Rome
est à deux heures des cortèges de gilets jaunes. Faute de savoir prier, on
marche à tout bout de champ comme des émeutiers contents, satisfaits d’une
conscience. Caravage change le paysage. Le rebelle de chapelle barbouille des
toiles d’Evangile. Il squatte les églises, les colorent d’une lumière indécise,
les acclimatent au soleil d’hiver.
Michelangelo
Merisi s’est échappé d’une bourgade lombarde, s’est retranché à Rome, loin de
Caravaggio. La parole peinte d’une religion charnelle incise les chapelles, entaille
l’exégèse picturale d’une réelle crudité. Le maudit Merisi sent le soufre pour
les besoins d’une mercantile imagerie. Maurizio Calvesi, historien d’art,
soustrait le prétendu vaurien de sa figure d’apostat. La foi brutale de Caravage est frontale.
Il
faut se recueillir, se décoiffer, se déchausser. Capella Cerisi, à l’église San
Luigi dei Francesi, « La vocation de Matthieu » transfigure le clair-obscur d’une
taverne en une luxueuse somptuosité murale. Jésus désigne d’un doigt de majesté
Matthieu l’imposteur qui joue aux dés, insoucieux des cieux. Autrement dit, quelque chose comme la poésie
enjoint Merisi, vingt-sept ans, de parachever l’œuvre de splendeur. Les
touristes sont des pèlerins déclassés qui mitraillent une messe basse picturale
de clics de photographes comme des hourras renégats.
Le
crachin romain ternit l’ocre des palais. Je n’ai besoin de rien, que d’espace
pour m’épanouir, pour ne pas nuire. J’entends le couinement d’une mouette, une
pétarade de pétrolette, les bris de voyelles d’une colère d’esthète. J’ai froid aux doigts. Je contourne les
flaques, via Mario de Fiori. J’observe la rougeur des façades avant la nuit
définitive.