mercredi 15 mai 2024

Le type d'Antibes

C’est un sentiment, une fièvre, qui s’étirent sur tant de décennies. J’en ai recueillis l’émoi, la douleur et l’écho. Ils sont consignés, épinglés dans un cahier comme autant de sensations. Leurs mots de grand brûlé fédèrent un texte, travaillée, remanié, aujourd’hui « à l’impression ». A peine quatre-vingt pages. Elles disent un éblouissement, l’émerveillement brut, abrupt, devant l’art véhément d’un maître, « mieux qu’un monsieur ». Ma vie est consacrée à de petites écritures. Mes tourments littéraires se sont donnés au peintre guerrier, se sont livrés d’un jet, tout entier, au regard impérieux, au verdict, au noir assentiment d’un coloriste byzantin. Nicolas de Staël squatte en esthète le secret embrouillamini de ma tête. J’ambitionne de communiquer un vertige, l’avant-goût d’une terreur, une émotion qui empoigne au voisinage d’une peinture effarante, qui cogne au contact de toiles et d’écrits, de compositions fulgurantes qui laissent au sol, sur le pavé ensoleillé, la silhouette muette du type d’Antibes. « Le type d’Antibes » sortira, pour la première fois, le 15 juin 2024, juste avant l'été. On pourra lui serrer les doigts, le tenir dans ses mains en librairie, le commander à la Fnac ou chez l’éditeur 5 Sens Editions.

mardi 14 mai 2024

Misère du tertiaire

L’industrie est morte depuis belle lurette. Elle a pris la poudre d’escampette. Elle déserte en Asie. Le secteur secondaire est une nostalgie d’un autre siècle. L’industrie a succombé à sa pollution, au cancer généralisé de ses poumons. L’industrie gît au cimetière des sacrifiés de l’économie, voisine à côté du pieux artisanat, dont on arracha les mains avant de l’enterrer sans un regard. La gloire actuelle des services est un racontar de fumiste, un leurre d’économiste. Cette sotte réclame anime la conversation des hommes sans âme. Le secteur tertiaire est ponctuel aux funérailles. Dans la file, il suit les ouvriers sans thune dans une même fosse commune. De la tuerie du travail ne reste rien qu’un machinisme d’enfant idiot. Dès le meurtre de l’artisanat, dès les Ford de toute sorte, l’œuvre avait à jamais dépéri. Le tertiaire est déjà mort hier. Le tertiaire est un monde d’effarante misère. Jadis un service se rendait comme une retouche, un soin, une caresse. Aujourd’hui la blanchisseuse m’interroge d’un cri : « Economique ou soigné ? » Je traduis la langue de lingère : « Merdique ou bien fait ? » Les temps numériques sont l’apothéose d’un désastre merdique. On balance des plateaux-repas à des rangées de grotesques passagers. Godard a filmé vrai dans « Soigne ta droite ». Le soin ou rien. L’œuvre suffit. Le reste avilit. L’économie surfe sur l’infini du vide : zéro culture, zéro industrie, zéro service. Le tertiaire achève la boucle du néant. Mort d’un pourri. A vrai dire, il n’y a qu’un seul métier : orfèvre. Tous les autres sont des courbures d’imposteur.

mardi 7 mai 2024

Notre Europe

C’est l’amorce d’une prière. Notre Europe, qui êtes aux cieux, priez pour nous, pauvres électeurs. Notre hop. Notre flop. C’est un saut, un bond à la Fosbury vers un nouvel horizon, le plus haut dans l’espace. Notre Europe est en danger de mort martèle un président incantatoire. Notre France est une expression hors d’usage qui désigne une nation à date de péremption dépassée, un pays décati qui sent le moisi, à mille lieues à la ronde, jusqu’à l’Asie. Notre France est une manière de parler décalée, une déviance lexicale qu’il faut s’interdire de prononcer. C’est un gros mot. Il ne faut pas le dire. La France ne nous appartient pas. En revanche, l’Europe, si. Elle est à nous, à toi, à moi, dans la joie de son hymne, dans la splendeur du poème de Schiller. Notre belle Europe est souveraine dans son pluriel. J’écoute Ferrat qui chante « Ma France ». C’est une voix de vieux con, une voix d’autrefois qui sifflote Aragon.