Rugby rugueux. Les gars s'enterrent dans la bagarre. Clôturent les herbes d'un barbelé de corps. Vague de Blacks comme des claques de mer opaque.
Ces poilus du jeu dru sont des gentlemen, voyous de rue. Il y a malaise à céder un pouce de terre glaise. Ces torses d'écorce privilégient la force. Rare est la beauté dans une guerre de tranchées. La mêlée est un charnier vivant de corps pantelants.
On guette la prouesse d'une silhouette svelte, la libre étincelle de tête brûlée. L'époque est au sport de bloc. J'aime la muette humilité de Dusautoir, capitaine de grand soir. Se met en six, déchiquète l'ennemi.
Costauds devant, gaillards derrière, ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Ils s'interdisent l'anomalie. Ils ont jeté la fantaisie du rugby aux orties. La reddition aux picaillons en a pourri le style, gâté l'esprit d'épopée.
dimanche 10 novembre 2013
samedi 9 novembre 2013
Bêtise de l'homme
Madame Taubira s'est faite injuriée par une fillette. L'invective, dans la bouche de l'enfant, traduit une antipathie, un sentiment d'hostilité.
Traiter l'homme d'animal est signe d'animosité. Dans le bestiaire des insultes ordinaires, figure "chienne" souvent proférée à l'endroit de la femme adultère. L'homme aux excès sexuels est taxé de "porc". Jadis, l'adversaire idéologique était qualifié de "hyène". On décernait même des brevets de "hyène dactylographe". Les maoïstes appréciaient volontiers "tigre de papier".
Aujourd'hui on déconsidère l'enfant dès lors qu'on l'exhorte à cesser ses "bêtises" ou d'arrêter ses "singeries".
Bref, le mot "guenon" salit la dignité de Madame Taubira. Or l'homme et le singe sont assez semblables. Foi de paléoantropologue. Dans "Qu'est-ce que l'humain ?" (Le Pommier, 2003), Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France, écrit: "La famille des hominidés se compose des grands singes africains: gorilles, chimpanzés, bonobos et hommes".
Dans une déclaration récente au Canada, il précisait: "L'homme fait partie de l'ordre des primates, et plus particulièrement d'une grosse partie des primates qu'on appelle les singes. L'homme ne descend pas du singe, nous sommes des singes".
Inutile de monter sur ses grands chevaux. On parle de racisme à tort et à travers. Est raciste celui qui prétend que la couleur de peau hiérarchise la condition humaine. Est raciste celui qui dénie l'égalité de dignité des hommes, selon qu'ils soient de chair pâle ou foncée. Le racisme distingue une sous-humanité, au seul motif d'une peau teintée, blanchie, différenciée. A ne pas confondre avec la banale invective.
Traiter l'homme d'animal est signe d'animosité. Dans le bestiaire des insultes ordinaires, figure "chienne" souvent proférée à l'endroit de la femme adultère. L'homme aux excès sexuels est taxé de "porc". Jadis, l'adversaire idéologique était qualifié de "hyène". On décernait même des brevets de "hyène dactylographe". Les maoïstes appréciaient volontiers "tigre de papier".
Aujourd'hui on déconsidère l'enfant dès lors qu'on l'exhorte à cesser ses "bêtises" ou d'arrêter ses "singeries".
Bref, le mot "guenon" salit la dignité de Madame Taubira. Or l'homme et le singe sont assez semblables. Foi de paléoantropologue. Dans "Qu'est-ce que l'humain ?" (Le Pommier, 2003), Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France, écrit: "La famille des hominidés se compose des grands singes africains: gorilles, chimpanzés, bonobos et hommes".
Dans une déclaration récente au Canada, il précisait: "L'homme fait partie de l'ordre des primates, et plus particulièrement d'une grosse partie des primates qu'on appelle les singes. L'homme ne descend pas du singe, nous sommes des singes".
Inutile de monter sur ses grands chevaux. On parle de racisme à tort et à travers. Est raciste celui qui prétend que la couleur de peau hiérarchise la condition humaine. Est raciste celui qui dénie l'égalité de dignité des hommes, selon qu'ils soient de chair pâle ou foncée. Le racisme distingue une sous-humanité, au seul motif d'une peau teintée, blanchie, différenciée. A ne pas confondre avec la banale invective.
vendredi 8 novembre 2013
Lisez pour vivre
Mademoiselle Leroyer de Chantepie est la lectrice éblouie de Madame Bovary. Dans son trou perdu d'Anjou, Flaubert lui fait un bien fou. C'est une vieille fille, mal instruite, frappée d'acédie, qui écrit sa reconnaissance à Gustave, l'ouvrier du manuscrit.
Gustave a trente-six ans. La Chantepie cinquante-sept. Le forcené de Croisset noircit des pages attentionnées qui lui sont destinées. Flaubert lui répond pour de vrai, quand il a une minute, en homme de métier. On songe à De Gaulle causant à Le Clézio, trouvant les mots qui font écho.
Il s'agit de lire. Sacré bonsoir ! "Plaisir divin" selon Proust. Debord, hors spectacle, a bien vu la société, ses ostentatoires temps morts. Il usa ses yeux sur les feuillets d'un autre siècle. "Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre".
Flaubert est au chevet de la petite châtelaine. Flaubert, toubib de La Chantepie, prescrit un alcool à réveiller les morts. Il pratique la médecine différemment d'Achille. L'idiot de la famille fait sa tambouille à sa guise.
"Lisez Montaigne, lisez lentement, posément ! Il vous calmera. Et n'écoutez pas les gens qui parlent de son égoïsme. Vous l'aimerez, vous verrez. Mais ne lisez pas, comme les enfants lisent, pour vous amuser, ni comme les ambitieux lisent, pour vous instruire. Non. Lisez pour vivre" (Pléiade, Correspondance, tome II, page 731, lettre du 6 juin 1857).
Gustave a trente-six ans. La Chantepie cinquante-sept. Le forcené de Croisset noircit des pages attentionnées qui lui sont destinées. Flaubert lui répond pour de vrai, quand il a une minute, en homme de métier. On songe à De Gaulle causant à Le Clézio, trouvant les mots qui font écho.
Il s'agit de lire. Sacré bonsoir ! "Plaisir divin" selon Proust. Debord, hors spectacle, a bien vu la société, ses ostentatoires temps morts. Il usa ses yeux sur les feuillets d'un autre siècle. "Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre".
Flaubert est au chevet de la petite châtelaine. Flaubert, toubib de La Chantepie, prescrit un alcool à réveiller les morts. Il pratique la médecine différemment d'Achille. L'idiot de la famille fait sa tambouille à sa guise.
"Lisez Montaigne, lisez lentement, posément ! Il vous calmera. Et n'écoutez pas les gens qui parlent de son égoïsme. Vous l'aimerez, vous verrez. Mais ne lisez pas, comme les enfants lisent, pour vous amuser, ni comme les ambitieux lisent, pour vous instruire. Non. Lisez pour vivre" (Pléiade, Correspondance, tome II, page 731, lettre du 6 juin 1857).
jeudi 7 novembre 2013
L'haltérophile d'un peuple
Novembre est un mois gaullien. Un général gothique d'une lointaine république, l'haltérophile d'un peuple qu'il portait à bout de bras, s'est écroulé en vieux soldat.
Il vécut quatre jeunesses, quatre fois vingt ans, dans le mouvement des renaissances, dans la résistance au bon sens, au voisinage des prouesses.
Il reconnut la Chine comme la passante prioritaire du coin de rue planétaire. Un demi-siècle après, on bricole dans l'à peu près, on détricote un somptueux passé. A rebours des marchands de présent, des publicitaires d'éphémère, l'homme récalcitrant savait que "l'avenir dure longtemps".
Althusser nomma ses mémoires d'étrangleur du mot du général visionnaire. Marxistes, gaullistes: sur la même piste. Entre les deux, rien, disait Malraux. Un néant de gouvernement.
Il vécut quatre jeunesses, quatre fois vingt ans, dans le mouvement des renaissances, dans la résistance au bon sens, au voisinage des prouesses.
Il reconnut la Chine comme la passante prioritaire du coin de rue planétaire. Un demi-siècle après, on bricole dans l'à peu près, on détricote un somptueux passé. A rebours des marchands de présent, des publicitaires d'éphémère, l'homme récalcitrant savait que "l'avenir dure longtemps".
Althusser nomma ses mémoires d'étrangleur du mot du général visionnaire. Marxistes, gaullistes: sur la même piste. Entre les deux, rien, disait Malraux. Un néant de gouvernement.
mercredi 6 novembre 2013
Le parti des burettes
Il a discipliné sa tignasse argentée. Il est habillé pour les caméras. Il est rieur pour deux. Il est confus, désordonné, gouailleur à toute heure. C'est un copain de bistrot, partageur de petits bonheurs, amateur d'ivresse et de paresse.
Borloo griffonne sur la table un projet bâclé comme Picasso dessinait d'un trait sur une nappe de café. Il y croit sur le moment, moyennement, pas vraiment. A d'autres voisins de table, il barbouillera d'autres figures, en géomètre de fantaisie.
Borloo est un alliage joyeux, fait d'une humanité burinée à la Carmet et d'obscurités langagières à la Rocard.
A côté, Bayrou est empêtré dans son corps. Il est planté là, comme un grand gars de la terre, cravaté pour la messe. Son visage est fixe dans une posture de bélier. Il est obsédé par l'Elysée malgré ses échecs répétés. Il se calque sur Mitterrand, le président qui l'ensorcèle, qu'il vénère en disciple provincial. Il est sensible à la flatterie, très centré sur sa destinée.
Entre une gauche qui gâche et une droite qui rate, il fait l'équilibriste. C'est un fildefériste amateur, un acrobate suicidaire qui a dégringolé à force de se pencher toujours du même côté. Bayrou est cousu de bosses. Il est rafistolé à l'hôpital Borloo.
Les deux compères, comme Bouvard et Pécuchet, se retrouvent par hasard, non pas boulevard Bourdon, mais sur le trottoir de leurs ambitions. Il y en a une de trop. Ils sourient comme des premiers communiants, pieux comme des novices, avant de s'entre-dévorer pour un même calice.
Le centrisme est une passion triste. Il préconise la modération. Il se trompe d'exaltation. De Gaulle raillait la tiédeur du centre avec des mots d'orfèvre: "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Bayrou est resté rouge de ses premières audaces. Borloo, c'est plus compliqué. Il a mangé à tous les râteliers de l'économie de marché. Il ratisse large les jardins du capitalisme.
Bayrou est un agrégé madré, fier de maîtriser l'alphabet. Il est très content d'avoir déterré un mot nouveau: "sécession". Trouvaille de Béarnais. Il colle à l'actualité de la nation. Le peuple est irrédentiste, coupé de sa représentation notabiliaire, nationaliste pour deux. Le mot "sécession" définit le climat émeutier du pays, la fronde des corporations.
Les deux hommes s'observent déjà en chiens de faïence. Borloo pince le poignet de Bayrou. Il veut parler à son tour. Il lui faut surenchérir. Gommer la bonne impression de "sécession". Il trouve "le plan B". Le conglomérat Borloo/Bayrou, c'est le plan B à la crise, au marasme, à la défaite cuisante de notre économie.
Le scoutisme centriste nous inflige un triste blabla. Pour finalement tirer à hue et à dia, à l'approche du grand match présidentiel. Le nouveau parti des "burettes" s'entête à l'optimisme comme une musique de supérette. Je retourne à mes fourneaux. Le Candidat, comédie politique, est sur la table de cuisine. Flaubert n'attend pas.
Borloo griffonne sur la table un projet bâclé comme Picasso dessinait d'un trait sur une nappe de café. Il y croit sur le moment, moyennement, pas vraiment. A d'autres voisins de table, il barbouillera d'autres figures, en géomètre de fantaisie.
Borloo est un alliage joyeux, fait d'une humanité burinée à la Carmet et d'obscurités langagières à la Rocard.
A côté, Bayrou est empêtré dans son corps. Il est planté là, comme un grand gars de la terre, cravaté pour la messe. Son visage est fixe dans une posture de bélier. Il est obsédé par l'Elysée malgré ses échecs répétés. Il se calque sur Mitterrand, le président qui l'ensorcèle, qu'il vénère en disciple provincial. Il est sensible à la flatterie, très centré sur sa destinée.
Entre une gauche qui gâche et une droite qui rate, il fait l'équilibriste. C'est un fildefériste amateur, un acrobate suicidaire qui a dégringolé à force de se pencher toujours du même côté. Bayrou est cousu de bosses. Il est rafistolé à l'hôpital Borloo.
Les deux compères, comme Bouvard et Pécuchet, se retrouvent par hasard, non pas boulevard Bourdon, mais sur le trottoir de leurs ambitions. Il y en a une de trop. Ils sourient comme des premiers communiants, pieux comme des novices, avant de s'entre-dévorer pour un même calice.
Le centrisme est une passion triste. Il préconise la modération. Il se trompe d'exaltation. De Gaulle raillait la tiédeur du centre avec des mots d'orfèvre: "Ce sont des enfants de choeur qui auraient bu les burettes". Bayrou est resté rouge de ses premières audaces. Borloo, c'est plus compliqué. Il a mangé à tous les râteliers de l'économie de marché. Il ratisse large les jardins du capitalisme.
Bayrou est un agrégé madré, fier de maîtriser l'alphabet. Il est très content d'avoir déterré un mot nouveau: "sécession". Trouvaille de Béarnais. Il colle à l'actualité de la nation. Le peuple est irrédentiste, coupé de sa représentation notabiliaire, nationaliste pour deux. Le mot "sécession" définit le climat émeutier du pays, la fronde des corporations.
Les deux hommes s'observent déjà en chiens de faïence. Borloo pince le poignet de Bayrou. Il veut parler à son tour. Il lui faut surenchérir. Gommer la bonne impression de "sécession". Il trouve "le plan B". Le conglomérat Borloo/Bayrou, c'est le plan B à la crise, au marasme, à la défaite cuisante de notre économie.
Le scoutisme centriste nous inflige un triste blabla. Pour finalement tirer à hue et à dia, à l'approche du grand match présidentiel. Le nouveau parti des "burettes" s'entête à l'optimisme comme une musique de supérette. Je retourne à mes fourneaux. Le Candidat, comédie politique, est sur la table de cuisine. Flaubert n'attend pas.
mardi 5 novembre 2013
Cioran mon tablier
La cérémonie des prix est morte d'une balle perdue. Victime collatérale de l'idéologie post-Général. Méfait de Mai. L'école jeta le discrédit sur la fête annuelle du mérite, voila sa honte des compétitions studieuses.
Mon père riait qu'on réservât l'exclusivité des croix d'honneur aux vieillards grabataires. Les grandes personnes raffolent des petits honneurs. Elles s'échangent les médailles comme l'hostie pailletée d'une gloire. Les enfants à la maison sont interdits de décoration. Ils ont mieux à faire avec leurs leçons que de jouer avec des bouts de ficelle.
Les prix littéraires ont gardé leur régularité saisonnière. Ils s'organisent autour d'une bouffonnerie: un frichti tonitruant, le raout chez Drouant. Les jurés de prix manquent de précocité dans le regard. La reconnaissance tardive entache le geste d'un élan insultant. Un Renaudot, de seconde zone, s'est prononcé pour Matzneff, l'autochtone. Il y a trente ans, au même âge, Cioran déclina le prix Morand.
Mon père riait qu'on réservât l'exclusivité des croix d'honneur aux vieillards grabataires. Les grandes personnes raffolent des petits honneurs. Elles s'échangent les médailles comme l'hostie pailletée d'une gloire. Les enfants à la maison sont interdits de décoration. Ils ont mieux à faire avec leurs leçons que de jouer avec des bouts de ficelle.
Les prix littéraires ont gardé leur régularité saisonnière. Ils s'organisent autour d'une bouffonnerie: un frichti tonitruant, le raout chez Drouant. Les jurés de prix manquent de précocité dans le regard. La reconnaissance tardive entache le geste d'un élan insultant. Un Renaudot, de seconde zone, s'est prononcé pour Matzneff, l'autochtone. Il y a trente ans, au même âge, Cioran déclina le prix Morand.
lundi 4 novembre 2013
Nique ton portique
Ils sont coiffés de rouge. Folklore d'Armor. Nique ton portique. Il crachine à Carhaix. Grande marée. Quimper gagne. Méli-mélo. Malo-Mali.
Deux tués, hors portique. Deux tués, exécutés de près. Deux tués d'Afrique. Perron de l'Elysée. Foulé de ministres et valets. L'heure est grave du ballet des graviers.
Jacquerie au pays. Tuerie au Mali. Le président est sur les dents. On rapatrie deux corps. Un dimanche de tiré. Cinq portiques de cramés.
Deux tués, hors portique. Deux tués, exécutés de près. Deux tués d'Afrique. Perron de l'Elysée. Foulé de ministres et valets. L'heure est grave du ballet des graviers.
Jacquerie au pays. Tuerie au Mali. Le président est sur les dents. On rapatrie deux corps. Un dimanche de tiré. Cinq portiques de cramés.
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