vendredi 9 septembre 2011

Prêcheur et percheron

Méfions-nous du charisme, de l'aura, du magnétisme du chef politique. Barack Obama, digne et docte, parle à merveille. C'est un lauréat idéal des concours d'éloquence. "Il éblouit mais n'éclaire pas". Le mot de Sacha Guitry lui va comme un gant.
Or la magie du verbe s'enlise dans les ornières du réel. S'il galvanise les foules, le prêcheur passe mal à l'acte.
Méfions-nous du terne, du banal, du "normal", du profil bas de Monsieur Toulemonde. François Hollande laboure le pays, sillon après sillon, comme sa terre de Corrèze. C'est un solide travailleur, un peu blagueur, pas fier pour deux sous, qui discute le coup sur les marchés.
Nul ne peut imaginer une psychologie de tueur dans une carapace de tortue. S'il prend mal la lumière, le percheron n'en suit que mieux sa route studieuse vers l'élection.

mardi 6 septembre 2011

Joie d'autrefois

Jeter une feuille de papier devant soi. S'armer d'un stylo à encre. Situer le lieu, dater l'exercice. Rédiger au fil de sa pensée. Ecrire d'un seul jet sans interrompre le cheminement de plume.
Plaisir d'esthète. A la diable. Joie d'autrefois d'une boxe à mains nues.

Bleu

Soudain, le bleu. Le ciel est alors une main tendue. Les yeux se déploient comme des doigts.

Place des Vosges

Va parler. Va pas parler. Indécidable. Nous sommes suspendus au bon vouloir de l'oracle de la place des Vosges.
Cet homme aime les domiciles: Washington, New York, Paris, Marrakech. Il s'est muré dans le silence. Le mutisme est la demeure de son coeur. L'économiste est économe de ses mots. Il communique par le sourire.
Nous sommes tous des Jack Lang. Devant notre lucarne, nous l'accueillons en voisin. Il nous a vus. Il nous montre du doigt. Cet homme qui ne parle pas, voit l'invisible. Nos gouvernants manquent de vision. Pas lui. Il reste le candidat idéal.

lundi 5 septembre 2011

Privilège d'un roi-soleil

Homme de culture au talent indiscutable, Jean-Jacques Aillagon n'accepte pas de bon coeur son remplacement à la tête du Domaine de Versailles. Sa présidence s'achève de manière réglementaire, la limite d'âge franchie.
Or la rancoeur du haut fonctionnaire me stupéfie. L'autocratie du roi-soleil a déteint sur le serviteur de l'Etat. En guise de médiocres représailles, il déverse sa bile sur François Fillon et Frédéric Mitterrand. Il n'épargne sans grand courage que Nicolas Sarkozy.
Le Domaine de Versailles n'appartient à personne, pas même à Jean-Jacques Aillagon. Son amour de la beauté ne suffit pas à l'exonérer des règles de la République. Nul ne peut s'approprier une parcelle de l'Etat. Il est extravagant de rappeler aujourd'hui pareille évidence.
Au lieu de crier sa colère sur tous les toits, Jean-Jacques Aillagon devrait exprimer sa reconnaissance d'avoir joui d'un privilège exorbitant: servir l'intérêt général.

jeudi 1 septembre 2011

Terroriser les bavards

L'infirmière de Liliane Bettencourt se rétracte. Elle infirme son témoignage fracassant de l'ouvrage "Sarko m'a tuer". Autrement dit, les deux journalistes du Monde auraient inventé de toutes pièces ses propos. "La remise d'enveloppes à Nicolas Sarkozy" relèverait de la plus haute fantaisie. Balivernes et billevesées.
La conviction du pouvoir est que MM. Davet et Lhomme ont écrit un roman. Au sommet de l'Etat, on calque sa stratégie sur les ressorts des plus mauvais polars, on recourt aux vieilles ficelles: terroriser les bavards.
"On allait retrouver mon corps dans la Seine". Virage sur l'aile: l'infirmière a démenti la prophétie morbide du livre. La vérité semble à géométrie variable. Il faut dire que même en démocratie, dans un pays fier de son triple A, l'Etat dispose de moyens apparemment illégaux qui sont de nature à dissuader les propos les plus libres. A son commencement, cette troublante histoire tient sa Nafissatou Diallo dans le rôle principal: la pauvre infirmière est isolée, murée dans ses dénégations.
Dans cet imbroglio, on s'explique mal qu'un grand journal ait fait l'économie de l'interroger. Le Monde est-il désormais sous surveillance, craint-il des représailles du pouvoir ?

Les méduses de l'été

On est distrait des grands sujets de l'humanité. On est abreuvé d'historiettes frivoles. Ce sont des leurres qui voilent les grands malheurs de la terre.
Le feuilleton DSK étiré ou la série Bettencourt réactivée comblent un désert d'imaginaire. On est englué dans ces récits d'été, à mille rebondissements. On se fout de Nafissatou, on se moque des frasques de Dominique, on se fiche des liasses de Liliane comme d'une guigne. On s'en tamponne le coquillard.
Ces chroniques poisseuses collent à l'opinion comme des chewing-gums. On se baigne dans une mer huileuse d'informations bidons, pleine de méduses visqueuses. Au large, le monde est à feu et à sang.