mardi 29 avril 2014

Pauvre type

Je suis vide. Vide de mes vanités. La chute de Maman m'a déséquilibré. Je perds mes repères. Je bute sur un chemin de terre.
On dépeuple les tiroirs. On déracine les objets. On rafle une communauté de bibelots et petits mots. On dénude un secret. On déterre la poussière des étagères. On étale le linge d'une malle.
On gomme la vie d'une femme, en deux temps trois mouvements. On déficèle les liasses. On jette comme on crache. On ligote les poubelles.
Je suis vide. Je suis vieux d'avoir vidé les lieux. Rage du saccage. Hystérie de la déchetterie. Mécanique d'une tuerie. On fracture une serrure. On brutalise une mémoire. On fesse l'espace. On dépèce jusqu'à l'os. On s'anime vers l'abîme.
Je songe au Julien de Flaubert, d'avant la sainteté et l'hospitalité dernière. Maman morte me donne la certitude d'être un pauvre type. Son fétiche se décompose, s'étiole parmi les roses.

jeudi 24 avril 2014

Mariage pour tous, mariage au large

Nos lentes contrées se sentent d'humeur galante. Sous leurs ciels de grisaille, elles songent aux épousailles. Le mariage pour tous tenaille jusqu'aux régions les plus moroses.
L'Auvergne volcanique s'enflamme pour la Bretagne celtique. La Franche-Comté de Courbet courtise Midi-Pyrénées. Le Centre fait tapisserie. La Normandie s'enhardit jusqu'en Picardie.
L'Aquitaine sans merci veut l'Alsace-Lorraine manu militari. On fête les eaux mêlées de Garonne et du Rhin. Le Limousin de Poulidor lorgne sa cousine d'Ile de France qui vaut de l'or. Le Nord ne va pas caler: il se fiance avec Provence-Alpes-Côte d'Azur. La Corse éconduite noie son chagrin dans la Champagne.
Les régions de France s'apprivoisent avec prudence. Elles fréquentent des gars qui ne sont pas du canton. Les régions rougissent la carte de leur timidité. Leurs noces cabossent le territoire, désossent le partage des terroirs. Un nouveau récit redessine la géographie.
L'époque exhorte à la mobilité sentimentale. Elle disqualifie la querelle de bornage. On se bécote par dessus les clôtures. On détricote le pays. Le mariage pour tous s'entend au large.


mardi 22 avril 2014

La diagonale des éclats

L'ombre muette squatte un mur blême. Dessine un carreau que la lumière colorie. Le soleil mord le papillon de Lanskoy. Le bleu du ciel calme l'ardeur d'un courriel.
Les livres brillent comme les verres décatis d'une déchetterie. Le matin hisse son drap dans la diagonale des éclats.
Je me demande pourquoi Chardonne aime autant Mandiargues. Rien de sosie dans leur style de fantaisie.

Cinq cent pages

J'avais besoin d'un coup de main. Flaubert m'accueille en son dernier missel. Son aventure épistolaire capotera dans cinq cent pages.
Je me cramponne au bastingage. J'empoigne le parapet de ses bavardages. Je suis emmailloté d'une bouée. Je suivrai le fleuve jusqu'à sa lettre à Tourguéniev. Le Russe est son terminus.
Après quoi, l'écho d'une sonnerie. Après la vie, le vide. Il aurait péri au milieu de ses manuscrits.

lundi 21 avril 2014

Grolle-Emploi

Aquilino est un caillou dans la chaussure des figures exemplaires. Le socialisme fétichiste se fiche comme d'une guigne d'un peuple chiche.
A toutes largesses, Aquilino acquiesce. Le luxe impressionne les sots. Aquilino s'entiche de bottines Berluti. L'homme de la rue a la berlue. Un larbin du palais époussète en valet ses précieux escarpins, vernit en catimini les baskets alignés du conseiller. L'Elysée est dans ses petits souliers. Une secrétaire d'Etat est dans le cirage.
Aquilino remballe ses godillots. Il range ses plats discours de quinquennat. Le Château tourne le dos à l'aigle de mots. Aquili-mots se fait la malle. "Courage, Vuitton !". Le frotteur de cuir est prié de s'inscrire à Grolle-Emploi.

vendredi 18 avril 2014

L'oeil blanc

Je savais où fuir. J'étais du coin. J'étais juge du refuge. Même pas peur de mon sort, sans rien pressentir d'une mort.
J'ai commencé ma vieillesse par le commencement d'une détresse. M'effare son oeil blanc comme un regard de départ, qui n'est plus comme avant.
Je me fourrais dans ses bras comme dans l'oubli de soi. De ce bouquet de doigts, j'en détenais seul la foi. "Je m'ennuie partout". Je raidis ma songerie. Je fais semblant d'être bruyant, vivant, même modérément.
Je vide un coffre de ses photographies. Je déblaie, je trie parmi les fantaisies d'une imagerie. Je m'abîme à d'illusoires épiphanies.

Mon poignet

18-14, c'est la durée de sa guerre. Une guerre de cent ans. Mon poignet me démange, matin et soir, à l'heure fixée de nos paroles croisées. Nous causions du temps, du jour et de la nuit, des douleurs du corps. Nous causions de petites choses, de bonheur et de rien.
L'évocation est une suffocation. Une pluie de souvenirs m'asphyxie. Je suis saisi du côté de la gorge. Je sacrifie au rite des effigies, à la cérémonie des photographies. Je regarde la mort dans un album. Je serre le bouquin de Barthes. "J'affronte la longue série des temps sans elle".

mercredi 16 avril 2014

Monsieur le Préfet

Les rayons d'Orient me chatouillent gentiment le cou. Je m'aventure sur la pointe des yeux dans le deuxième conte du grand Gustave.
Julien s'enivre de sang, exhorte les chiens à déchiqueter les bêtes. Une rage de carnage anime son jeune âge. Flaubert ébauche un homme de terreur qui tuerait père et mère.
Je souffle un peu. La beauté exige de s'arrêter. La beauté, Flaubert comprend peu qu'elle soit absente en totalité d'une pensée d'épicier.
Flaubert est toujours en pétard contre un bourgeois sans foi, insensible à l'émoi. Il est en rogne contre des trognes sans vergogne. Il se mure dans Bouvard, tout habillé dans son bêtisier. Il n'écrira ni La bataille des Thermopyles, ni Monsieur le Préfet.

mardi 15 avril 2014

Le coaching du soleil

J'hésite à dessiner des lettres. Mes voyelles font des taches sur la nappe. Mon doigt glisse sur la page. Il s'affaisse sur le papier glacé.
Je suis boxeur de second ordre, tassé dans les cordes. Je suis sonné d'uppercuts. Le soleil chauffe ma nuque. Je sens ma peau, pas mes mots. J'éparpille mes vertiges.
L'ombre et la lumière sont les écritures que je préfère. Le coaching du soleil ne me dit rien qui vaille. Je m'emberlificote dans un coin du ring. Je suis secoué de brutalités de gendarme.

samedi 12 avril 2014

Nous nous reverrons



Nous étions trois hommes. Elle était Notre Dame, grande dame. Elle s’inquiétait du sort de chacun.
Maman se tord dans l’espace. Elle s’est fracassée la face sur la table en bois. Elle sommeille les joues ensoleillées sur son dernier oreiller. Je touche ses doigts qui pressent ma paume. « Je vous téléphonerai en arrivant ». Ma phrase est sans usage. Je n’arriverai plus jamais. Il est trop tard. Maman est morte le lendemain de la Saint Jean Baptiste. Saint Jean Baptiste, précurseur de Jésus-Christ.
J’ai du temps à perdre. Je chemine dans le vieux Poitiers. Je tue le temps avant de blablater à la faculté. Mes yeux s’arrêtent à la devanture d’une échoppe. Le libraire exhibe un ouvrage de Pierre Loti. Je lis derrière la vitre les derniers mots d’un fils à sa mère : « Tu y crois, toi, n’est ce pas ? que nous nous reverrons ? ». C’est la question des questions.

Tertu. Elle s’est nourrie des variations du ciel et des loopings des premières hirondelles. Elle a tant regardé la couleur des fleurs, tant veillé à la soif de la terre.
Elle vouvoyait son chien avec une simplicité de reine. Tertu : elle repeignit sa première lettre, gomma le « t », lui préféra Vertu. Maman séjourna à Vertu, naturellement chez elle. Vertu sans bondieuseries ou moralisme de pacotille. Non, vertu au sens latin, romain, c’est à dire courage. Maman déploya l’énergie d’une mère courage. Courbée sur sa canne, elle allait en première ligne sous la mitraille de l’âge. Jamais, elle ne recula ni ne déserta son destin.
Au plus près de sa mort, vers les derniers de ses vieux jours, elle nous a converti à sa religion du courage. J’ai succombé à sa douce ténacité. Contre vents et marées, elle a résisté aux tourments du grand âge. Notre Dame était une soldate de Dieu. Une merveilleuse soldate.

Il faudra vivre les jours d’après. J’écris. Je n’arrive pas à dénouer mon écriture. C’est l’heure précise de ma sonnerie du matin où vite elle se saisirait du combiné les doigts collants de miel.
Maman était la survivante d’un jeu de massacre. Elle ne pliait pas, seule avec sa mémoire longue et son amour inépuisable de vieille dame parcheminée. Elle était Notre Dame.
Elle a pressenti l’ennemi, sa manœuvre d’approche. Quand l’aîné des ses frères percuta de la tôle. Quand Papa s’absenta pour quinze années sans mémoire. Quand Jean, le cadet, s’en alla au terme d’une longue marche. Quand Papa baissa la nuque, acquiescement à l’heure dite. Quand sa petite sœur Myriam rendit son âme en bon ordre. Quand Jo lâcha la dernière main secourable.
Nièces et neveux l’appelèrent de son vrai nom : Tita. Tita comme le tictac de son cœur.
Tita, petite tante, était un mot d’enfant qui désignait une infinie tendresse, un regard si bleu de compassion. Elle savait l’amour plus fort que la mort. Elle ne vécut que de ça. Elle s’est jetée dans l’amour, la tête haute.
Maman était ce qu’on nommait jadis une femme de devoir. Et son devoir sur Terre, c’était l’amour. Sa raison d’être, son premier et dernier souffle.
Elle a rejoint la maison du Père. Mais sa maison était déjà la maison du Bon Dieu. Elle nous accueillait avec tant d’attention, avec tant d’affection
Maman consacra sa vie aux seuls témoignages, preuves et actes d’amour.
Femme de foi, d’autrefois. Femme de foi, si peu de loi et de mesure, démesurément aimante. Femme de foi et de folle énergie qui savait compatir au chagrin des plus meurtris.

Maternelle, elle me donna sa langue. La langue d’une mère. Ce murmure intérieur court dans mes veines jusqu’à mon dernier bonsoir.
Sa frêle vaillance défendait le dernier point haut d’une génération. Ses yeux de la couleur du ciel s’étaient ouverts rue de Logelbach, à côté du Parc Monceau, il y a presque un siècle, au sortir d’une très grande guerre. Elle vénéra son père, garda toujours dans le regard le pétillement d’un jour d’éblouissement, la joie d’un Paris libéré.
Son père et La Libération étaient deux soleils secrets. Maman nous quitta un jour pour veiller sa mère, s’agenouiller à son chevet. C’était l’été du premier homme sur la lune. Nous regardions la Méditerranée. On voyait les étoiles. Papa nous prêta ses jumelles. Maman est revenue qui n’avait rien vu.

L’excès de vie l’a tuée. Elle savait bien que Dieu est nul en calcul. Maman ne comptait pas. Puisqu’elle aimait.
Maman nous a faussé compagnie, cette même compagnie des amis qu’elle appréciait tant. La solitude lui pesait davantage avec l’âge.
Elle était née le 20 juin, Papa le 20 mars. L’été s’était fiancé avec le printemps. Elle aimait la lumière, les couleurs, la gaieté autour d’elle. Son bonheur était d’avoir « tout son petit monde, autour d’elle ».

Plusieurs fois blessée, tombant, vacillant, claudiquant. A chaque fois, elle s’était relevée, pleine d’espoir et de projets. Maman était la grand-mère de substitution de tant d’enfants, une sorte de bonne maman orangeade, attentionnée à tous. Elle distribuait sa bonté comme on découpe le gâteau du goûter. A chacun sa part d’égard, son quignon de considération.
Maman a tout donné, a tout abandonné avec une générosité sans pareille. Elle n’avait plus de force parce qu’elle nous l’avait communiquée, jour après jour, jusqu’à son dernier baiser.

« Aujourd’hui, Maman est morte. Ou peut-être hier. Je ne sais pas ». On dirait les premières phrases d’un roman absurde, d’un roman universel de prix Nobel, qu’on a lu comme ça sans y penser dans l’insouciance d’une jeunesse.
J’ouvre Albert Cohen. « Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles ». Un fils ne veut pas de cette douleur-là. Jamais de la vie.
Maman était Notre Dame, grande dame. J’aurais voulu l’aimer, la chérir davantage. La secourir. La retenir doucement par le bras. J’aurais voulu que notre amour soit plus fort que la mort.
Je ne peux imaginer vivre sans vous. Vous nous protégiez des misères comme une mère seule sait faire.
Maman voulait être enterrée avec sa petite fille, la petite sœur de mon âge, morte au premier jour, sans prénom ni baptême. Elle voulait rejoindre Arielle, ma jumelle, et l’emmener au Ciel avec elle.
Il n’est de paradis que perdus, à la loterie de la vie.

vendredi 4 avril 2014

Un Coeur Simple

La joue d'Abdelwahed se situe dans la diagonale du soleil. Il secoue la tête comme un cheval disperse les mouches de son encolure.
Il jette sur la table un petit bout de papier manuscrit. Au hasard, comme un dé de courtoisie. Il me fait signe d'en déchiffrer la teneur. Il est écrit Un roi de passage. A la ligne, je lis Une femme aux tâches urgentes. Je plante l'index sur elle.
Sa figure croise la lumière de la rue. Elle s'approprie le sourire du soleil. Abdelwahed parle lentement sans s'arrêter pour autant. Son récit échappe à la convention des villes.
Il m'égare dans Itzer, au milieu du désert. Je comprends peu ce qui m'émeut. Il est question de nourrice et d'un fils, de la mort dans un regard.
Je ne comprends rien. Pas un traître mot. Sauf que j'imagine la Félicité d'Un Coeur Simple.

jeudi 3 avril 2014

Le mécano du pédalo

Pas de cap, mais des pactes. Le capitaine de pédalo longe le sable blond. Bruxelle gîte au diable, derrière l'horizon. Les maquignons des commissions topent à la foire aux bons mots. On empaquète les pactes dans du papier de publicité: solidarité, responsabilité.
Pas de vision, mais des chocs de simplification. Le devoir de raison interdit les hallucinations. Il prescrit la réunion comme forme de gestion. Anatole et Théodule, vieilles figures gaulliennes, sont les Bouvard et Pécuchet du régime, les copistes zélés d'innombrables comités.
Les partisans de Valls ont l'esprit dansant. Ils se prétendent valseurs. Manuel ouvre le bal. Le roquet rocker aboie, tournoie. Marie-Ségolène s'invite avec Rebsamen. Les thuriféraires du pépère changent de ministères comme de cavalières.
Manuel est le mécano du pédalo. Il rafistole le rafiot. Il concocte un pacte. Pas de révolution. Seulement des ronds dans l'eau.

mercredi 2 avril 2014

La couleur du dollar

Valls-hésitation des Verts à moitié vides, des Verts à moitié pleins. Vides de scrupules et pleins de petits calculs.
Ils se jalousent tous. C'est le parti de la couleur du dollar. L'écologie n'a pas d'autre songe que l'épicerie. La chefferie verte se chamaille pour une place au soleil. Elle convoite les émoluments et retraite de ministre de gouvernement.
Les déjà couronnés - Duflot et Canfin - ont satisfait l'objectif de monnaie privilégié. La politique de la chaise vide leur convient car ils ont le ventre plein. Ils se sont servis en premier. Mieux Placé.
Les Verts sont de petits hommes terre à terre. A l'approche des picaillons, ils s'empourprent, virent au vermillon. Le peuple est rouge de colère. Il en est même bleu.

mardi 1 avril 2014

L'oeillade catalane

Retour du petit teigneux. Exit le grand placide marmoréen. Les couleurs du poste ont bougé. Le blanc menhir à sourire soviétique n'imprime plus sur la télé numérique. L'image a foncé, la silhouette s'est tassée, l'action se précipite.
Jean-Marc n'a jamais marqué. Manuel soigne l'oeillade catalane. Hollande a besoin d'un Espagnol pour les vendanges. Le petit noiraud fauche à Ayrault le dossier de la croissance zéro. La boîte à outils du pépère n'a guère servi. Valls donnera un tour de vis.
Ayrault ressuscita Jospin le parpaillot. Valls endosse les oripeaux de Sarko. Retour d'Astérix. Les petits mordillent les chevilles des grands.