dimanche 12 mars 2023

Un temps bref d’épiphanie

Les ergots d’un coq ont châtié les épines d’une rose. L’Angleterre avait renié son rugby avant que le fier gallinacé, bleu, blanc, rouge, n’ait chanté sept fois les noms de Ramos, Flament, Ollivon, Penaud. Sept essais fabriqués français. Sang pour sang. Dent pour dent. œil pour œil. Produits de gloire et de terroir. Arrières, avants s’en sont donnés à cœur joie. Ce jeu de balle ovale, de vaillance et d’instinct, administre aux siens une leçon de maintien. A la baguette, il y a Dupont, « le monstrueux » champion, capitaine tricolore, le plus capable, qui ne fait pas cap pour du beurre. Dupont, l’authentique, se moque du Van Damme de la place Vendôme, lui enseigne à Twickenham l’honneur avec un corps, en vraie grandeur, pas seulement avec un petit bras de rougeaud avocat. Sous une pluie d’hiver, sur une pelouse d’ennemi héréditaire, un vieux pays récitait hier son meilleur rugby, d’exacte fantaisie, de rigoureuse poésie. Il fabriquait du panache à la hache. On aime à Twickenham un même jeu de gentilshommes à cause d’une tradition, d’une nostalgie, d’un style. La prouesse de samedi a troué la morne répétition des tristesses. Elle révèle l’éclaircie glorieuse, instaure un temps bref d’épiphanie. Le pays des Boniface n’est pas celui de la défausse. La terre de Villepreux s’embrase aux premiers feux. C’est un royaume, à sa manière, de grands hommes fiers, l’heureuse contrée des pieux serviteurs du jeu, le fortin retranché des preux chevaliers des somptueuses percées, des majestueuses passes croisées.

Aucun commentaire: