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janvier 2020 : Lucia Bosè fête ses quatre-vingt-neuf ans. Je l’ai vu pour
la première fois dans « Chronique d’un amour ». L’actrice d’Antonioni
figure dans mon livre « La cicatrice du brave ».
« La
nature est chose obscure. Le cinéma regarde l’émoi d’une salle. Le jour se lève
sur nos lèvres. J’ai fui la nuit, stoppé au métro Antonioni.
L’image
clignote sur le mur d’en face. Lucia Bosè ose une métamorphose. Je suis criblé
de sa beauté. L’actrice réveille une cicatrice. Je me fige au spectacle d’une
effigie. Lucia est d’évidence une brune intense. Lucia Borloni est fille des
brumes de Lombardie.
Je
m’éloigne des clichés mitraillés. Je m’ennuie devant des photographies. Je
reviens vers mon destin. Je contemple la plus belle fille du monde. Je demande
du bonheur à une vendeuse de douceurs. La luxueuse Lucia plante ses yeux de
fille du feu comme des banderilles d’adieu.
Visconti,
bon prince, en fit une Miss Italie. La demoiselle des confiseries, via Victor
Hugo, s’octroie une célébrité, rafle le trophée à Gina Lollobrigida. L’icône
abandonne le panettone, quitte le
chocolat pour Cinecittà.
Visconti
invente Lucia Bosè comme Saint-Laurent, Laetitia Casta. Les yeux d’une
Milanaise sont des brûlures de braise.
Je
jette un œil sur la nature morte de De Pisis. La mer, la plage, deux poissons à
l’étal. L’été converse avec
l’éternité. La rétrospective Antonioni est pleine d’affiches dont je me fiche.
Je ne peux me défaire des portraits de Lucia, à gauche de l’entrée. Je sais
combien mes petites amoureuses sont venimeuses. Lucia, Laetitia. Je raconterai
Olga.
J’ai
besoin des visages pour me persuader du paysage. Le rosé d’une joue est un lieu
familier. Les regards sont des messages de guépard. Je guette l’épiphanie comme
un veilleur d’ennui.
Dans
le coin de Bercy, les trottoirs sont troués, squattés par des chantiers
désertés. Les grues sont des dinosaures de rue. La laideur fait peur comme un
cri de victoire. On s’habitue à ce qui meurt comme aux odeurs. Je slalome entre
les hommes. J’ai dérobé deux,
trois sourires à la marchande de pâtisseries. Lucia Bosè s’est offusquée. Elle
s’est retirée comme une lèvre prostituée. »
« La
cicatrice du brave », 5 Sens Editions, pages 14 et 15
L’ouvrage
est disponible à l’adresse suivante :
https://catalogue.5senseditions.ch/fr/belles-plumes/90-la-cicatrice-du-brave.htm
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