mardi 15 octobre 2019

La folie du flou

Il est une théorie algébrique dite des sous-ensembles flous qui introduit une gradation dans le concept d’appartenance. Elle modélise l’incertitude. La géopolitique moderne emprunte à pareille logique l’idée de frontières floues. A cet égard, l’exemple de la Turquie illustre l’embarras des esprits.  La vieille puissance ottomane est orientale et occidentale, en même temps, dans le même espace.
L’indécision est au cœur de l’habileté élyséenne. La stratégie de l’imbroglio  tord le cou à la logique d’Aristote et à son principe du tiers exclu : A et non A ne sont pas compatibles.
Macron gomme les contours de la contradiction : et de droite et de gauche. D’une certaine manière, il discrédite Descartes, il disqualifie la primauté de l’analyse. La pensée cartésienne procède au découpage, à la décomposition méthodique du réel.  A s’interdire le charcutage des choses, l’espace n’est plus nommable. Sans bord, il est indistinct. Le réel devient magma, le cosmos s’apparente au chaos. Il surgit d’un bloc, sans couture ni lisière, synthèse indifférenciée, objet d’étrangeté, monolithe indéchiffrable.
Cette torsion de la raison mène à la confusion des genres. La vie politique s’en ressent. Ainsi nos alliés Kurdes sont abandonnés à leur sort comme de vulgaires ennemis de guerre. Voici venu « l’heure, entre chien et loup, où l’on se méfie même de l’ami » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, « Qu’est-ce que la philosophie ? »).
Il est vrai que le réel n’est pas rationnel, que le discours de la méthode réduit la complexité du monde. Mais, a contrario, l’exaltation des espaces sans bornes et des visages sans cernes conduit à un embrouillamini conceptuel. La pensée est engluée dans l’indémêlable. S’interdire la limite plonge l’entendement dans une longue errance.
Une certaine folie du flou contamine nos pratiques. La Turquie de l’Otan bombarde nos amis. L’Europe des droits de l’homme gesticule, s’abreuve de paroles, se drape dans l’indignité morale. Plus que jamais, nous sommes des nains dans la main du continent américain. On se prosternera devant Poutine, notre absurde ennemi.
Le ministre de l’éducation ne souhaite pas le port du voile que la loi pourtant autorise dans l’espace public. J’en déduis, transitivité oblige, qu’il n’aime pas la loi de la République. Au voisinage d’explosives dissonances, la dérive des esprits progresse, les nations s’égarent dans la violence. 

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