lundi 1 mars 2010

Vie de province

Les campagnes électorales abusent de la rumeur, du mensonge et de l'invective. L'actuel exercice de style s'applique au gouvernement de la chose publique régionale. Les débats locaux, s'il y en a, privilégient les querelles minimalistes et les enjeux de peu.
La campagne suinte d'ennui. La vie de province est à périr d'ennui. La consultation de mars ressuscite le regard de mépris d'un Paris des lumières, cette vieille critique jacobine - qu'on croyait éculée - d'une monotonie persistante des campagnes. Il ne s'y passe rien. Une campagne à la campagne élève à la puissance l'étirement interminable du temps des régions. L'homme politique du cru est un régional d'étape qui gère sa clientèle comme un portefeuille de bonnes actions. La prime au sortant rémunère son capital de plate sympathie. Il ne s'y passe donc rien dans cette fichue campagne.
A l'exception d'un coup de gueule de potentat, ici ou là, de saillies haineuses, voire racistes, nettement trop fréquentes. Car l'expression libre des papabile de clocher se résume à un déluge de truismes, à de suspects raccourcis sous couvert de bon sens, à d'indigentes plaisanteries de garçon de bain. La démocratie a bon dos. Elle s'abstient d'intervenir dans les contenus. Elle veille seulement à la régularité du scrutin. A cette panne de l'intelligence s'ajoutent les rigueurs de l'hiver qui confortent la passivité naturelle du villageois.
"Madame Bovary" et sa Normandie pluvieuse, ses notables, ses adultères, sa "bêtise à front de taureau" dont Flaubert se délectait, ont franchi les siècles sans prendre beaucoup de rides.
Bref, la Région n'enthousiasme pas plus les foules que l'Europe. C'est un découpage d'administration qui reste pour beaucoup une énigme indéchiffrable. L'électeur s'emmêle dans les listes, perd son latin dans le mode de scrutin. On dirait l'Europe. Non pas la lointaine à Bruxelles, mais celle du voisinage avec ses querelles de bornage. Le duo Sarkozy/Besson s'est essouflé à fabriquer de toutes pièces un drôle de débat, bourré d'artifices et d'arrière-pensées sur l'identité nationale. Mais l'appartenance régionale ne va pas davantage de soi. A tous les échelons politiques, qu'ils soient local, national ou communautaire -, le flou identitaire prévaut. Le destin collectif régional se déploie dans une vie quotidienne dénuée de grand dessein. La panne de projet sécrétera à terme, au-delà du long enquiquinement des saisons, une posture réfractaire des électeurs, à la Bartleby, le héros de Melville. Après l'exode du siècle dernier, la désertion politique guette les campagnes.

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