samedi 18 février 2012

Après le ski, Dostoïevski

Missel aux fines ailes. J'ouvre le Pléiade, page à page, après mon père, cale mes yeux dans son lointain sillage. Je lis Karamazov par fidélité à la posture d'un père, à la ferveur d'un fils. Dans la mansarde de Sankt Anton, en pleine orgie de givre, la fièvre empourpre une chair. Je vais du pas du lecteur.
Après le ski, Dostoïevski. La littérature est une joie sans ratures. Elle dévaste l'habitude, suggère un sentiment de plénitude. Je me souviens du vieux Brasseur, trogne d'ivrogne, formidable acteur du passionnel polar. Je revois la figure ravagée de Smerdiakov, la vénéneuse bâtardise de Garrel, merveilleux Judas russe.
Je veux lire car je veux savoir. Réquisitoire du procureur, plaidoirie du défenseur. On songe au théâtre de Koltès. On ne lâche pas une ligne, un espoir, une émotion pour un empire. Michaux parle de "connaissance par les gouffres". Au voisinage de l'idiotie, le génie nous saisit, nous agrippe par la manche, envoie valdinguer la mièvrerie ordinaire des petits récits du dimanche.
On ne sort pas sauf des Karamazov. Les mots vivent dans un monde sans enclos. J'y cultive un jardin de coquelicots. C'est le rouge écarlate qui sied à son genre de beauté.


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