand.
En chef d'entreprise responsable, Obama se soumet au verdict d'une demande insatisfaite. Au vu des retours et des invendus, il modifie son offre. Bref, le président américain mélange deux genres solidement enracinés dans la culture nationale - le religieux et le commercial - pour mieux sauver sa face politique.
En d'autres temps, les leaders du monde se seraient refusés à pareil mea culpa pour mieux fustiger l'électeur ingrat. On prête à de Gaulle le mot de "veaux" pour désigner ses compatriotes. Le même chef d'Etat, désavoué par référendum, n'hésita pas une seule seconde à prendre ses cliques et ses claques.

mardi 2 novembre 2010

Incarnat

Noirceur de Toussaint. Journée ténébreuse où la mélancolie se lit dans les yeux de Dieu. Sauf la lumière, par saccades, qui désaltère la terre. Les pommiers rougeoient dans l'aurore. Leur chevelure fauve rayonne d'un muet soleil.
C'est ce rouge de vigne vierge qui donne au paysage d'automne son intensité de feu, cette vibration heureuse. En pleine joie, l'incarnat du feuillage chasse les vieux jaunes délavés du matin, mauvais brouillard d'impiété.

vendredi 29 octobre 2010

Rire

Rire est une défaite du sens, des mots, du discours raide. Le rire éclate là où la phrase échoue. Louis Noguez parle de "grommellement de plaisir amplifié" (Le Monde du 30 octobre 2010). Nous sommes dans l'inarticulé, dans le primal radical. Comme le cri, le rire manifeste une surprise dans un éventail de registres qui va de l'horreur au bonheur.
Sa réactivité est instantanée. Le rire répond du tac au tac à l'événement risible. Il calque son immédiateté sur l'objet d'allégresse, jailli de nulle part, étonnamment imprévisible. Le rire invente sur le champ sa parade éclatante. D'où cette bouffée d'oxygène, la fraîcheur baptismale du rire. Le rire est une respiration de haute montagne, une sorte de joie sonore, libre comme l'air.

mercredi 27 octobre 2010

Moncorgé l'écorché

Gabin massif, récif des vieilles valeurs, marmoréen, tanné par le grand air, tassé sur sa légende. Taiseux dans la vie, grogne rentrée et bouche cousue, volcanique au cinéma. Gabin, le Depardieu des Trente Glorieuses, jette sur la vie son regard bleu de vieux bandit. La rudesse de l'homme voile une délicatesse de danseuse. L'amant de Dietrich, l'ami de Ventura, joue la comédie sans tricherie. La grande gueule est pacifiée par un rêve paysan qui lui tape dans l'oeil, inaccessible étoile.
Matthias le fils raconte bien les coups de sang du patriarche, à deux doigts de la gâchette, devant les casseurs d'imaginaire. Il meurt en vieux con, magnifique, sanglé dans ses silences. Moncorgé l'écorché ne crachera pas le morceau. Mardi soir sur France 2, on s'est décoiffé devant le patron d'une génération.

Repas

Repas. Repasse pas les plats. Dans la salle à manger, carrelage blanc, liseré noir, j'étais assis face à papa. Mon regard s'échappait derrière l'ovale de son visage vers la fenêtre quadrillée, l'horizon vaste et gris, toiture de tuiles et gros nuages, collines du pays d'auge. J'aimais les rideaux couleur d'orange qu'un rare soleil illuminait.
A côté, maman mastiquait machinalement les aliments. Ce claquement de mâchoires m'agaçait comme tout mouvement mécanique des hommes. Le noir devoir dictait sa volonté au venimeux plaisir.
Papa, au doux sourire, mangeait soigneusement, calfeutré dans son for intérieur. Son silence, troué parfois d'une fulgurance sauvage, s'accordait à merveille aux voyages immédiats de mon imagination. Il n'y a plus de repas, il n'y a plus de papa. Reste la prière cramponnée à la terre. Ressuscitent les images d'hier.

lundi 25 octobre 2010

Déchetterie vivante

Métaphore de notre temps, l'amoncellement des ordures à Marseille illustre le sort des seniors, mis au rebut du monde du travail. Cette déchetterie vivante hante les trottoirs à la recherche d'une force de travail perdue, négociable sur le marché.
Les poubelles phocéennes font courir le risque d'une épidémie. A l'instar des seniors, sans ressort, interdits d'entreprise, contaminés par la pauvreté.

Fichue espérance de vie

Fichue espérance de vie. Sa croissance insolente grippe le bon fonctionnement de la société. Elle entrave la gestion des régimes sociaux. Elle provoque l'odieuse réforme des retraites. Elle agite le spectre de la pénurie d'essence. Le vivre vieux réduit le vivre mieux, à l'aise sur ses quatre pneus. Bref, l'espérance de vie mène à la désespérance des raffineries. Sacrilège !

Photo manquante

Je suis happé par le Cahier de l'Herne Michel Serres. "Ses yeux font lentement le tour de la table. Est-il en train de nous saluer ou simplement de se concentrer avant de prendre la parole ?"(Ada Giusti). "Bienvenue Michel ! dans le récit de toi, dans la parole sur toi, bienvenue les affres de tes douleurs non encore racontées autant qu'elles l'implorent" (Florence Erhuel).
Je regarde la photo de noce du "cousin Roland". Je lis la brève légende. J'observe le cliché de la drague, écrite avec une majuscule: "Notre mère, ma mère...".
La femme qui enfanta Michel, ce jour de crue du fleuve, s'est absentée du tableau, s'est exilée du festin du destin. Son invisible sourire rayonne sur la splendeur de l'oeuvre. Chaque livre est une photo manquante.

jeudi 21 octobre 2010

Journée d'inaction

Pouce ! On a besoin de souffler un peu. Vivement le retour aux journées d'inaction ! La débauche d'action des dernières semaines a vidé les organismes de leur énergie et les pompes à essence de leur carburant. Une bonne journée d'inaction ne ferait pas de mal. Jour de repos, comme sur le Tour de France, entre deux étapes de montagne. On range la caravane des suiveurs et les banderoles.

Tour de chauffe du Renaudot

A quand un prix littéraire décerné par des jurés auto-désignés ? Car si les membres éminents du Renaudot font figurer dans leur liste de "papabili" un auteur auto-édité, on peut creuser l'idée jusqu'à imaginer l'éclosion de jurys spontanés sans légitimité de notoriété. Prix Machin attribué par une bande de clampins.
Or cela tombe bien. Marc-Edouard Nabe, divine surprise des héritiers du grand Théophraste, est un écrivain. Un vrai, doté d'un style. Cela ne court ni les rues, ni les échoppes de livres. Tour de chauffe du Renaudot: Nabe est calé dans son bolide. Il écrivit jadis un somptueux portrait de Django Reinhardt. "Nuage" invalide aujourd'hui tous les permis de chasse aux romanichels. Cela tombe vraiment très bien.

Le pouvoir et la rue

La rue, jadis malfamée, la voie publique, terrain de jeu des voyous, la rue disais-je est réquisitionnée pour la colère. Les cortèges des chaussées se déploient, scandent des slogans contre la loi. Au plus profond des terroirs, les vieillards craignent le grand soir. Les retraités, mal recyclés, moins fringants que sur les publicités, vont claudiquant vers un soleil couchant.
Pas d'essence: ils sont déjà rangés des voitures.
La piétaille, en âge de cortège, s'organise en ordre de bataille. Elle veut en finir au plus vite avec la grisaille du travail. La rue chemine vers des échappées de lumière. La rue regarde vers le temps libre. Le pouvoir s'arc-boute, soliloque, parle gros sous. Le pouvoir ne partage pas la même définition de l'espérance de vie.

mardi 19 octobre 2010

Illisible

Kiosque sans feuilles. Kiosque d'hiver déplumé. Kiosque à journaux caduques. Kiosque sans nouvelles d'elle. L'actualité est empêchée.
Mardi manif, sans noir au bout des doigts, dans l'ignorance de la cause du peuple. Je regarde les arbres. J'y vois l'étrangeté d'un monde. Illisible dans son mystère d'écorce. Domestiqué dans sa chair de papier.

lundi 18 octobre 2010

Merci Michel

On ne se battra pas pour un dernier mot. Seulement tu me remercies, mais de quoi au juste ? Tu m'as instruit, tu m'as ouvert les yeux sur le monde et sa beauté. Rien de moins. Tu n'imagines pas combien je me suis senti honoré, flatté, vaniteusement considéré à me savoir désigné par toi pour collaborer à ton Cahier (j'ai hâte de le lire !). "Le roi n'était pas mon cousin". On disait cela quand j'étais petit. Reste que je n'étais pas de taille. J'ai écrit ce qui était dans mes cordes.
Je ne te remercierai jamais mieux que tu ne l'as fait dans les magnifiques pages des "Cinq Sens" ("Merci à qui ?"). Tes livres que j'attend comme les beaux jours, tes cours éblouissants, ta confiante bienveillance accompagnent ma vie depuis trente-cinq ans.
Je viens de lire "Biogée". C'est un grand livre, Michel. L'un de tes plus beaux. J'ai griffonné deux, trois mots dessus, pas grand chose, témoignage d'une ferveur sans ratures, d'un vrai bonheur de lecture. Ton oeuvre rayonne sur tes amis. Resplendit sur ta page la joie de ta philosophie.

mercredi 13 octobre 2010

Le sénateur et le député

L'invective fleurit ici et là comme un réflexe de métier, une seconde nature. L'insulte arbitre les débats. Les hommes politiques, gens des villes par étymologie, ne sont - par les temps qui courent - ni très policés ni très urbains. Ils giflent la démocratie en toute impunité.
Jean-Luc Mélenchon traite les journalistes par dessus la jambe, taxe l'un d'entre eux de "salaud", de "larbin". Arnaud Montebourg qualifie un grand média de "chaîne délinquante".
Le sénateur et le député, orfèvres en mouvements de menton, donnent une bien piètre image de la représentation nationale. Ils confondent "faire peuple" et "faire vulgaire". La démocratie parlementaire n'est pas une criée de braillardes poissonnières.

mardi 12 octobre 2010

La grive

Catalogue de livres rares. La librairie Privat m'a adressé deux grands feuillets en papier glacé. Y figurent des ouvrages de chasse. J'ai coché d'une croix un vieux numéro de la revue trimestrielle La Grive. C'est un oiseau que j'affectionne, que j'ai observé avec piété dans les ciels d'automne. Fusils cassés avec mon père, en lisière de La Papillonnière, nous nous postions derrière les hêtres, sans autre mot que des regards. A petits cris, les grives surgissaient de l'horizon. Nous tirions deux cartouches, l'un et l'autre. L'oiseau chutait dans l'allée. Nous saisissions ses plumes fines dans notre paume assassine.
Je vais, boulevard Haussmann, droit vers mon père, son sourire de bonté, les années d'innocence et de déchirante complicité. La librairie m'attend au tournant, au tourment de mes souvenirs.

lundi 11 octobre 2010

Bête de télé

Après "Face aux Français" sur France 2 et "Le Grand Jury" sur LCI, Jean-Luc Mélenchon passe à la vitesse supérieure: "Vivement dimanche", l'émission dominicale de Michel Drucker, brevet de la légitimité people. Il joue désormais dans la cour des grands. Promotion de bouquin aux petits oignons. Plan média d'homme de métier. Mélenchon est un bon client, grognon juste ce qu'il faut.
Ce Pialat de la politique crache dans la soupe avec un art consommé. Mélenchon ronchonne avec talent. Mélenchon rabroue les journalistes, fustige les connivences de corporation, houspille les questionneurs complaisants. Il croise le fer avec la terre entière. Il s'exprime dans un parler fleuri, mélange de Jean-Marie Le Pen et de Georges Marchais. Sa verve littéraire et son brio tribunicien éclipsent l'extravagance du message délivré. Il crève l'écran, émeut l'opinion, réveille la torpeur des toquechauds bienséants. A force de distribuer les noms d'oiseau à la volée, Mélenchon est désormais une vraie bête de télé.

jeudi 7 octobre 2010

Lié et humilié

Le ministre a expédié sa lettre de démission à une publication de presse. Il se trompe d'employeur. Il se ravise. Il s'empresse de rappeler sa loyauté au président qui l'a fait roi, majesté du Quai d'Orsay. Il est lié et humilié. Le ministre humanitaire s'enferre. Kouchner est au bord de la crise de nerfs. Son profil de médaille s'écaille. La belle âme a le vague à l'âme.

mercredi 6 octobre 2010

Criailleries de foire

Evangiles selon Luc et Jean-Luc. Bonne parole de people. Ferry ferraille, secoué de tics réprobateurs, maugrée, opine du chef, pince ses lèvres l'oeil noir. Mélenchon ronchonne, s'emballe tout à trac, s'exalte, sourit d'aise, désarçonne le questionneur, s'octroie la posture du raisonneur récalcitrant.
"Face aux Français", ces deux gladiateurs de plateaux s'en sont donnés à coeur joie. Leurs criailleries de foire, cols déboutonnés, n'ont enchanté qu'eux-mêmes. L'émission de France 2 n'offusqua que Guillaume Durand, son premier officiant. Ferry cala l'art moderne dans sa ligne de mire. D'un mot, il déboulonna la statue du vénérable Picasso. L'animateur, groggy, était KO debout.

Serres-tête

Biogée consacre la souveraineté de pensée de Michel Serres. Ce livre iconoclaste bouscule les genres, chahute les règnes, balaie les règles de bienséance intellectuelle. Il est tissé, phrase à phrase, au plus près des vifs du bas-monde, d'après motif au grand air de la mer et des ciels.
Il brouille les pistes, mélange péripéties de la vie, racontars de bonne femme, rigueur mythique et philosophie d'amour. C'est une oeuvre pleine à craquer, gorgée de suc et de miel, fraîche et neuve, qui remue les entrailles et agite le cortex.
Chef d'oeuvre par la manière et la matière, Biogée nécessite patience de lecture, impatience de relecture. Il ne se donne qu'à l'authentique travailleur de la raison. Ce délectable ouvrage souffle un grand vent d'aventure sur l'énigme à déchiffrer de nos vies. On peine à quitter pareille facture d'excellence artisanale. On veut préserver le précieux bouquin des contraintes du quotidien, le cantonner à portée de main. On revendique sa compagnie comme un luxe.

mardi 5 octobre 2010

Négresco

Elle claudique sous la verrière d'Eiffel, jette un oeil vers le ciel. Jeanne Augier déambule parmi ses bibelots, trimbale sa vieillesse dans ses meubles. Elle demeure en plein coup de coeur, habite un gîte de folie.
Les six étages du Négresco dévoilent son genre de beauté, toiles des couloirs pêle-mêle, mobilier de collection, chambres fastueuses sur la mer de tous les bleus. On séjourne au palais dans un luxe attentionné. La glorieuse Nana, peinturlurée comme un perroquet, esquisse un pas de patineuse. Elle gravite autour des yeux écarquillés. L'emblématique sculpture veille à la démesure du lieu.

mercredi 29 septembre 2010

Indigène de qualité

On connaissait "la fabrique du crétin", cette école du décervelage qui perdure au fil des réformes. On connaît désormais "la fabrique du bon Français", ce nouvel atelier de confection d'indigènes de qualité.
Le label "bon Français" de la maison Besson est un gage d'excellence.

lundi 27 septembre 2010

Sur les épaules de De Gaulle (4)

Après l'Appel, il y a le bonsoir de De Gaulle, une sorte de "sacré bonsoir!" à la Claudel. A l'issue du référendum fatal, vécu sur le mode de la roulette russe, l'adieu est irrévocable, pareil à la prise d'habit religieux. "Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi". Communiqué à peu de mots. Sublime chant du départ. Chef d'oeuvre absolu. Avant de mourir, de Gaulle longe les eaux d'Irlande, allonge le pas, achève un songe.
On feuillette les archives. On y revoit la cérémonie des conférences de presse. De Gaulle sait son texte sur le bout des doigts. Il déroule un grand récit. Ses majestueuses postures, ses mimiques et sa gouaille ironique, la perfection de sa langue et sa tonitruante réactivité émeuvent comme au premier jour. Il crée un genre: l'opéra politique en solo. Aucun de ses successeurs n'y brillera. A défaut d'images, il faut se replonger dans les magnifiques volumes d'Alain Peyrefitte: on colle la page à son oreille, on entend distinctement la voix de Charles de Gaulle.

Sur les épaules de De Gaulle (3)

Affublé du titre de "grand homme", à l'égal de Zidane, le Lillois d'origine squatte nos consciences. Nombre de vieux tromblons d'aujourd'hui, en leurs années d'écoliers, aux heures pionnières de la télévision, se souviennent de l'énergumène, dégingandé, costumé en militaire, se dressant en majesté dans leur salle en manger. Depuis lors, ils habitent une nostalgie.

Chien sans collier

Il n'a jamais été son mentor. Celui-ci n'a jamais été non plus le premier ministre de celui-là. Juste un petit collaborateur. On a l'impression que François Fillon, collaborateur sans mentor, se cherche une vocation, agite la sonnette de Pôle Emploi.
Bayrou recrute. Les affaires reprennent dans le Béarn. Le concept de "shadow cabinet" a relancé le petit commerce centriste. Il accueille les chiens sans collier, en rupture de meute. Je suis persuadé que Fillon pourrait y postuler Matignon. Depuis le temps qu'il en rêve !

vendredi 24 septembre 2010

Sur les épaules de De Gaulle (2)

De Gaulle a taillé sa République, la cinquième, comme l'artisan peaufine de solides brodequins. Elle a déjà survécu a ses arrières petits neveux. De Gaulle développe dans le durable. Il sait la noblesse du matériau, le cousu main des mots. C'est un bâtisseur de vérité. Il veut le vrai, le meilleur, bien au-delà de sa génération.
De Gaulle a serré la main des voisins d'Outre-Rhin, les a hissés dans l'avenir en rescapés du déshonneur. Il a tiré un trait sur les passés meurtriers.
De Gaulle a vu la Chine conquérante, la Russie renaissante, l'Afrique libre. Ce soldat chef d'Etat a pressenti l'atome dans l'industrie, doté le pays d'une farouche énergie, privilégié le travail des laboratoires. Charles de Gaulle a sculpté la matière de l'Histoire en artiste visionnaire.

Sur les épaules de De Gaulle

Il est notre chagrin d'amour. Ce lecteur de Bergson soignait la forme comme personne. Un guévariste, un maoïste écrivirent après coup de beaux ouvrages de respectueux hommage.
De Gaulle nous a alertés pourtant: "L'avenir dure longtemps". Les joyeux drilles de Mai ont barbouillé de sottes banderoles. Mais "Charlot" s'est échappé de son musée. Au nez et à la barbe de Dany le rouge, le parlementaire de Strasbourg.
En 2010, avec 40 années de cotisation à la postérité, le gothique général a accompli une première demi-vie de gloire posthume. L'homme a travaillé le temps long de la nation. Il a visé l'horizon. L'homme-chêne a vu la Chine. Avant l'Amérique du suiviste Nixon. Avant l'heure, il a vu la Russie millénaire boire le communisme comme un buvard. Nous étions alors sur les épaules de De Gaulle.

mardi 21 septembre 2010

Mémoire des lèvres

Sorbetti, trois balles de glace, colorées d'ocre comme la joue poudrée d'une façade romaine. Arancia e fragola. La gorge est piquetée de lentes suavités. Le fruit dans la nuit est goûté au meilleur de sa gâterie. Une dentelure de chocolat blanc est plantée au sommet, en terre orangée, à pleine chair d'exquisité. La merveille des sens est assise, le derrière en bataille, sur un pailleté de caramel. Place d'Espagne aux figures de pierre peinte: une froide mémoire des lèvres.

jeudi 16 septembre 2010

Des hommes et des hommes

Ils sont Roms, chapardent, volent et cambriolent. Ils sont députés, braillent, vocifèrent, invectivent. Elle est commissaire, sermonne, déraille, amalgame. Il est président, provoque, attise, divise. Il est pape et fait la Manche. Les hommes sont les hommes. Moyens, médiocres, minimes, minables. Ils sont moines à Tibhirine. Pareillement quelconques. Hommes, ils ont un peu des dieux. Ils sont grands.

mercredi 15 septembre 2010

Une vie

La vie d'un homme est une minute d'éternité. On peut détruire un corps, se débarrasser d'une poignée de secondes, sans pour autant meurtrir l'infini. Les mitraillés du temps présent sont des segments d'illimité.

mardi 14 septembre 2010

Machin est mort

Dès qu'une figure connue de notre culture commune vient à mourir, les médias annoncent la nouvelle, parlent de sa "disparition". Chabrol, Fignon, Giraudeau, Terzieff ont "disparu". Pas moyen de mettre la main dessus. Nul ne songe d'ailleurs à partir à leur recherche. Il semble qu'on ait renoncé à les retrouver.
Dans le même esprit, nécrologiquement correct, le carnet du jour de la grande presse informe des "décès", mot de médecin légiste. Ceux qui croient en Dieu usent également de ce terme sans majesté. J'en suis surpris car "la résurrection des décédés" n'appartient pas vraiment au vocabulaire des Saintes Ecritures.
Bref, tout se passe comme s'il convenait de s'interdire de désigner la mort par son nom. "Machin est mort" est une phrase taboue.

Chabrol

La gabegie de pellicule dont Chabrol a usé montre la rapacité, la veulerie, la flagornerie d'une bourgeoisie moisie, nourrie de Rotary et de grand ennui, étriquée dans son costume de province. Le fils d'apothicaire filme les menteries ordinaires des notables à dessous de table. Dans les salles de cinéma, Chabrol brille auprès des moroses possédants qu'il dépeint sans tendresse.
La bourgeoisie jouit à se voir démasquée, se plaît au spectacle de ses propres turpitudes. Elle est démangée par le ressentiment. Elle aime désigner de son gros doigt la bassesse du rival de salon. A quarante ans, sous Pompidou, Chabrol a l'âge de ses personnages. Il se compare aux godelureaux de son enfance. Il exprimera alors sa rage d'en découdre comme jamais. Il se saisit du flambeau du fils de famille tenaillé par l'envie. Il fabrique des images, raconte de sordides histoires destinées à tordre le cou de ses ennemis. Il se venge du temps des culottes courtes. Jean Yanne est sublime en Sarkozy garagiste. Stéphane Audran est un phantasme de pharmacien. Chabrol exhibe sa perversité de grand salaud au pays des petits salopards. "Le Boucher" et "Que la Bête Meure" sont ses plus beaux coups de gueule.

lundi 6 septembre 2010

Jean du voyage

Il erre d'un plateau de télévision à l'autre. Il bivouaque dans les magazines. A chaque rentrée littéraire, il squatte les médias. Pas moyen de s'en débarrasser. Hortefeux baisse les bras. Il est tanné comme un bohémien des beaux quartiers. Refoulé aux frontières, il paresse au soleil dans une crique grecque, sur une plage corse. A "Semaine Critique", il s'est montré caustique, clouant le bec à Minc, s'encanaillant avec Mélenchon.
Bref, Jean d'Ormesson nous balade à sa guise. Il converse avec Chateaubriand, tutoie Dieu, interroge les galaxies. Il campe à l'Académie, va sa route de gitan. Il poursuit sa vie nomade dans la lumière des médias. Jean du voyage ne fait pas son âge.

jeudi 2 septembre 2010

Menterie

M. Baroin évoque des hausses d'impôts. Sous présidence Sarkozy. Impensable. M. Woerth est intervenu pour la médaille honorifique de M. de Maistre. Pas possible ? Si. Le ministre a balayé d'une phrase ses premières dénégations. Mme Aubry a saisi la justice pour évacuer un campement de romanichels dans son fief du Nord. Galéjade ? Non, c'est écrit dans le journal. M. Bayrou dit un bien fou de M. Fillon. Deuxième degré d'un agrégé des universités ? Pas du tout. C'est le fond de sa pensée girouette. Le grand homme du Béarn est d'ailleurs l'inventeur du mot "mensongeur" qui lui va comme un gant.
La menterie fait partie du paysage politique, tous partis confondus. Tout le monde s'habitue aux messages de fausseté. La vérité semble être un discours de sainteté, inaccessible au commun des politiciens. Le temps des enfants de choeur est révolu. Pierre Mendès-France ou Raymond Barre appartiennent à des espèces républicaines totalement éradiquées du terreau national.

mercredi 1 septembre 2010

L'homme aux cheveux d'or

C'est la rentrée. On a troqué le rosé pour la morosité. Blabla, piapia, galimatias des rusés politiciens. La cité retrouve ses marques: publicité mensongère sur toutes les étagères. On se bourre le crâne d'un marketing édifiant. On aura l'hiver pour s'y faire. On grelotte d'avance.
Au dernier jour d'août, un champion a plié le genou. Laurent Fignon est sorti du rang. Un grand monsieur courageux stoppe un instant la veulerie ordinaire. Il immobilise la gloire de l'été. L'homme aux cheveux d'or a magnifié le métier de Poulidor. Cet homme debout sur sa machine n'a pas courbé l'échine. Il meurt à mi-vie, sans peur ni envie. Il parle aux hommes tellement mieux que les bavards du forum.

lundi 30 août 2010

Où est Copé ?

C'est la rentrée. Tous les ténors politiques sonnent du cor. Barouf et esbroufe alimentent en "contenus" les médias. Tintamarre éphémère, annonciateur des feuilles mortes de l'automne.
Ils sont là, souriants et bronzés, tellement heureux de ramener leur fraise après la diète médiatique des vacances. Tous sauf un. Copé ! Où est passé Copé ! Le candidat de 2017. Il a raté le train du retour ? Il a perdu l'usage du synthétiseur ou quoi ?

jeudi 26 août 2010

Max Weber et la présidentielle

Max Weber est un auteur qui fâche peu. C'est pourquoi sa théorie de la légitimité politique, exposée par Aquilino Morelle dans le Monde (daté du 27 août), peut s'appliquer sans dommage aux papabile de la rue de Solférino.
Toutefois, les trois attributs de la souveraineté du chef - tradition, compétence, charisme - exigent l'adjonction d'une quatrième composante, essentielle à mes yeux: un corpus doctrinal, un récit idéologique, un projet réformateur de gouvernement.
Or, depuis près d'une décennie, cette dernière dimension programmatique est systématiquement évacuée de la réflexion socialiste. Faiblesse conceptuelle ou opportunisme de circonstance ,

mardi 24 août 2010

Un Chirac de gauche

La France est écartelée entre une gauche qui gâche - ses chances, ses talents, ses alliances - et une droite qui rate - sa relance, ses réformes, ses objectifs.
L'opinion souhaite le retour de la gauche au pouvoir. Foi de sondage estival. Elle exprime simplement le rejet d'une politique droitière, recroquevillée sur ses slogans simplistes d'avant la crise. Cela dit, elle peine dans le même temps à établir une vraie relation de confiance, un authentique lien affectif avec aucun des papabile en piste pour le scrutin présidentiel de 2012.
Or la politique se joue autant sur la raison que sur le sentiment. Force est d'observer que si DSK jouit d'un capital de confiance incomparable en matière d'économie, rien n'indique qu'il emporte la sympathie au-delà, qu'il sait faire vibrer les foules et susciter un élan d'adhésion populaire.
Les vieux quadragénaires du PS - Valls, Peillon, Montebourg, Moscovici - se distinguent davantage par la férocité de leurs appétits que par la proximité avec les électeurs. Vus d'en bas, ils ne semblent motivés que par la bataille d'egos dont l'enjeu est l'hypothétique "château" du Faubourg Saint Honoré. D'où des stratégies parallèles de pistards, rivalisant de lenteur et d'arrière-pensées, avant l'emballage final. Même Martine Aubry, plus pateline, ne déclenche pas la sympathie naturelle d'un leader vraiment désintéressé.
Reste Ségolène Royal qui, à contre-courant de son parti, travaille par éclipses le lien direct avec l'opinion, sans pour autant convaincre faute d'une articulation doctrinale conséquente. On oubliera François Hollande, leader technocratique de substitution, remplaçant passe-muraille d'un DSK défaillant.
Bref, les chefs socialistes pèchent par excès de nombrilisme et défaut d'humanisme. A vrai dire, la gauche manque cruellement d'une sorte de Jacques Chirac progressiste, simple et faussement modeste, libéré de toute prétention intellectualiste, chaleureux et direct avec les badauds, les paysans et les footballeurs. Si d'aventure elle parvenait à débusquer dans ses rangs un profil aussi professionnel politiquement que compassionnel humainement, alors elle décrocherait haut la main la timbale élyséenne. Elle serait plébiscitée par les deux tiers des électeurs, ce vieux rêve giscardien. Mais voilà: un Jacques Chirac de gauche ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval, fût-il Corrézien.
Or ce personnage inventé - Chirac en fiction est à la mode puisqu'il est le héros du feuilleton de l'été du Monde - a existé le temps d'un rêve avant de se volatiliser. En 2002, Jacques Chirac a gagné l'élection présidentielle avec les voix d'une gauche rassemblée, recueillant un score qu'aucun futur vainqueur n'obtiendra plus jamais. Hélas, il n'a pas saisi l'occasion historique d'un grand front républicain.
Si aujourd'hui la gauche a le vent en poupe, il ne faut pas qu'elle se berce d'illusions pour autant. Il lui appartient non seulement d'engranger les décus, les trompés, les choqués, les indignés de la présidence Sarkozy dans sa voiture-balai consensuelle, mais bel et bien de conquérir le coeur des électeurs. Pour ce faire, il convient qu'elle en finisse avec ses querelles intestines, byzantines, picrocholines. Car le peuple se détournera nécessairement d'hommes politiques aux seules ambitions personnelles pour tout affichage programmatique.
Certes, Martine Aubry a bien senti que la gauche devait se requinquer en insufflant du sens à l'action politique. Mais pas à n'importe quel prix. C'est pourquoi son coup marketing du "care", trop faiblard, a mérité son flop intellectuel.
Un Chirac de gauche ? Mais que font les communicateurs de la profession, qu'attendent-ils pour créer de toutes pièces - éléments de langage pertinents à l'appui - et lancer sur le marché politique un produit de pareille efficacité ?

Au-delà du blabla

"La France n'a pas vocation à accueillir tous les Roms", précise le secrétaire général de l'Elysée. Il y a vingt ans, l'hôte de Matignon, socialiste de son état, refusait l'hospitalité à "la misère du monde"qui squattait notre territoire. L'histoire bégaie, repasse les mêmes plats.
Aujourd'hui, le ministre de l'intérieur s'interroge sur "l'au-delà du blabla". Il songe sans doute au doux sermon du pape de Rome invitant à "l'accueil légitime des diversités humaines".
Certes, le vicaire de Dieu, fin connaisseur de l'au-delà, ne dispose que du blabla pour exercer son magistère. En revanche, l'homme de ministère exhorte - à grand renfort de mots - au passage à l'acte, aux expulsions manu militari. Au-delà du blabla commence le règne du cassage de gueule. Avant de cogner comme un sourd, il n'est pas inutile de réfléchir aux vertus du blabla.

vendredi 6 août 2010

Notation

Dans les cours de récréation, les écoliers en blouse se sont toujours plaints que la maîtresse notait à la tête du client. Les Etats récriminent pareillement à l'endroit des arbitraires agences de notation.
Les zélés fonctionnaires, abonnés à l'excellence, n'ont jamais vraiment craint le verdict de la note. Moyenne à dix-huit. Mention à vingt. Mais ils ont mangé leur pain blanc. Car voici venu le temps des entretiens assassins.
Dans l'inconscient collectif, la mauvaise note annonce l'inexorable sanction. Avec leur zéro pointé au dernier Mondial, les grévistes de Domenech sont aujourd'hui interdits de sélection nationale. Notation et punition scandent la vie au rythme de la ronde des saisons. Elles renvoient aux grandes peurs enfantines de l'institution scolaire.

mardi 3 août 2010

Chef de vision

Nous disposons en nombre de chefs de division. Nous manquons cruellement de chefs de vision. Les uns excellent dans la tyrannie de proximité, le despotisme de détail, le terrorisme d'expertise, la dictature du médiocre. Les autres sont d'emblée recalés à l'embauche. Ils ne se rangent dans aucune case: division, département, unité, rayon d'entreprise. Ils chevauchent les frontières et brouillent les limites.
Un chef de vision ne s'aguerrit qu'au voisinage d'un grand dessein. Faute de quoi, il s'étiole. Erreur de casting. La division fragmente la vision. Le chef de zizanie est frappé de cécité. Un chef de vision s'abreuve du sentiment du large. Il ne peut décrocher son job d'éclaireur en chef qu'au prix d'un coup d'éclat.
Bref, il crée le poste à sa mesure, se taille l'habit du défi. La vocation de chef de vision fait défaut depuis de Gaulle. Général, il surplombe le particulier, côtoie le singulier. Le chef de vision se distingue par sa hauteur de vue.

lundi 2 août 2010

Blanca la Croate

Le cérémonial du saut en hauteur est un défilé de gracieuses apparitions. Une à une, comme sorties du cercle de la danse, ces femmes lianes se dressent en bordure de cendrée, fixent la barre à franchir. Blanca et Emma ensorcellent le ciel de Barcelone.
Ces athlètes exhibent des corps de déesse, font luire au soleil leur splendeur plastique. Elles sautillent, foulent le sol à vastes enjambées, lancent de manière éperdue une épaule fatale, cambrent leur voûte dorsale au dessus d'un horizon mural.
La beauté du geste est accomplie à la vitesse de la foudre. Elle se répète à l'envi comme l'évidence de l'excellence. On s'émerveille au spectacle de ces jambes interminables.
Blanca la Croate a hissé son corps sublime plus haut que sa rivale. Devant la beauté, Louis Aragon enjoignait qu'on se décoiffât. Dans ma chambre d'homme seul, j'ai crié mon admiration devant les prouesse élastiques d'un sculptural championnat.

Courir

"Moi aussi, je cours". Avec Kouchner ou Fillon, Sarkozy mouille le maillot jusqu'au malaise vagal. Mais on ne dévoilera pas la teneur des propos élyséens tenus aux valeureux athlètes français.
Dans la rue, les gens marchent vite, pressés par le chronomètre. Le temps, c'est de l'argent. Les gens en manquent cruellement. Ils courent aussi par devoir: les affaires, l'embonpoint, la norme de santé.
Restent les champions, les coureurs à pied de profession. On pense à Zatopek, on songe au petit livre d'Echenoz. Comment ne pas se décoiffer devant la beauté des corps sur la cendrée, devant le panache de Bob et Mahiedine, frères d'armes exemplaires de la grande épreuve de haies ?
La joie de jouer - courir, lancer, sauter - a irradié la fringante bleusaille tricolore, ces étincelles providentielles des championnats de Barcelone.

vendredi 30 juillet 2010

Noir et blanc

La couleur de peau est un sujet, non pas tabou, mais scabreux. Nègre, noir, black. Nous avons changé notre manière de désigner l'homme d'épiderme foncé. La langue française est suspectée de racisme là où l'idiome britannique est innocenté d'avance.
L'épreuve reine de l'athlétisme se court sur un hectomètre où s'illustrent les champions noirs de Jamaïque et de Californie. Ils ont délimité un ghetto fondé sur l'excellence: la barre des dix secondes.
Or un jeunot à peau laiteuse, blanche comme la neige de Savoie, s'est invité au festin des hommes couleur de cacao. On l'appelle le maître. Comme de Gaulle ou Chateaubriand, il a hérité de l'exact patronyme. De la tête et des épaules, il domine la course. "Race". Oublions les boniments racistes pour nous fixer sur l'autre acception du mot: compétition. Ces championnats de la vieille Europe sont une fête des corps multicolores.

mardi 27 juillet 2010

Une sensation morte

La volupté évoque le charme suranné des douces luxures du passé. Jouir de la vie s'apparente aujourd'hui à un délit. La vitesse d'exécution tient lieu de civilisation. Temps de mauvaise éducation des émotions.
La volupté est une sensation morte. Les hommes bataillent au travail, flanquent des torgnoles aux choses, multiplient les coups de sang au détriment des contentements lents.
Le long terme du plaisir ne figure plus sur l'agenda des joies. Cette société en fuite, libérée des harnais, a perdu le secret des jouissances. Ces pannes de plaisir ont repeint les visages aux couleurs de l'ennui.
La volupté, frêle et sauvage, rouge écarlate comme le coquelicot des champs, n'appartient pas à cette société de morne mélancolie. Fatiguée de mal aimer.
La volupté soigne les corps cassés, délie les esprits blessés. Elle trace sur la peau sa longue rainure d'exquisité, sa ligne de risque et de délice. La volupté est la nostalgie d'un temps arrêté.

lundi 26 juillet 2010

Liliane et les banques

Liliane Bettencourt est environnée de vautours. Sa fortune et son âge favorisent le parasitisme à grande échelle. Cette femme de style, héritière de son père, jouit d'un patrimoine hors du commun.
On s'interroge sur ses retraits à la banque. On oublie un peu vite que cet argent n'est autre que le sien, qu'il lui est loisible d'en user comme bon lui semble. On s'étonne même que les établissements financiers lui mettent des bâtons dans les roues, s'opposent parfois à ce qu'elle puisse disposer de son tas d'or.
"L'argent des banques": l'expression est une impropriété de langage. Les banques ne détiennent rien. Leurs prétendus avoirs n'appartiennent qu'à leurs clients. Tout l'aplomb des établissements financiers réside dans cette manière de rendre leurs dépositaires étrangers à leur propre argent.


vendredi 23 juillet 2010

Steak

J'ai besoin de texte comme de steak. Mordre dans de la viande fraîche. Planter ses dents dans la phrase. Violent désir du chant des voyelles. Bouffée d'art pur. Je déchiquette un bloc de lettres. Je soigne mon corps de lignes sonores.

Il y a

Il y a cette goutte de pétrole qui fait déborder la vase au large du Texas. Il y a la joie d'Allègre à suspecter les travaux d'hommes intègres. Il y a Albert. Celui de l'actualité heureuse dans une principauté d'opérette à nom d'apéro. Il y a Alberto. L'héritier de Bahamontès ne dort que d'un oeil dans l'ombre de Schleck, nouveau Charly Gaul. Il y a Ribéry à l'affreuse bouille trop vue.
Il y a Chantilly, ville fleurie, son grand chauve de ministre, ses chevaux, le crottin et le gratin. Il y a les enveloppes d'une vieille dame qui rivalisent avec le trafic des plis de La Poste. Il y a Sarkozy qui vieillit, dont l'énergie s'use, et que le vélo amuse.

jeudi 22 juillet 2010

La politique du bazooka

L'usage des mots est libre au sommet de l'Etat. Or la liberté de vocabulaire ne garantit pas la justesse d'expression. Un mot, prononcé à dessein par le président de la République, chef des armées, s'est échappé de son contexte martial pour s'appliquer à la société civile.
Ce gros mot injurie le droit. Il désigne une réalité d'effroi. Bush l'a employé avant de pratiquer la chose en Irak.
Car la "guerre" est déclarée en France. "Aux trafiquants et aux délinquants". Ce mot banal a un impact de balle. Aucune guerre n'est bonne, juste ou salutaire. Elle squatte le terrain du droit et se déploie en lieu et place de la loi. Il n'est ni digne ni convaincant d'emprunter les mêmes armes d'intimidation que les hors la loi.
Le fameux "terroriser les terroristes" du vieux Pasqua était un abus de langage, une fanfaronnade méridionale. La "guerre" aux malappris des cités est une incantation sécuritaire de matamore. Ce disque rayé reprend du service. La méthode belliqueuse d'un chef de l'Etat ombrageux ne doit pas égarer les esprits fragiles. La politique du bazooka relève du mouvement de menton. Dans notre pays, il existe des institutions, chevillées à un corpus de lois, qui sont de nature à châtier les bandits.

mercredi 21 juillet 2010

L'argent et la drogue

Leur tunique est taggée d'entailles commerciales. Le sponsor imprime son nom en lettres d'or sur leur maillot de sport. Les forçats de la route hissent leur vélo au sommet des cols grâce à l'argent de cléments mécènes. Ils se dopent au pot belge et à l'oseille des entreprises éprises.
Les hommes politiques n'ont pas le corps scarifié des patronymes de leurs gentils bienfaiteurs. Ils exercent un métier de chien sans publicité visible sur leurs habits de lumière. Les donateurs des partis s'exécutent sans ostentation. Les coureurs de critériums électoraux se frottent à l'épreuve terrifiante du suffrage universel. Ils sont galvanisés par la drogue du pouvoir et les enveloppes de billets indifférenciés.
Armstrong a gagné sept fois la Grande Boucle. Sarkozy finit son premier tour de piste.

mercredi 7 juillet 2010

Ciel narquois

Avec l'été monotone et le soleil qui cogne, la solitude et les nuits, la fatigue se lit sur les visages défaits. Les vieux côtoient la déchetterie, s'attardent aux caisses vertes des trottoirs. Ils sont rangés des voitures, interdits d'éclat de rire, loin des ploufs des récifs.
Ils trottinent à l'ombre des cantines. Ils frôlent les rois et tendent la main au ciel narquois. Ils sont rayés des champs de vision, noyés dans l'épaisse rumeur, prisonniers de l'obligation du son.

mardi 6 juillet 2010

Madame Embêtant...

Trop d'argent empoisonne l'existence des maudits donataires. Madame Embêtant court le risque de nuire à ses protégés. La vieille dame en baskets, dans sa demeure de Bretagne, ne sait plus où donner de la tête. Les micros et les tribunaux ne lui laissent aucun repos.
On dit qu'elle remettait des enveloppes au nom de ses amis comme une grand-mère distribue à Noël des étrennes à ses petits enfants. A son âge, il lui arrive d'oublier parfois. Blanc, par exemple: elle a complètement zappé les cigares de Blanc. Elle ne peut pas penser à tout.

lundi 5 juillet 2010

Terzieff

Il est dans la cité des exemples à méditer. A soumettre aux regards des enfants. Laurent Terzieff déclamait ce qu'il aimait. Il jetait sa vieillesse par les fenêtres. Prodigalité et probité. Il montait des pièces, mot à mot, phrase à phrase. Il disait le bénédicité des enfiévrés. Rilke ou Neruda. Au seul nom d'Aragon, il sortait de ses gonds.
Aux tièdes, il enseignait la brûlure des poètes. Vieille gare d'Orsay: je me souviens du Christophe Colomb de Claudel. Terzieff endossait la majesté de héros comme nul autre comédien. Son regard d'aigle désignait l'infini comme le lieu de l'esprit. Il y traçait le rectangle d'une scène. Sa longue silhouette fléchait les planches. Une voix de rare précision, à ciselure exacte, respectait la scansion la plus pure. Il plantait des mots dans le coeur des gens sans bonheur.
L'acteur de Pasolini dérivait dans le huis clos des mots, préservait le sanctuaire des beautés littéraires. Terzieff était aussi sauvage que civilisé, jouant de la douceur comme d'une brusquerie. Violence de l'enfance. Il était nourri de Dostoievski, instruit de mille écrits et féeries. L'ultime syllabe de son nom claquait la vitesse d'une fulgurance, fouettait l'espace comme la signature slave d'une parole sonore. L'air autour de lui, l'air de Paris, devenait irrespirable. Cet homme admirable, hors série, a manqué d'oxygène dans un monde saturé de haine.

vendredi 2 juillet 2010

Les mots et les choses

Il fait chaud, mais ce n'est pas la canicule. On serre la vis, mais ce n'est pas la rigueur. On se trompe de choses avec de mauvais mots.
La canicule tue. Il faudrait l'écrire sur les chapeaux de paille et les bikinis. Nous sommes loin du coup de tabac. Zéro mort, d'après les chiffrages.
La rigueur n'est pas de saison. C'est l'attribut des mornes hivers. Elle gèle le salaire des fonctionnaires. Pas pour tout de suite.
Sans canicule ni rigueur, le Français vacancier peut dormir du sommeil du juste. Ou lire un bon livre aux mots appropriés. Si "La Princesse de Clèves" est déconseillé par l'Elysée, "Les Mots et les Choses" ne figure pas sur la liste des prochains autodafés. L'ouvrage est disponible en librairie: son auteur a le même nom qu'un animateur de variétés. C'est tentant.

jeudi 1 juillet 2010

Mauvais exemple

La valeur de mauvais exemple est d'usage immodéré. Championne de la désunion, la petite Belgique préside aux destinées de l'Europe. Jusqu'à Noël, elle enseignera la solidarité des nations.
L'inflexible ministre de la fraude sympathise avec une milliardaire en délicatesse avec le fisc.
Pourquoi pas un vaillant illettré à la tête de l'Education Nationale ? On me souffle que c'est déjà fait. Les circulaires de l'actuel titulaire seraient truffées de fautes d'orthographe.

mercredi 30 juin 2010

Rosserie de carrosserie

L'incivilité règne sur la cité. Elle monte en gamme. Elle tue au coin de la rue. L'argent s'y gagne dans la violence de la vitesse, dans la démence du stress. La lenteur de la paix entrave l'impulsivité de vainqueur. Nous vivons "la disparition du silence" annoncée, dénoncée par Cioran.
L'économie est l'envers du soin prodigué. Elle s'alimente du low cost de guerre, se nourrit de brutalités ordinaires. On claque du fric, on vire un mec, on tabasse un connard. Pareille vulgarité vient d'en haut. Bing sur le cortex, c'est l'effet du bling-bling !
La bagnole est le lieu de la couardise maximale. La haine s'y déploie en privé sur la voie publique. Elle concentre vitesse, tas de tôle et mâle bravache. La machine à moteur tue les émotions, terrorise les derniers îlots de civilisation. Le combat d'autos est un sport d'idiots qui s'en tamponnent le coquillard. "On va le tuer devant sa mère !" ordonne la petite bande de meurtriers autoroutiers.
Au motif d'une éraflure de carrosserie, Mohamed succombe à la rosserie. L'incivilité franchit le cap de la sauvagerie. Les hommes ont peur dans une société fracturée de barbarie.

Vuvuzela d'honneur

Anelka avait enjoint Domenech d'aller se faire voir ailleurs. Se faire disputer par les députés. Huis clos. Tribune vide. Peur des hooligans, des gredins de gradin. Débâcle du tacle. Degré zéro du foot.
Domenech a fait beaucoup de ramdam pour un jeu de balle sans âme. Tintouin et trompettes de la renommée. Raymond mérite une distinction. Je propose qu'il lui soit décerné le "vuvuzela d'honneur" pour l'ensemble de son oeuvre.

In memoriam

Il a vécu en dispersant ses fêlures comme on jette sa jeunesse par les fenêtres. Il a garé son scooter devant la boutique d'un prestigieux sellier. Il nous a distraits des longueurs de la vie. Il n'est pas rentré et nous n'en sommes pas revenus.

mardi 29 juin 2010

Rigueur

Rigueur est un mot qui fait peur. On l'abandonne à la rêverie des mathématiques, à l'insouciance de la science. Dans le monde réel de la communication politique, on l'applique au train de vie ministériel. Sous le faux nez de la vertu. Mesure d'économie. Règle de justice. Principe d'Etat irréprochable.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. L'hôte de l'Elysée - premier parasite de la République - s'exonère du plan d'austérité des gommes, crayons, limousines et palais. Roi soleil, il doit briller en pleine lumière dans son logement de fonction et conserver le salaire de trader qu'il s'est d'autorité attribué. Le président voit juste: le terme de rigueur n'est pas approprié.

lundi 28 juin 2010

Violence d'Etat

La désunion ne fait pas la force. La débandade des puissants annonce de grands tourments. Ce G20 de l'été mérite un zéro pointé. Les pays nantis du globe - ou à forte démographie - ne jouent pas plus collectif qu'une bande de footballeurs sans projet d'avenir.
Leurs gouvernants ont abdiqué devant les caprices des marchés. Ils n'exercent d'autorité que sur leurs populations intimidées. En effet, les Etats jouissent du monopole de la violence légitime, au sens de Max Weber. Ils usent et abusent du droit de cuissage fiscal. Car tout le reste file entre leurs doigts. Ils se cramponnent à leur ultime pouvoir. C'est pourquoi ils confisquent l'argent pour combler les trous d'une finance de casino. Ils bottent en touche, sous-traitent les décisions nationales aux banques centrales. Les marchés se rient de nos démocraties. C'est la leçon de la capitulation de Toronto.

Photos de Toronto

Celui qui rit en permanence, c'est Berlusconi, toujours le plus proche d'Obama sur la photo. Obama s'amuse des gaudrioles de Silvio, dévoile des dents chevalines à la Fernandel. Sarko ronchonne. Il grogne, il est doublé par l'Italien. Il est de dos, face au lac Ontario. L'altier Cameron ne cache pas ses origines patriciennes.
A Toronto, il y a des marches groupées, des randonnées à la manière mitterrandienne de la roche de Solutré. Le Français est lâché. Il chemine en queue de peloton, devise avec l'Allemande. Il est toujours très gestuel.
Le G20 est une collection de clichés. Strauss-Kahn lit ses mails. Les photographes s'en donnent à coeur joie. Les petits devant, les grands derrière. La photo finale rappelle le temps des écoliers, des blouses et des encriers.

mercredi 23 juin 2010

Allez les Rouges !

"Quand je n'ai plus de bleu, je mets du rouge". La parole de Picasso s'impose à Laurent Blanc. Le peintre voisine avec le jeu de balle depuis que le génial Cantona s'affubla du nom du maestro.
Car la faillite des Bleus nécessite l'urgence du rouge. Désormais, on laisse l'azur aux grands ciels d'été, les mots bleus aux voyous des vestiaires, la bleusaille à sa grisaille.
On pare au plus pressé. On bâtit l'équipe avec du rouge. Rouge désir de mouiller le maillot. Rouge désir de réhabiliter le plaisir du jeu. Rouge désir de mettre le feu. Qui mieux que Blanc peut convertir le Bleu en Rouge ? Allez les Rouges !

mardi 22 juin 2010

Le président Escalettes

Le président Escalettes devrait prendre la poudre d'escampette. A moins qu'il ne s'entête. Au football comme en politique, on s'attache à la douceur des mandats. Un bon président endosse un pardessus mastic et s'assied dans la tribune. C'est son bureau de fonction. Il est interdit de pelouse et de vestiaires. Il patiente à la mi-temps. Il n'est responsable ni du fiasco ni des gros mots des joueurs.
Le président Escalettes ressuscite le temps des cartes postales sépia et du cinéma à gueule rurale des années Gabin. Physique de jardinier, chemise à gros carreaux retroussée, parler de vieille rocaille.Il ressemble comme deux gouttes d'eau à Rellys, comédien marseillais, acteur de Pagnol.
Dans l'une de ses inénarrables conférences de presse, le président Escalettes posa sa paume, en père de la nation foot, sur le bras d'Evra, capitaine furibard. "Trouver le traître" ne l'inspirait guère. Le président Escalettes n'appartient pas à la génération télé-réalité. Son regard de belette ne semblait penser qu'à une seule chose: trouver la sortie.

lundi 21 juin 2010

Vive la presse !

A quoi sert la presse ? Les rieurs le savent. Les journaux sont juste bons à emballer le poisson. Or il a suffi qu'un vilain canard dévoile les doubles émoluments d'une ancienne ministre et les poly-pensions de plusieurs membres du gouvernement pour que ce petit monde renonce à ses privilèges. Tout au moins temporairement.
De même, la manchette d'un grand journal sportif, en révélant la voyoucratie ordinaire des vestiaires de football, a provoqué illico presto l'exclusion d'une star du ballon rond.
Politique et football s'abreuvent aux même sources de mensonge et d'hypocrisie. Dans l'opacité la plus noire, on y tolère les pratiques les plus discutables. Au grand jour d'une presse libre, les masques tombent. Les uns et les autres - serviteurs de l'Etat et dirigeants de football - rivalisent alors de bons sentiments, se livrent à un pitoyable concours de vertu. A ces as de la transparence, il convient de décerner la palme de l'exemplarité, l'oscar du courage, le "vuvuzela" de la République reconnaissante. La France d'en haut se moque du monde, sermonne le peuple et s'affranchit de règle morale. Vive la presse !

vendredi 18 juin 2010

Agenda

16 juin: douche des retraites. 17 juin: fiasco des Bleus. 18 juin: sursaut gaullien. 19 juin: remake Villepin. 20 juin: fête des pères de la nation. De Gaulle encore. 21 juin: ouf, c'est l'été ! Fini les histoires d'honneur, de résistance, de héros, de gloire, de compétition. Le calendrier souffle un peu. L'agenda s'humanise. On oublie les devoirs. On passe aux vacances. On exige la garantie de ses droits. On zappe sur la crise, les retraites et les grands hommes. On ne se prosterne plus que devant l'hypothétique soleil.

lundi 14 juin 2010

Pronunciamento

Un général de brigade vient de s'emparer du pouvoir à l'issue d'un pronunciamento. L'insurrection a évité le bain de sang. L'homme au képi a débarqué le président élu. Charles de Gaulle - c'est ainsi qu'il se dénomme - a d'emblée pris le contrôle des ondes.
On ne connaît pas encore le lieu d'exil de Nicolas Sarkozy. On parle d'une fuite à bord du navire d'un riche industriel. Le putsch de l'audacieux militaire a été rondement mené. Du jour au lendemain, la presse, la radio, la télévision, Internet ont été squattés par le général et ses sbires. Des hagiographies du factieux sont imprimées à la vitesse de l'éclair.
Sa haute silhouette hante les esprits: elle est placardée à tous les coins de rue. La France a peur car elle demeure sans nouvelles du locataire légal de l'Elysée.

La boulette de l'athlète

Le portier anglais s'est accroupi sur la balle que ses doigts n'ont pas saisie, ont laissé échapper vers le fond des filets. A terre, le gardien jette un regard, de derrière la tête, vers cette sphère de cuir au ralenti qui franchit la ligne de but inscrit. Il donne le sentiment d'être pétrifié, incapable de commander à son corps, trop court pour colmater la trouée, pour infléchir l'infortuné destin du ballon.
C'est une main de nageur qu'il lance dans le vide, comme un remords inutile, loin de la paroi du bassin. Ce geste inabouti souligne le fiasco du gardien étourdi. La "boulette" de l'athlète consacre les débuts réels du Mondial. Premier coup de théâtre. Mieux que la main d'Henry: la molle menotte de Green.

mercredi 9 juin 2010

Dette et jeux sur Internet

L'argent se raréfie dans les caisses. L'endettement massif supplée au déficit des comptes. L'Etat montre le mauvais exemple, fait la morale, sermonne le peuple.
En cette période de longue disette, le même Etat dispendieux libère les jeux d'argent sur Internet. C'est une pédagogie de la gabegie. Les gens se serrent la ceinture. Ils se saignent pour boucler les fins de mois. Ils empruntent pour subvenir à leurs besoins élémentaires. La machinerie du désir fonctionne à plein pour qu'ils consomment davantage, histoire de ragaillardir une demande défaillante.
Or, dans le même temps, l'Etat désinvolte les encourage à jouer avec l'argent, à parier sur Internet comme on se distrait avec des allumettes, à imiter les fringants traders qui anéantissent des sommes folles d'un revers de clic.
L'Etat cynique substitue à la dureté du réel, l'imaginaire du rêve, l'insouciance de casino, le paradis artificiel des addictions. Devant pareille indécence, on se pince. Précisément, on croit rêver ! Les princes modernes périront d'un surcroît de morgue à l'endroit du peuple.

mardi 8 juin 2010

Nababs de la balle

Les Bleus séjournent dans un palace de l'océan indien, assorti à leurs Ferrari, à leur train de vie de nababs de la balle. La jolie secrétaire d'Etat aux sports s'en offusque à tort. Les Bleus ne sont pas des fonctionnaires de ministère bien que leurs derniers matchs aient révélé un entrain de traîne-patins.
L'argent privé n'appartient qu'à ses détenteurs. S'il est jeté par les fenêtres, il n'appauvrit pas pour autant la collectivité. Libre aux autorités du ballon rond d'user de leurs picaillons à leur façon. Au risque d'un luxe émollient, d'une préparation dans le coton, de nature à fragiliser nos guerriers tricolores.

jeudi 3 juin 2010

Grand apéro géant

Dans l'entretien du Monde (daté du 4 juin 2010), Manuel Valls évoque curieusement les primaires socialistes. Il implore ses coreligionnaires de ne pas les transformer "en grand apéro géant". On sent bien que son esprit est un peu tourneboulé par les décisions d'appareil, par le choix d'un calendrier qui lui déplaît. Reste qu'on ignore pourquoi il associe les votes de la rue de Solférino à un "grand apéro géant".
Qu'au parti socialiste, il y ait à boire et à manger, tout le monde le sait. Inutile de le souligner. Mais il veut signifier autre chose. Pense-t-il à une sorte de beuverie collective entre candidats éméchés ? A vrai dire, le concept de "grand apéro géant" terrorise le sens commun. Qu'est-ce qu'un "grand géant" ? Rien d'autre qu'un gigantissime pléonasme. Il est élémentaire de demander à un homme politique de s'exprimer convenablement. La démocratie souffre de pareilles confusions de langage.

Les coiffeurs

Dans le mode de désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle, on assiste à la formation d'un cartel d'anciens ministres. Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal ont signé une sorte de paix des braves. Bref, l'organisation de primaires se résume à une entente de hiérarques, maîtres du calendrier, destinée à museler la concurrence, à se débarrasser des seconds couteaux.
Hors du trio discriminant, Hollande et Valls devront se satisfaire de candidatures de témoignage, se cantonner à des rôles de figuration. A vrai dire, ils sont sur la touche, assis sur le banc des remplaçants. Ils jouissent du statut de réservistes. En jargon "footballistique", on les appelle des "coiffeurs". L'usage veut qu'ils jouent entre eux un match de consolation, histoire de se dérouiller les jambes.

mardi 1 juin 2010

Nous ne sommes pas émergents

Nous ne sommes pas émergents pour un sou. Nous allons de plongeon en plongeon, prenons des bouillons, manquons de picaillons. Les BRIC montrent leurs crocs. La Chine s'échine. L'Inde, le Brésil et la Russie se moquent de notre vieux PIB à croissance riquiqui.
Nous ne sommes pas émergents mais gravement sommeillants. On s'est endormi sur des lauriers sans réactivité. On a défendu bec et ongles le vénéré "temps libre", ce nom de ministère d'un gouvernement de changement, il y a trente ans. On s'entête sans trêve sur les retraites.
Mais nos plages d'oisiveté font de l'ombre à la compétitivité. Les sociologues tournent casaque, n'écrivent plus de savants traités sur "la civilisation des loisirs".
Elle est loin la douce insouciance des joyeux temps morts de la vie. Au travail aujourd'hui, on choisit d'y mourir.
Nous ne sommes pas émergents, nous buvons la tasse dans le stress, nous déclinons pour de bon. La ligne Maginot de l'euro est en train de se briser en morceaux. Le décadent droit à la paresse de Jules Laforgue, relayé par l'imagination au pouvoir de 68, finit sa course dans le mur mondialisé des échauffourées économiques.

Brrr

Brrr rime avec l'Etat hébreu. La mer est toujours bleue pétrole. Les enfants braillent, de Gaulle appelle. Les mères font la fête le jour de la dette des pères. Il y a peu de silence mais tant de solitude. La croissance arrache les dents du président. On crie tout bas dans la bande de Gaza. On vend des tablettes riches en silicium. Le Fmi justifie les moyens.

jeudi 27 mai 2010

Dépendance

Ils naissent sur la terre, coiffés d'un bonnet de centenaire. Ils feront le siècle en bradant leur liberté. Car une dépendance tous azimuts les guette, dès le premier âge, au sortir de l'enfance, en pleine maturité, au seuil de la vieillesse. Le petit corps s'agrippe au lien social de la peau maternelle, s'agrège à la communauté des mortels. Avec le temps, il se grégarise à griller une cigarette, succombe à la beuverie du samedi, s'abandonne à l'apéro géant, mixte de beaufitude et de solitude.
La tentation de la dépendance séduit comme la beauté du diable. La pression du groupe exacerbe le désir d'appartenance, de conformité à la référence. Vient l'âge du travail. On gagne sa vie à la sueur des ses neurones, selon le bon plaisir d'un patron, à la merci lui-même d'un bienveillant client. En route, on peut s'adonner au jeu suicidaire du dernier verre, foncer dans l'alcool comme on se jette dans la gueule du loup.
Vers le grand âge, la biologie s'en mêle, prépare à la cérémonie du ci-gît. Les maladies neurovégétatives répandent un venin d'oubli et de paralysie. On végète à la remorque d'un conjoint ou d'un professionnel du soin. La vie est un long fleuve velléitaire, strié de courants tourbillonnaires. C'est un toboggan: on y glisse en pente douce, d'une dépendance à l'autre.

mardi 25 mai 2010

L'art d'être cumulard

Dans son ouvrage "La prospérité du vice", l'économiste Daniel Cohen cite "L'Enfer" de Dante : "Orgueil, envie et cupidité sont les trois étincelles qui enflamment le coeur de l'homme".
A entendre les cris d'orfraie poussés par les sénateurs socialistes à l'évocation d'un éventuel renoncement au cumul de leurs mandats électoraux, on ne se lasse pas de méditer la sentence du poète florentin.
L'homme politique pèche par orgueil. Il se considère unique en son fief, incomparable dans une démocratie qui prône l'égalité, encourage l'éducation du peuple, promeut la diversité des talents.
L'homme politique s'abandonne à l'envie. Il jalouse en cachette le succès de son voisin de travée, lorgne sur la réussite de son voisin de clocher. Il calque ses désirs sur ceux de ses pairs, dans un tourbillon mimétique à la René Girard.
L'homme politique cède à la cupidité. Il cumule les mandats comme on accumule des revenus. Il vante la sobriété des besoins mais s'oublie dans la modération des convoitises. L'idéal politicien masque un vulgaire appât du gain;
Bref, l'homme politique est un homme comme les autres. Il aime le pouvoir, il goûte le prestige, il apprécie l'argent. L'art d'être cumulard est exercé sans grand effort par une majorité d'élus de France et de Navarre.

Journée oubliable

On sait que le temps est compté, que la splendeur d'été est acceptée. Eternité d'un corps froissé, cabossé. Visage de parchemin, en première ligne, à bout portant. Seconde après seconde, le chiffon de l'oubli volatilise la craie du regard. On grave sur l'ardoise les non-dits du récit. La lumière désigne la morsure pourpre des arbres. Le ciel stocke du bleu, par pans entiers, sur la largeur du front.
La vieille femme marche à pas millimétrés. Tête haute malgré les cahots. Elle se cramponne aux choses, à la présence d'un chien, à la mémoire des siens, lointains ou défunts. La journée dégringole, à l'angle des vitres, dans un sillage de carriole. Le moindre bruit provoque le qui-vive. La journée claudique, bascule dans l'impasse. Demain, à l'heure des songes, l'oubli passe l'éponge.

vendredi 21 mai 2010

Garache

Il y a la chair qui rayonne de lumière. Aussi dense et douce qu'un jaune de Bonnard. C'est un corps de femme, impromptu, vêtu de nu. Rouge de face, d'évidence, de prégnance. Flanqué dans l'espace, intimement incendiaire. Toile plantée devant soi pendant des heures, attentive au feu intérieur. Garache peint des taches. Il figure un corps en torche.
L'homme lit l'ouvrage, ses propres mots, d'une voix détimbrée. On dirait un oiseau sans ses ailes au pays des brindilles. Il est assis dans une librairie saturée d'écrits. Il a quitté l'atelier, scié la branche sous les ciels. Garache, entre garance et gouache, tatoue des images.

mercredi 19 mai 2010

Tu parles, Charles !

C'est une figure d'allure gothique, une silhouette sans norme ni proportion, hors format, une sorte de grand corps du temps des dinosaures, rebelle aux bluettes, réfractaire au terre à terre.
C'est un général singulier qui s'est octroyé la légitimité d'un roi.
On fête aujourd'hui l'anniversaire d'un coup de gueule. S'appelle L'Appel. Le gaillard, petit secrétaire d'Etat, prend l'avion pour quelque part. Londres n'est qu'un leurre, un prête-nom. De Gaulle n'imagine qu'une seule destination: un pays littéraire, multiséculaire, sans frontières, un pays libre de sa géographie. Il est à Londres. Non, il est la France. Debout, demain dans la cour des grands.
Ce jour de juin 40, l'homme monte au créneau, monte au micro. La débandade a assez duré. Le pays n'est pas une plaisanterie. L'homme d'Angleterre est rouge de honte. Ce jour de juin 40, il monte sur ses grands chevaux, il s'approprie la responsabilité du sursaut. Il se décerne le profil de héros, se confie la maîtrise d'un destin, s'admoneste en tête à tête: "Tu parles, Charles !".
C'est un homme de style qui révère la parure des mots. C'est un homme de style qui pratique les ratures de stylo. Il soigne sa phrase. Il peaufine sa petite phrase avant de pénétrer dans l'Histoire. Il entre dans le studio d'Highgate et déconne grave. Il fait sien le pouvoir hertzien. C'est un fou qui se prend pour de Gaulle, un furieux qui rejette l'injurieux sauve-qui-peut.
Il a taillé ses flèches. Il bande son arc. Les petits javelots de mots sifflent dans l'air, se fichent dans le sable du désert.
Ce speaker gothique agrège, un à un, les déserteurs du déshonneur. Il s'adresse à la colonie des fêlés. Aux petits gars de l'île de Sein. Qui n'ont pas besoin d'un dessin mais d'un grand dessein. Il y a du christique dans la mystique gaullienne. De Gaulle appelle un père, en Christ militaire, sur la croix de la défaite. Il y a aussi la nostalgie proustienne de l'enfance. De Gaulle appelle. Aussi seul qu'un enfant dans le noir, en plein cauchemar, qui crie le nom de sa mère. C'est la France, peut-être la Berthe, la Mireille ou la Louise.
Cette scène primitive du gaullisme excède tous les "cliffhangers" de l'histoire des deux derniers siècles. Notre génération blasée du temps de la consommation a connu le chahut de Mai, la Chute du Mur, l'aura de Wojtyla, le 11 septembre et le défi de l'Asie. Ces événements ont modelé nos consciences. Ils sont décortiqués dans les manuels d'école.
Or l'Appel de ce général dégingandé constitue un moment d'égarement supérieur. C'est le cri d'un soldat perdu qui erre loin de sa terre, à l'écart du champ de guerre, qui ajuste sa colère à hauteur de l'espoir.
Obama snobe les capitales d'Europe. Bruxelles est dans les choux, ringardise chaque jour davantage le Vieux Continent. Aujourd'hui, la séquence de Gaulle est ressentie comme le plat de résistance de l'histoire récente de la France. Elle nourrit l'imaginaire d'une nation coincée dans ses peurs, dépossédée de sa lointaine grandeur.





Une morte

Ce sont des années noires. Les morts sont épinglés au revers des saisons. Ils sont enterrés dans ma tête. Ils vivent comme des lucioles dans un ciel provisoire. Ils brillent d'amour.
Les morts séjournent en plein front, derrière la porte, face au mur et ses deux yeux. Dans la chair la plus vivante est gravée la joie du visage, le dernier petit sourire d'une morte.

La burqa et le bouclier

Entaille dans la burqa fiscale. Loi sur le bouclier islamiste. Fendiller la burqa fiscale de meurtrières, à coups de cimeterre, déverser l'huile bouillante salvatrice sur les retraités. Interdire l'armure de tissu des femmes, le voile de métal à la Paco Rabanne, réhabiliter la minijupe et le monokini.
Régler la question des exceptions. Faire des exceptions dans les règles. Ajouter à la liste des lieux communs, le bouclier en carton et la burqa à trous.

lundi 17 mai 2010

Peuple intouchable

On voit des peuples partout. Sur la Canebière, le sacre national de l'Olympique de Marseille a jeté la cité phocéenne hors de ses frontières. La grande rigolade s'est fédérée autour d'une large banderole placardée sur les murs de l'hôtel de ville: "La victoire de tout un peuple". On pensait que la nation était indivisible et que son peuple s'identifiait d'un seul bloc. Or la furie du foot frappe d'obsolescence pareille réminiscence républicaine. A l'heure des entités géopolitiques de taille continentale, la deuxième métropole de France revendique haut et fort l'expression de "son peuple", privilégie l'appartenance à la tribu du cru au détriment de la République.
L'époque est au questionnement de la notion de peuple. Elle se situe au coeur de l'actuelle crise européenne. Par définition, le peuple est paré de vertus indiscutables. C'est la face embellie du collectif, le bon profil de la foule ou de l'opinion. Son verdict implacable manifeste le primat de la parole démocratique. Le grand récit de la démocratie est fondé sur l'axiome du peuple intouchable.
Or aujourd'hui, en pleine tempête financière, les démocraties de la zone euro font figure de paniers percés. La réalité des comptes publics révèle que la démagogie des élus ne se limite pas aux seules promesses. Car les gouvernants exécutent leurs chimères de campagne. D'où la pratique invétérée de budgets à trous. Jamais en démocratie la tyrannie du peuple ne s'est autant exercée. Ses représentants cèdent aux tourbillons contraires de l'opinion. Ils endossent une conscience de dames patronnesses, distribuent des brioches au peuple qui mendie, se prévalent d'une générosité d'emprunt.
Bref, la faiblesse des puissants consacre la spirale démagogique qui gangrène la démocratie. Elle jette un voile mortuaire sur la vérité économique la plus élémentaire. Elle cache le cadavre de la liberté. Sans le sou, nous sommes endettés jusqu'au cou. Nous sommes prisonniers du crédit comme d'une burqa. Les gouvernements des songes, élus sur des mensonges, bradent l'indépendance, brident aujourd'hui la croissance.
Car le peuple fait peur. Sa colère terrifie. Les princes de démocratie apaisent ses furies par l'oublieux sommeil du crédit. Mais la main d'emprunt ne peut secourir d'instinct, glisse entre les doigts du noyé. Nous boirons la tasse jusqu'à la lie de l'euro.

vendredi 14 mai 2010

L'introuvable rigueur

La rigueur, c'est autre chose. La rigueur, c'est beaucoup moins rose. C'est un mot à ne pas galvauder. La rigueur, c'est la vertu scientifique par excellence. Or chacun sait que la politique n'a rien d'une science. C'est pourquoi, libéré de la rigueur, on peut vaquer de bon coeur à ses occupations.
A Cannes, on affiche la couleur. Bling bling de rigueur. La montée des marches en burqa est autorisée. A Paris et ailleurs, on affiche son humeur. Pas vraiment vagabonde. Morose. Après les maudits saints de glace, on craint la douche froide des taxes. A tort. Faudrait qu'on ait la rigueur pour ça. L'hiver traîne en longueur, transmet sa rigueur au printemps: ça oui !
A Nantes, on se réchauffe comme on peut, on invente l'apéritif collectif. A la crise de l'euro, on répond par la prise d'apéro. Car l'euro boit la tasse. Les mécaniciens de notre destin serrent les boulons. On serre les dents. Mais pas la ceinture. Toujours pareil: à cause de l'introuvable rigueur. Il n'y a pas de rigueur en France, sacré bonsoir ! Il faudrait le copier cent fois dans nos cahiers numériques.

mercredi 12 mai 2010

Courir derrière

Vaut mieux courir derrière un ballon que derrière la croissance. Garantie du rebond oblige. Raymond a dévoilé les noms de nos champions. Trente joueurs à trente jours du début des hostilités. Notre gouvernement du foot sera resserré à vingt-trois. C'est la loi. On réduit le nombre de secrétaires d'Etat sur le banc de touche. C'est la rigueur. L'été sera foot. C'est la saison idéale pour que l'autre gouvernement, celui des sous, fasse diversion avec la fête du ballon rond. On ne se demandera plus si Henry doit jouer dans l'axe mais si Sarkozy invente de nouvelles taxes. Manquerait plus que l'Allemagne, toujours compétitive, gagne la coupe.

lundi 10 mai 2010

Dominique et Christine

Les grands argentiers bombent le torse. La crise de l'euro les propulse à la une des journaux. Dominique Strauss-Kahn cède à la pression amicale de ses fans, organise une sorte de club "Désirs de Revenir" destiné à exprimer sa lassitude du grand large. L'économiste du monde ne demande pas mieux que de se faire ainsi tirer l'oreille pour un retour triomphal au bercail, orchestré par ses ouailles.
Christine Lagarde, au port impeccable de championne de sport, se joue des malheurs de l'heure avec autant d'aisance que d'élégance. Sa crinière blanche et son doux sourire illuminent les tristes tablées d'hommes gris. La classe naturelle de la dame de Bercy tranche avec la démarche de camionneur du président Sarkozy.
Le prurit élyséen de DSK, dans la lignée charmeuse - et dans le fond, doctrinale - d'un JJSS, est un secret de Polichinelle. En revanche, l'ancienne avocate d'affaires ne semble pas démanger par un tel destin national. Dommage. Car on imagine sa stature et son allure à la magistrature suprême. On rêve d'une sorte d'Obama au féminin pour l'Europe. A fortiori pour la France.

jeudi 6 mai 2010

Une puissance moyenne

La France peine à accepter la réalité. Elle ne se voit pas bien dans la glace. Elle refuse d'endosser son statut de puissance moyenne. De Gaulle n'a pas facilité le travail du bon sens. Le grand récit gaullien a hissé le pays au dessus de lui-même. Il a fait rêver son peuple au dessus de ses moyens. D'où la nostalgie récurrente, exprimée d'avance par François Mauriac: "Regardez bien, car vous ne verrez plus jamais ça". Grâce aux archives, les conférences de presse du fondateur de l'actuelle république donnent cependant une idée de la grandeur déboulonnée.
Giscard au pouvoir, "à la barre", s'est vécu en skipper, en plaisancier du dimanche. Chiffres à l'appui, il s'est résolu à briser le tabou. Il a quantifié la dimension réelle du pays: 1% de la population du monde. A ajuster à son rayonnement. Mitterrand et Chirac ont emboîté le pas de l'Auvergnat, avec ici ou là, des traces infinitésimales de l'ancien panache.
Aujourd'hui Sarkozy colle à merveille à la réalité statistique d'un pays rentré dans le rang. Il a liquidé l'inutile apparat pour les futiles caméras. Il s'est débarrassé du style. Il se soucie des manières comme d'une guigne. Son refus de la prestance l'apparente à un acteur comique, à un sportif vantant la gagne à tout prix, à un boutiquier ricanant des choses de l'esprit.
La France de 2010 - démographie, économie, culture - est en phase avec son président et réciproquement. Elle ne fait pas d'étincelles, navigue en milieu de classe. Loin des sommets où se joue le destin du monde. Sans beaucoup d'égards pour les fins, elle se concentre sur les seuls moyens. Or en temps de crise, ils s'amenuisent. Faute de grand dessein, la puissance moyenne est coincée dans son costume étriqué.