lundi 13 mai 2013

Technologie de Picsou

Petitesse d'essaimesse. Pingrerie de l'écrit. Je compte mes mots. J'en soustrais la subtilité. Je bâcle un communiqué grossier, un texte avaricieux.
C'est un courrier sans générosité dont j'ai contracté l'objet. Je flatte une concision qui s'abîme en torsion, une sobriété qui se perd en crispation épicière. Technologie de Picsou.

vendredi 10 mai 2013

Il y a du Tonton dans Pépère

Pépère s'exerce au pédalo, été comme hiver. Il cabote en bord de mer sous surveillance de la chancelière, sauf à lui faire des taquineries et prendre le large vers le Mali.
Pépère s'enlise dans le désert. Le Pépère de la nation embourbe ses militaires dans une guerre de religion.
Il chausse des lunettes de chef-lieu. Les binocles de Pépère ne l'autorisent qu'à voir de près: une paluche à serrer, une bise à claquer, un courrier à signer, un discours à prononcer, un journal à feuilleter.
Depuis des décennies, le match s'éternise entre une droite qui rate et une gauche qui gâche. Pépère boxe sans cap. Il longe les rochers. Suit le dentelé des côtes françaises. Car Pépère préfère la petite mer, s'agripper à ses jupes. Voit l'horizon de manière oblique.
L'opinion des cantons, des électeurs de l'ancien Tonton, s'inquiète des problèmes de vision du bon Pépère. Or elle a tout faux, se trompe de profession, confond mystique et politique.
Pépère est un politicien subtil qui prend la pluie sans battement de cils. Il godille immobile, slalome au ralenti. Pépère d'ailleurs grossit, faute d'exercices moteurs. Pas de cap, pas de vision. Pépère s'adapte aux circonstances, renvoie les doctrines en cuisine, ne s'embarrasse pas les yeux d'un grand dessein creux. Aime ou n'aime pas les riches. Les abhorre quand il fait beau, les adore quand il fait gris. Selon le calendrier, au gré du vent saisonnier.
Pépère, à l'instar d'un vulgaire Sarko, ne songe qu'à conserver son magot, à thésauriser ses pouvoirs, au maximum de ce qu'on peut faire. Pépère se voit le plus longtemps Pépère. Bref, Pépère a de l'appétit pour deux mandats.
Même impopulaire, Pépère règne à gauche, sans rival déclaré. Il régnera mieux en rognant les ailes des plus habiles de sa famille. Rabaissera à son heure le caquet de Valls et la morgue de Montebourg. Sans rien faire, Pépère jouit des errements d'une droite atomisée, sans chefferie légitime.
Reste un gros os : alphabétiser l'ouvrier aux subtilités du Pépère. Sans quoi, il votera de travers pour la blonde héritière. Ou gardera son bulletin à l'écart du scrutin. Assurément, il y a du Tonton dans Pépère.

jeudi 9 mai 2013

Mes soldats

Je me penche sur des rectangles de papier blanc. Je consulte un vieux carnet où j'ai griffonné des adresses. J'en déchiffre la graphie dont la trace a pâli. J'écris des noms de rue sur des enveloppes perdues.
J'ouvre le livre rouge à sa page de départ. Je taille des mots précis, en fignole le ressenti, m'applique au dessin des voyelles. La pile paroissiale s'amenuise, dégringole d'un étage. Un petit soleil en zèbre l'incarnat. Je me défais de mes soldats.
Je bénis un à un les chefs de maquis. Une dernière fois, je tapote leur joue rouge. J'absous les textes déserteurs désormais à merci d'une sacoche de facteur.

mercredi 8 mai 2013

Le petit traître

Il n'aime pas mon accueil. Remue les cils, fait le difficile. Je suis inhospitalier d'instinct, de nature, peut-être de métier.
Il a besoin de picaillons, demande une sorte de pardon dont me déplaît le son. Je le traite en petit traître, brin de paille de la valetaille, prestataire d'une médiocre colère.
Il ment comme un tripatouilleur de dents. Il hausse le menton pour se figurer l'horizon. Je le fais tourbillonner comme dans les jeux de guigne et d'yeux bandés. Je l'assieds devant l'encrier.
Je lui dicte les mots qu'il faut. Il signe d'un griffonnage plein d'écume et de rage.
L'oiseau de malheur, triste sieur de travaux d'intérieur, songe à déguerpir. Je suis démangé par l'envie d'outrager son postérieur.

lundi 6 mai 2013

Italie, Normandie

Le ciel d'ici m'expédie dans mes rêveries. Je soigne ma mélancolie par les songes d'Italie. Revoir le Basilicata, les eaux rêveuses de Maratea. Boire un verre de spritz en attendant la nuit. Sentir les légers picotis d'une ivresse repentie.
Je soigne mes regards par le désir de Flaubert. Derrière une Normandie de pluie se dresse un colosse de terre maudite. J'adore le grand gars des labours. Sa joie de paltoquet, de bourgeois défroqué.
J'ambitionne à mes heures de crayonner sur son bout de nez, de colorier sa figure de forcené, de tacheter de mots sa face de bourreau. L'ermite intermittent ne rêve que de bon temps, de passions vénériennes, d'escapades eurasiennes. Je lis l'épistolier. J'ai des titres. "La cicatrice du brave" ne date pas d'hier.

vendredi 3 mai 2013

Douze moi(s), président

L'ego se déclare comme une feuille d'impôt. Hollande candidat soliloqua son idéal du moi dans l'aveu déconcertant d'un sentiment puissant: "Moi, président, je".
La confession de télévision révéla la dimension des prétentions. Le bonhomme Hollande imposait sa première personne du singulier, à la criée. Tirade du nombril.
La théâtralité d'un ego débridé, démultiplié, comme s'il en pleuvait sur l'opinion, exprimait une volonté de mots. Le pouvoir ne se limite pas au gueuloir d'un vouloir.
Après causerie, Hollande bricola une politique à sa fantaisie. Avec un stylo, une gomme et des post-it. François rédigea sa profession de foi mille fois. "Moi, président, je". Il apprivoisait la pensée magique. On songe au petit roman de Radiguet, Le bal du comte d'Orgel, à sa phrase finale: "Et maintenant, Mahaut, dormez, je le veux !". Hollande regarde l'avenir en fakir. Il applique aux choses la pratique de l'hypnose. Il s'imagine dompteur de serpents et des intérêts allemands.
Or la réalité est chez elle, à demeure dans la crise quotidienne. "On est chez nous" clame-t-elle dans un élan de gaillardise à relents xénophobes. La réalité s'est toujours sentie libre, presque sans gêne, rebelle à la péroraison.
Hollande répète les gestes, souffle les trois mots: "Moi, président, je". La réalité au galop ne s'appréhende pas au petit lasso. "Moi, président, je". La formule tournoie dans les airs comme un appel éphémère. Hollande cède à son embonpoint, va son petit bonhomme de chemin. Il remplit son mandat comme un quinquennat de desiderata.
Hollande, on s'en entiche. Puis on s'en fiche. Sarkozy, bonimenteur de génie, l'a fourgué au pays. Vendu état neuf. Au bluff. Narcisse est à l'Elysée. Il dénombre ses nombrils, se contemple dans le miroir du temps: "Douze moi(s), président".

jeudi 2 mai 2013

Le bar de Godard

La nature a fracturé sa serrure. J'ai vidé ma tête d'un souci d'esthète, vieux de trois décennies. Je regarde le film. Les mots clairsemés se sont rembobinés. Bon Albert a recueilli le petit bois de prière, conservé le fagot pour les mois d'hiver.
Je suis le psautier d'un texte rouge expédié par postier. C'est un format paroissial qui tend sa nuque à l'infidèle. Je lis les mots du délit, les minces fragments du récit. L'ouvrage d'Aubrac sort de fabrique.
En ce matin féroce, j'actionne le juke-box. Je vois Ferrat, à côté de sa voix, s'écoutant content, dans un bar de Godard. Je touche la page comme on frôle un  rivage.