jeudi 10 mai 2012
Le goudron et les plumes
Bayrou, allo ? T'es où ? Il n'y a plus d'abonné à ce numéro. Le roi des chasseurs a failli se désigner pour l'ajuster à bout portant. Bayrou est tirable comme un lapin. Les socialistes encense l'homme pour mieux fustiger son amateurisme politique. La vanité du Béarnais a eu raison d'un centre éclaté en mille morceaux. En moins d'une décennie, François le Gaspi a dilapidé l'héritage giscardien de la vieille UDF. François le Champi s'est rêvé champion. Il se réveille aujourd'hui en charpies. La droite lui réserve un châtiment approprié, celui des traîtres des albums de Lucky Luke: le goudron et les plumes.
La messagère
La chamaillerie des clés dans l'étui précède le crissement de métal d'un casier à lettres. L'enveloppe est cerclée de noir. Je sais l'identité de l'expéditrice. Je suis saisi d'un doute, d'un pincement de déception. L'adresse est tracée d'une écriture distincte. Le travail d'usine poignarde la plus intime émotion.
Je lis la face imprimée, impersonnelle comme la menace du ciel. J'observe, derrière, un rectangle manuscrit. Je suis pauvre depuis l'aurore. J'ai mendié, il y a près d'un demi-siècle, les sept phrases embrouillées de l'improbable courrier. J'ai le doigt sur la bouche. J'interroge la poignée de mots jetés à l'aventure d'un frivole bristol de deuil.
Je lis la face imprimée, impersonnelle comme la menace du ciel. J'observe, derrière, un rectangle manuscrit. Je suis pauvre depuis l'aurore. J'ai mendié, il y a près d'un demi-siècle, les sept phrases embrouillées de l'improbable courrier. J'ai le doigt sur la bouche. J'interroge la poignée de mots jetés à l'aventure d'un frivole bristol de deuil.
mardi 8 mai 2012
Lauren Bacall
Mon épaule heurte le mur. Les hasards s'égarent dans les souvenirs. Je hisse un corps, marche après marche, vers sa demeure. Son pied teste le sol, mesure la température du péril, se rétracte au premier embarras. Mon coude frotte la paroi, perfore le verre de la photographie. La figure d'actrice choie dans l'escalier. Lauren Bacall chute de haut. S'étiole un monde de visages pâles.
Librairie Delamain, sans Chardonne ni cognac. Palais Royal, Lauren Bacall. J'ouvre un gros volume de mémoires. Je tends la page blanche comme une joue. Elle trace son nom et mon prénom à l'encre noire. Je me souviens d'hier et même d'avant hier. Je n'ai pas vingt ans, déjà poussière. L'équilibre du corps n'additionne que des peurs. Je fends la brume anglaise, je longe à Londres le malaise de ses docks, je me rue la nuit vers la cinémathèque, je m'assieds dans le noir, je regarde Bacall.
Librairie Delamain, sans Chardonne ni cognac. Palais Royal, Lauren Bacall. J'ouvre un gros volume de mémoires. Je tends la page blanche comme une joue. Elle trace son nom et mon prénom à l'encre noire. Je me souviens d'hier et même d'avant hier. Je n'ai pas vingt ans, déjà poussière. L'équilibre du corps n'additionne que des peurs. Je fends la brume anglaise, je longe à Londres le malaise de ses docks, je me rue la nuit vers la cinémathèque, je m'assieds dans le noir, je regarde Bacall.
lundi 7 mai 2012
Respect
La province rit. Tulle est aux anges. Tutoie les étoiles. Hollande se fiche du centre. Il n'engrange que ses voix. Il a choisi la périphérie. Il ne quitte plus son stylo plume. Il biffe un adjectif, déplace une virgule, rature une phrase obscure. Hollande écrit sa première page de président. La Corrèze est abonnée aux destinées élyséennes.
Sarkozy soigne sa sortie. Il réagit au quart de tour. Il n'est pas si triste. Il échoue de peu. Le lutteur invétéré confesse qu'il a fait de son mieux. On le sent presque libéré. Il n'est pas écrabouillé.
La victoire manque de gaieté, peut-être de netteté. L'insuccès est absorbé d'un trait, sans gros chagrin particulier. Les couteaux s'aiguisent en coulisse. Loin des excès de liesse, la langue de bois emprunte ses règles à la politesse. On s'échange le mot "respect". Bref, on fait provisoirement la paix.
Sarkozy soigne sa sortie. Il réagit au quart de tour. Il n'est pas si triste. Il échoue de peu. Le lutteur invétéré confesse qu'il a fait de son mieux. On le sent presque libéré. Il n'est pas écrabouillé.
La victoire manque de gaieté, peut-être de netteté. L'insuccès est absorbé d'un trait, sans gros chagrin particulier. Les couteaux s'aiguisent en coulisse. Loin des excès de liesse, la langue de bois emprunte ses règles à la politesse. On s'échange le mot "respect". Bref, on fait provisoirement la paix.
La brièveté d'un sourire
J'achève une merveilleuse aventure de lecture. Je me suis égaré dans une oeuvre somptueuse, perdu de vue dans une lumière oblique, retrouvé dans ses lignes venimeuses.
Je suis orphelin d'une magie. Le temps s'est arrêté au terme du septième volume. C'est le privilège, le sortilège d'une plume. A mesure que la phrase de Proust s'établissait en moi, je cédais prise, j'abandonnais son indécise identité. Les heures se relayaient au chevet du bonheur. Proust borde les draps de son oeuvre blanche. La Recherche est une mer d'huile, hachurée de soleils, agrémentée de striures canailles. C'est le bienfait d'une sainte nature, l'évidence des fées dans la littérature.
Je referme le capot des mots. J'immobilise la machinerie des sensations. Je laisse aller la nostalgie d'avoir fini. J'ai le sentiment qu'il m'appartient de préserver l'éblouissement du temps présent, la succulence de l'expérience.
Il était une fois le serment de ne pas relire, de ne pas récrire sur la mémoire, de ne pas toucher à la brièveté d'un sourire.
Je suis orphelin d'une magie. Le temps s'est arrêté au terme du septième volume. C'est le privilège, le sortilège d'une plume. A mesure que la phrase de Proust s'établissait en moi, je cédais prise, j'abandonnais son indécise identité. Les heures se relayaient au chevet du bonheur. Proust borde les draps de son oeuvre blanche. La Recherche est une mer d'huile, hachurée de soleils, agrémentée de striures canailles. C'est le bienfait d'une sainte nature, l'évidence des fées dans la littérature.
Je referme le capot des mots. J'immobilise la machinerie des sensations. Je laisse aller la nostalgie d'avoir fini. J'ai le sentiment qu'il m'appartient de préserver l'éblouissement du temps présent, la succulence de l'expérience.
Il était une fois le serment de ne pas relire, de ne pas récrire sur la mémoire, de ne pas toucher à la brièveté d'un sourire.
jeudi 3 mai 2012
Moi je
Ils gravissent le dernier col, hors catégorie. Le temps des gregarios est clos. Pas d'équipiers pour les relayer. C'est l'heure du mano a mano. Les deux champions grimpent de front sur la chaussée. Hollande est calé sur sa bécane. Il monte au train. Sarkozy est courbé sur sa machine. Il progresse en danseuse. Deux styles de hargne: un rouleur coriace, un grimpeur opiniâtre. Les deux hommes s'invectivent jusqu'au sommet.
L'hostilité prévaut sur le plateau. Tout au long du pugilat, le "moi je" règne sans partage. Le peuple observe ses princes. La démocratie fait provisoirement tapisserie. Les deux candidats surenchérissent sur le volontarisme. On reste coi devant pareille hypertrophie du moi. Les deux matamores exorcisent une même peur. La première personne du singulier est une incantation guerrière. Elle théâtralise la posture de dur. A vouloir remuer ciel et terre, à vouloir trop prouver sa virilité, elle signale une vraie fragilité.
L'hostilité prévaut sur le plateau. Tout au long du pugilat, le "moi je" règne sans partage. Le peuple observe ses princes. La démocratie fait provisoirement tapisserie. Les deux candidats surenchérissent sur le volontarisme. On reste coi devant pareille hypertrophie du moi. Les deux matamores exorcisent une même peur. La première personne du singulier est une incantation guerrière. Elle théâtralise la posture de dur. A vouloir remuer ciel et terre, à vouloir trop prouver sa virilité, elle signale une vraie fragilité.
mardi 1 mai 2012
Si, Raimu
Montagne. Au-dessus, il n'y a rien, pas trace de vaurien. Le vide. Si, Raimu. Court pas les rues, Raimu. Il tue le match des émotions. Le puisatier de Pagnol s'assied sur l'image de cinéma, pose son canotier, impose une démarche chaloupée.
Amoretti parle la langue des rocailles. Elle se déploie sans loi, dans la majesté de l'été. La voix d'Amoretti cogne, gronde comme le monde, s'égrène comme un chapelet de vivante humanité.
Orson Welles: "Je veux voir Monsieur Raimu !". Il n'y en a qu'un s'époumone l'Américain. Raimu est mort sans qu'Hollywood ne le sache encore. Trop tard pour la fabrique à stars. Raimu joue la comédie hors catégorie. Il est flagrant jusqu'à la fin des temps.
Amoretti parle la langue des rocailles. Elle se déploie sans loi, dans la majesté de l'été. La voix d'Amoretti cogne, gronde comme le monde, s'égrène comme un chapelet de vivante humanité.
Orson Welles: "Je veux voir Monsieur Raimu !". Il n'y en a qu'un s'époumone l'Américain. Raimu est mort sans qu'Hollywood ne le sache encore. Trop tard pour la fabrique à stars. Raimu joue la comédie hors catégorie. Il est flagrant jusqu'à la fin des temps.
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