vendredi 22 mai 2009

La musique des peuples

Dans ses "Lettres à Albert Paraz", Louis-Ferdinand Céline fait l'inventaire de ses peurs et de ses détestations. Il craint la malice du Diable qui "s'attaque à la musique des peuples". Aujourd'hui, l'Europe est ligotée entre l'Amérique et l'Asie. Trop vieille pour l'une, trop jeune pour l'autre. La Chine immémoriale douche ses prétentions culturelles. Les Etats-Unis se moquent des longues civilisations. Ils fabriquent leurs récits sur le mode fictionnel: Hollywood tient lieu de manuel d'histoire. Bref, l'Europe est assise entre deux continents. Elle tarde à trouver sa place au banquet des grands fauves politiques. Elle ramasse les miettes des G20. Ses nains nationaux s'agitent sur la photo finale: Sarkozy et Berlusconi rivalisent de courtisanerie, jouent dans les jambes d'Obama. La bourrade amicale ne trompe personne. L'Europe est coincée, gênée aux entournures, entravée par ses divisions. Elle parle à plusieurs voix, elle se tait devant l'Histoire qui se fait. 
Ses chefs politiques se désintéressent de son sort au point de dépêcher au Parlement ses plus braves anonymes en tête de liste électorale. L'Europe décline une identité passe-muraille. Or la machine administrative bruxello-strasbourgeoise s'exprime en volapück, rédige en sabir, sans jamais causer à l'oreille des peuples. L'ermite de Meudon, le même Céline, précise sa prophétie: "Ils n'auront plus de chanson, ils périront". L'Europe s'étiole, rapetisse en longueur, se dilue dans l'espace. Sa voix ne porte que de bureau à bureau.  A quel imaginaire le jeu de cubes communautaires renvoie-t-il ?. A quel grand récit Bruxelles exhorte-t-il ?. Faute de grandeur, l'Europe se prive de la ferveur. Elle dissuadera les électeurs à s'extraire - tradition pétainiste oblige - du cercle familial de la fête des mères. Le pensum électoral du 7 juin est une corvée démocratique, une sorte de scrutin punitif, qui se soucie de l'opinion publique comme d'une guigne. Pareille inertie politique relève de la malignité diabolique. Elle brouille la communication avec les peuples. Aucune musique, aucun refrain européen à fredonner. L'Europe a perdu le chemin des coeurs, "le lieu et la formule" rimbaldiens, qui enracinent les mythes. Elle ne va pas bien du tout.

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