mardi 2 juillet 2013

Nadeau, Flaubert, Papa

J'ai seize ans. C'est un livre long, lourd dans la main, dont le bleu d'origine s'est jauni avec l'ennui. Je l'ai extrait de la bibliothèque de Papa. J'ai subtilisé mon cadeau d'anniversaire, me suis réapproprié "Gustave Flaubert écrivain".  Les éditeurs s'appellent Lettres Nouvelles et Denoël.
J'ai feuilleté ses pages brunies. Le soleil des yeux a brûlé leur papier. A l'amorce du texte, Papa a collé un trapèze de presse soigneusement découpé: "Tout ce qu'on invente est vrai".
Maurice Nadeau, son auteur, est mort à cent ans et des poussières. Papa, son lecteur, est mort avant d'avoir fini d'imaginer le destin d'un corps.
Le missel a vieilli comme l'ocre d'un palais. Sa tranche est balafrée de petites estafilades. Les baisers du temps entaillent la peau du fier volume. L'usure a écorné le bas de couverture. Gustave est intact sur son catafalque.

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